Avec 355 milles parcourus en 24 heures à 15 noeuds de moyenne, Francis Joyon accuse un léger retard sur le chrono réalisé en 1994 par Laurent Bourgnon. Le trimaran Primagaz avait, on s’en souvient, pris un départ ultra rapide dans 30 nœuds de vent, pulvérisant dès le deuxième jour le record de distance parcourue en 24 heures (540 milles), couvrant plus du tiers de la route en deux jours, soit 24 degrés de longitude. Le constat ne génère nulle alarme chez Francis parti hier en connaissance de cause. Passer d’une dépression à l’autre est un exercice de haute voltige à très haut risque. Mais un trimaran allégé et performant dans ce petit régime de vent d’une dizaine de nœuds, et un Francis Joyon plus grand que nature quand il s’agit de « brasser » de la toile et de donner vie à un multicoque de 27 mètres, ont les ressources pour réussir cette première gageure Atlantique. « La nuit a été un peu stressante » avoue Francis d’une voix toujours aussi posée, « Je suis resté une dizaine d’heures à me bagarrer dans des bouffes sporadiques, sur une mer plate comme un lac. J’ai beaucoup manœuvré à l’avant à alterner génois et gennaker. Le vent montait puis disparaissait totalement… des coups à se faire piéger sous gennaker… » Ambiance « Ostar » donc à bord d’IDEC ; brume compacte, « Je ne vois pas au-delà de trois longueurs du bateau… », veille radar permanente aux cargos et pêcheurs en surnombre sous Nantucket, et réglages permanents du bateau pour progresser sur la route dans les petits airs…
Ce matin, l’option tentée semble porter ses premiers bourgeons ; le vent est passé Sud et IDEC affiche une vitesse enfin stabilisée sous les 20 nœuds. « Je suis travers au vent » s’étonne Francis, « et le bateau marche plutôt bien à cette allure dans un vent qui n’est pas encore très soutenu. » Le renforcement est attendu pour ce soir. IDEC évoluera alors dans un flux d’une vingtaine de nœuds. Il déploiera sa grande foulée et devrait rapidement égaler le rythme des 450 milles quotidiens avalés il y a plus de 10 ans par Laurent Bourgnon et son Primagaz. « IDEC a les moyens de battre le record des 24 heures » reconnaît Francis, « mais je n’en fais pas une priorité. Il aurait fallu pour cela suivre une route plus proche de Terre-Neuve afin de bénéficier à plein de l’effet Gulf Stream… » Francis a bien calé son trimaran géant sur l’ortho. L’île Sable se présente devant ses étraves. Le vent adonne et commence à tourner sur l’arrière du bateau. Il chassera les brumes et propulsera IDEC à belle allure sous le cap Race et Terre Neuve…
Joyon accélère…
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