Hervé Devaux

Hervé Devaux
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Peut-on répertorier les incidents subis ?
Je distingue deux types d’incidents : des problèmes d’hydraulique et des problèmes de vérins. Sans rentrer dans les détails, je note que le règlement de la Volvo Race très attentif à la sécurité des navires n’a pas été nécessairement interprété dans le sens souhaité. Celui qui privilégie la fiabilité ! En terme de performance, la priorité est de gagner tout le poids qu’on peut gagner au dessus de la quille pour le mettre au fond, dans le bulbe de la quille. La tentation est d’aller trop loin.

Des exemples !
En terme d’hydraulique, je sais que certains bateaux emploient des vérins de très haute pression.

Quel est l’intérêt ?
Sachant que la force délivrée par un vérin est le produit de la surface du piston par la pression, si vous  augmentez la pression, vous pouvez diminuer la taille du vérin et celle de l’appareillage (dont la quantité d’huile) afin de gagner du poids.

Avec pour conséquence ?
Que des bateaux ont connu des défaillances de circuit hydraulique.

On parle plutôt d’avaries de vérins en titane ?
Il est exact que des bateaux ont troqué leurs vérins en acier qu’ils avaient durant leur préparation pour des vérins en titane durant la course (Movistar notamment, ndlr) et ce afin d’économiser quelques dizaines de kg plus efficaces dans le bulbe de quille que dans le fond du bateau. Il est difficile de cerner la configuration exacte des vérins. Certains appareillages marient l’acier et le titane parfois le carbone dans des proportions que je ne connais pas forcément. Sur ABN One les corps de vérin sont en titane… et ça marche bien. Sur « Pirates » (le bateau de Paul Cayard, ndlr) une pièce custom en titane s’est rompue. L’ironie de l’histoire est que l’usage du titane custom était prohibé en cet endroit… ! En l’occurrence, « Pirates » a souffert principalement d’un problème de tenue du support de vérin qui est en carbone. La pièce s’est décollée de la coque et c’est ce qui a occasionné une pénétration d’eau.

Ok, on comprend qu’il n’y a pas un problème spécifique mais divers problèmes. Est-ce dû tout simplement aux énormes contraintes subies en cet endroit du bateau ?
Effectivement, comparé à ce qu’on connaît sur les voiliers du Vendée Globe, il n’y a pas photo. D’abord sur les Volvo 70, les vérins sont placés entre 300 et 400 mm seulement au dessus de l’axe de rotation de la quille et le bulbe pèse beaucoup plus lourd. Les vérins encaissent des efforts nettement plus importants: jusqu’à 165 T sur ABN One !

Le bilan est quand même douloureux pour une majorité de compétiteurs. Hormis les ABN et l’Australien, loin derrière, tous ont eu des avaries. C’est un mauvais jeu de quilles !
C’est vrai que pour l’instant, c’est plus la prime à la fiabilité qu’à la performance même s’il faut rien enlever aux performances avérées des bateaux de Juan. Cela dit, ce n’est pas un problème de choix de matériau mais un souci de fiabilité mécanique et de mise au point par les fabricants de vérin. N’oublions pas que la jauge Volvo 70 est récente et que des bateaux ont été mis à l’eau tardivement.

A votre avis, l’escale à Melbourne a suffi pour résoudre durablement le problème. Ca va « passer sans casser » vers le Cap Horn ?
On ne peut jamais dire ça en course océanique. Toutefois je note que l’expérience aidant, des équipages ayant pêché par excès de technologie sont revenus à des solutions plus classiques, plus fiables. Mais il faut donner du temps au temps.  

Au fait, c’est ABN qui vous a convoqué en Australie ?
Non, pas du tout. J’étais invité par ABN pour contrôler « le bateau noir » avant cette nouvelle étape dans les mers du sud.

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RAS ?
Oui, mis à part une cloison un peu endommagée. C’est une cloison située sous la descente de part et d’autre du moteur. Elle subit les déformations de la coque et du pont mais elle n’a aucun usage structurel.

Côté vérin ?
0 problème. A titre d’information je précise que notre vérin est « multimétal » (alu, acier, titane, ndlr)

Et l’ambiance générale à Melbourne ?
Plutôt studieuse. C’est une course aux points. Les « blessés » des deux premières étapes peuvent encore remonter au score. Rien n’est joué. Ca peut rebondir !

Propos recueillis par Patrice Carpentier