Alors c’est le bonheur ?
Affirmatif. Je stresse aussi un peu. C’est dur à tout point de vue
Des ennuis sur cette longue étape entre Wellington et Rio ?
Des voiles endommagées. Lors de l’inshore à Capetown, on avait cassé les lattes et continué tant bien que mal jusqu’à l’arrivée. La grand-voile n’avait pas trop aimé. On avait réparé mais bon. Ensuite on a fait des petites erreurs dans les prises de ris et ça l’a encore fatiguée. Ca nous a un peu handicapé. Mais c’est surtout notre option nord dans le Pacifique qui nous a coûté bonbon… (rires).
Tu fais des belles performances globalement mais tu n’es pas à l’abri d’un retour des « éclopés » de l’Atlantique ou de l’Indien.
Et oui, Paul Cayard (Pirates) a fait deux à Melbourne et à Rio. Il est un cran au dessus. Il est en train de démarrer, c’est un gros diesel et il ne va pas être facile à contrôler. On a la pression. C’est quand même un grand virtuose. Et puis il y a encore plus de 50% des points à prendre avant l’arrivée. Rien n’est acquis. C’est le moins qu’on puisse dire. Même pour ABN One ! S’il se plante dans les inshore…
On a l’impression que les écarts en performance se resserrent entre les bateaux depuis le départ
Oui le « gap » du départ a disparu, les équipages connaissent mieux leurs montures, les Farr vont bien et ils ont gagné en fiabilité même si Movistar a encore eu un problème de quille. Ca régate pur et dur. Il faut être continuellement à 100/110% sinon tu te fais larguer.
Un commentaire sur la récente nomination de Kostecki aux commandes d’Ericsson en remplacement de Neal Mac Donald ?
Je m’en doutais un peu. Le bateau est en queue, ça ne pouvait pas durer comme ça. Il fallait un coupable et c’est le skipper. C’est un poste à siège éjectable. On est dans un milieu de pros, il n’y a pas de place pour les sentiments.
Le plus dur est fait sur le plan météo. Maintenant, c’est de la régate jusqu’à la fin ?
C’est clair ! D’ailleurs tous les bateaux partent avec des voiles neuves (le nombre de voiles est contingenté sur la Volvo, ndlr). On oublie les mers du sud. Désormais, c’est plus ambiance Figaro, navigation à vue. A jouer les nuages, les effets de côte. On passe de « offshore aventure » à «offshore régate ». Déjà l’arrivée à Rio, trois voiliers se tenaient dans un mouchoir après 6000 milles de course. J’estime qu’avec ABN Two on est à l’aise au reaching sans être vraiment plus rapide, on n’a pas de souci dans le petit temps, mais au louvoyage on a vu qu’on ne tenait pas en VMG face aux meilleurs Farr. Les voiles neuves devraient nous permettre d’améliorer le comportement du bateau.
Et ce fameux record de 563 milles en 24 h dans l’Océan Indien ?
On a eu pas mal de chance. Le vent avait le bon angle et la mer était relativement plate. On a fait du reaching pendant 24 h à presque 24 nds de moyenne. Je pense que c’est possible de retrouver le même genre de conditions et de faire mieux encore.
Le bateau est conforme à tes souhaits ?
Oui, il est très solide. Au Cap Horn, j’ai été impressionné par le potentiel du bateau. On a fait des pointes à 40 nds au GPS. Je serrais un peu les fesses car la mer s’est creusée en arrivant sur le plateau continental. Il y avait 40/45 nds établis. On était à 2 ris dans la g.v. et un petit foc à l’avant. On était sur un toboggan. Y a même des vagues qu’on évitait de prendre au risque de se planter grave. J’ai retrouvé des circonstances partagées sur Orange (le cata géant de Bruno Peyron, sur lequel Sébastien a fait le tour du monde). Il fallait préserver le bateau. On ne choquait pas la g.v. au portant pour éviter d’aller trop vite. Un peu comme sur un Figaro dans le baston pour garder le contrôle du bateau.
Vous repartez de Rio en fin de mois avec le même équipage ?
Le 25 mars nous avons une inshore et le 2 avril on part pour Baltimore sur la côte Est des USA (5 000 milles). Notre équipage reste identique à une personne près. Je peux vous dire qu’il y aura un autre français à bord de ce bateau très cosmopolite. Nous annoncerons cela officiellement dans quelques jours. Il remplace notre chef de quart blessé dans la dernière étape. Il sera barreur, régleur pendant cette étape. Ensuite, nous reviendrons à la composition initiale.
Les Volvo 70 sont très exigeants. On dénombre beaucoup de blessés depuis le départ d’Espagne
Effectivement, les voiliers vont très vite et les impacts des vagues sont violents. Notre n°1 a eu le coccyx cassé et une vertèbre fendue et un autre garçon s’est cassé deux phalanges quand une vague l’a embarqué. Les bateaux vont à la vitesse des multicoques mais en plus ils pénètrent dans l’eau. Des tonnes d’eau déferlent sur le pont à la vitesse d’un torrent fou.
Vous prenez des précautions ?
Je me souviens avoir dit haut et fort que je préservais mes équipiers en abattant dans les manœuvres. Aujourd’hui, j’ajouterai : c’est une règle d’or, l’abc de la conduite d’un Volvo 70, si on veut conserver son équipage intact. Ils ne prennent pas tous ces précautions et continuent à naviguer comme sur des VOR 60 qui culminaient à12/14 nds. Ce qui à mon sens est stupide et dangereux.
Ton meilleur souvenir de la course à ce jour ?
C’est tout récent, l’arrivée à Rio. On réussit à accrocher le podium après avoir eu jusqu’à 250 milles de retard sur les premiers. 6 heures avant l’arrivée, on était dans des grains pas possibles, on déchire le spi, on le répare, on le renvoie une heure avant l’arrivée et grâce à cela on gratte les Brésiliens. Une belle histoire non !
Et l’avenir de la Course ?
Volvo se pose beaucoup de question sur le futur de la course. Mais je note que les sponsors sont unanimes à vouloir continuer à naviguer l’an prochain avec leurs bateaux… Au moins 5 bateaux. Ils ont la volonté de créer un semi circuit Volvo ou de se greffer à une course existante pour continuer à faire naviguer ces bateaux et ne pas les mettre à la poubelle le 17 juin (le jour de l’arrivée de la Volvo à Gothenburg en Suède, ndlr)
Toujours envie de Vendée Globe ?
Toujours ! Du côté de VMI, c’est terminé et d’ailleurs mon ancien bateau devrait être vendu bientôt. On cherche un autre partenaire. Ca bouge mais rien de concret !
Propos recueillis par Patrice Carpentier
Classement général provisoire avant le départ de l’étape Rio – Baltimore
1. ABN AMRO 1 – 38.5 pts
2. ABN AMRO 2 – 28 pts
3. Movistar – 25 pts
4. Pirates of the Caribbean – 21.5 pts
5. Brasil 1 – 20 pts
6. Ericsson – 16.5 pts
7. Brunel – 11.5 pts