Si les IMOCA sont les bateaux les mieux armés pour affronter les conditions de vent fort et de mer grosse attendues, Vincent Riou sait que la priorité dans ces premières heures de la Route du Rhum sera de préserver sa machine. Le mode course ne pourra véritablement être enclenché que dans le sud des Açores où il espère toucher un alizé établi. C’est seulement à ce moment-là qu’il pourra utiliser toute la puissance de son nouveau foiler ! D’ici là, il y aura de nombreux obstacles à franchir…
Quelles conditions sont attendues pour le départ de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe ?
« Pour le départ, ça va bien se passer car on part avec une vingtaine de nœuds de nord-est. Les bateaux vont quitter super vite Saint-Malo. Nous, les IMOCA, on devrait mettre une heure entre le départ et le passage à Fréhel donc ça va être plutôt très rapide. »
Et pour la suite ?
« Après par contre les choses se compliquent un peu car demain soir, nous allons passer un premier front donc une première perturbation à la pointe Bretagne, vers une ou deux heures du matin. On sera cueilli directement par 4 mètres de creux et 35 à 40 nœuds de vent. A la suite de cela, on descend derrière le front dans un flux de nord-ouest sur un point qui va se situer à peu près entre les Açores et le Cap Finisterre. Là, on va rencontrer une deuxième perturbation très creuse lundi soir ou mardi matin. L’ambiance est assez tonique pour ces premiers jours de course.
Cela signifie-t-il qu’il faudra lever le pied ?
« C’est compliqué de lever le pied car il y a beaucoup de mer. Il va falloir tout le temps garder le bateau appuyé pour qu’il ne soit pas trop sollicité. Il ne faut pas aller trop vite mais on ne peut pas non plus se permettre de naviguer trop cool… Nos bateaux quand ils ne sont pas dans leurs bonnes assiettes reçoivent des chocs qui sont encore plus importants. Ce n’est pas forcément mieux de lever le pied. »
Que disent les routages ?
« A priori, les routages prévoient une petite dizaine de jours de course donc c’est plutôt bon signe. Tout ce que l’on sait, c’est que ça va être a priori assez rapide. On a trois perturbations à passer jusque vendredi prochain donc on a cinq-six jours avec des conditions musclées. Mais quand on aura réussi à atteindre le sud de la latitude des Açores on arrivera à accrocher l’alizé pour débouler jusqu’aux Antilles. L’alizé a l’air d’être établi dans cette partie-là de l’océan. Les cinq premiers jours de course, il va falloir s’appliquer à rester dans la course et naviguer en bon marin. »
Est-ce que les bateaux peuvent faire la différence dans ces conditions ?
« La performance des bateaux ne changera pas grand-chose, c’est plutôt les marins qui feront la différence tout comme la préparation de leurs bateaux. Sur la fin, on pourra peut-être faire parler la poudre et naviguer avec les foils mais dans mon esprit, c’est très loin tout ça. Il y a bien d’autres obstacles à gérer. »
Y-a-t-il un moyen d’échapper à ces conditions météo défavorables ?
« Il y a peu d’échappatoires… Si on regarde les fichiers de vent de manière basique, on peut se dire qu’en essayant de gagner très vite dans le sud donc en passant près du Cap Finisterre, on peut éviter trop de mer et trop de vent… Mais c’est juste de la théorie… En général, quand tu as un gros front avec beaucoup d’instabilité qui approche de la péninsule ibérique, il y a un effet de compression, ça creuse et ça forcit encore beaucoup plus. On a une instabilité qui rappelle beaucoup les phénomènes qu’on a eu dans la Route du Rhum 2002 donc creusement dépressionnaire dans la traine derrière le front. La route qui pourrait paraître celle de la sécurité est encore plus dangereuse que la route qui fait passer par le large. On sait qu’on y trouvera 6 à 8 mètres de creux et 35-40 nœuds de vent mais pas plus. Ce n’est pas si simple ! Il n’y a pas de solution soft, ce sera forcément musclé. Clairement, les IMOCA sont, de loin, les bateaux les plus adaptés pour aller naviguer dans ces conditions-là ! C’est pour ça qu’aujourd’hui nous sommes tous un peu stressés, un peu tendus mais il n’y a pas de panique. Mais c’est sûr, dans la flotte, il y a des bateaux pour lesquels c’est une vraie problématique. La logique devrait amener certains marins à penser à faire une escale assez tôt. Les Class Rhum, certains class 40 devront réfléchir à mettre l’affaire en standby. »