Branle bas de combat à Newport

ORANGE II DEVANT NEW YORK
DR

Départ confirmé demain dimanche pour le maxi-catamaran Orange II,
Interview de Bruno Peyron, à la veille de sa tentative de record de la traversée de l’Atlantique

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Les conditions météo : "Les conditions météos sont bien celles que l’on attendait avant de sauter dans l’avion. Pour l’instant il fait beau sur Newport mais le front est en train de se rapprocher avec le ciel qui se couvre, donc tout cela n’est pas une surprise, c’est exactement ce que l’on attend. On doit appareiller de Newport dans quelques heures, vers 20h ou 21h (française) pour se rendre sur la ligne de départ, au large de New York. Nous attendons un flux de sud-ouest 25 à 30 noeuds de vent sur le départ et un peu plus dès que nous serons sorti des bancs de Nantucket, donc c’est parfait. On aura un bon angle, la route est assez sud, ce qui nous rallongera un peu par rapport à la rou  te directe, mais cela n’est pas trop grave. Il reste une petite incertitude sur la zone d’arrivée, mais pas suffisamment problématique pour qu’on ne tente pas notre chance.

Objectifs : D’abord faire la plus belle traversée possible, quelque soit le temps à l’arrivée. Ensuite, tenter de relever encore notre record des 24h (706,2 milles), enfin c’est de battre ce chrono sur l’Atlantique. Ce sont nos trois objectifs collectifs. Personnellement, j’en ai un quatrième. J’ai eu la chance de ramener trois Trophée Jules Verne, j’aimerais bien ramener aussi trois records de l’Atlantique. J’en ai déjà deux en solitaire, il m’en manque 1 en équipage…

Pas de match France-Brésil : Non, on est désolé, mais on va être occupé avec une concentration un peu différente de celle de l’équipe de France. On leur souhaite toute la réussite que chacun espère, mais on ne pourra hélas pas regarder le match. De notre côté, ce ne sera pas du 4-4-2 mais plutôt du 2-2-6, priorité aux attaquants à savoir les barreurs de haut niveau qui sont à bord. On aura moins de défenseurs que lors du trophée Jules Verne.

Organisation à bord :  L’organisation de quart va se faire de façon différente que sur le Jules Verne. On va naviguer en 2 quarts de 6 et la durée de chacun à la barre dépendra du niveau de difficulté rencontré. Ce sera donc à chacun de savoir combien de temps il peut tenir à la barre avec la  meilleure concentration. Ce sont les cadrans qui parlent et à un moment donné, quand on va moins vite, il faut passer la barre… Pour l’instant il y a de la concentration et de l’agitation à bord. Ce que je demande à chacun à partir de demain, c’est un mélange d’agressivité bien placée et de lucidité.

Simulation : on a des simulations de temps, mais elles restent théoriques. Elles nous donnent entre 4 jours 16h et 4 jours 2h, on ne croit pas beaucoup à cette dernière très optimiste. Cela ne veut pas dire grand chose au moment où on parle.

Vitesse : On le sait, ce record est le plus rapide du monde (près de 26 noeuds de moyenne). Pour réussir il faut un bateau très rapide et Orange II est sans doute le voilier le plus rapide du monde aujourd’hui, mais cela ne suffit pas. Il faut un équipage qui sache tirer la quintessence de son potentiel. Puis il faut une équipe météo très pointue. Enfin il faut que la nature accepte de nous laisser passer et çà, on ne maîtrise pas… Le bateau sera sûrement mené à ses limites, ce qui n’a jamais été le cas dans le tour du monde. Là, le niveau est tellement élevé qu’on est obligé de pousser la machine dans ses retranchements si on veut battre ce chrono de 4 jours et 17h. On l’a déjà fait lors du record de la Méditerranée. Depuis on a encore progressé, mais maintenant, entre la théorie et la pratique, il y a juste un océan à traverser, et un océan, c’est toujours un océan…

Risques : Il y  a toujours des risques majeurs dans toutes compétitions océaniques de haut niveau, surtout à bord de ces engins de records poussés à la limite . Il faut veiller en permanence au bon équilibre entre l’agressivité nécessaire, le puissance, la performance, mais aussi et avant tout la sécurité. il n’y a pas de règle, ce n’est pas écrit dans les livres. On parie sur la grande expérience de notre groupe et le nombre de milles déjà courus ensemble pour faire en sorte que nous conservions toujours cet équilibre indispensable.

Le record : Je me focalise moins sur ce qui s’est passé avant, que sur l’objectif à venir. je suis biensur très respectueux de tout ce qui s’est passé avant, d’autant que ce record est une magnifique histoire. Charlie Barr en 1905, Tabarly 75 ans plus tard, puis tous les grands du multicoque français jusqu’au record ultime de Fossett. Le débat pour moi est simple, être demain l’équipage le plus rapide sur ce parcours. On a tout pour y arriver, mais on est encore loin de la ligne… d’arrivée !