Philippe Monnet

Philippe Monnet portrait
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«En solitaire, il y a deux courses extraordinaires : la Transat Anglaise et la Route du Rhum. Il s’agit de deux parcours différents avec leurs difficultés spécifiques, mais toutes deux sont aussi exigeantes. La Route du Rhum dispose d’un petit plus en termes d’ambiance, car Saint-Malo est une ville de départ magnifique et je ne parle pas de l’atmosphère à l’arrivée en Guadeloupe ! Le Rhum, c’est LA course, il faut y être et ils sont tous là !

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Concernant mon expérience personnelle, j’ai bien sûr rêvé de cette épreuve dès que j’ai commencé à naviguer sérieusement. J’y suis venu un peu tardivement (ndlr : Philippe a effectué de nombreux records en grand multicoque, dont son fameux tour du monde en 1987 avant de «passer au Rhum»), ma première participation s’est faite dans le cadre de mon entraînement pour le tour du monde à l’envers. Je venais juste de mettre mon bateau à l’eau, en 1998. J’avais cassé la bôme d’Uunet en milieu de parcours, et terminé 6ème chez les monocoques. En 2002, les choses avaient bien commencé à bord du trimaran Sopra, mais j’ai fait naufrage dans l’ouragan, juste à côté du Prestige.

Le chavirage a duré 4 secondes… J’étais au sommet d’une vague, le haut de la trinquette a commencé à se dérouler, cela a créé une poche suffisante pour que tout bascule d’un coup. Je me suis retrouvé sous le filet, à faire trempette à une heure du matin. Là, tu sais que ta course est finie, et tu penses avant tout à sauver le bateau. Ce que j’ai finalement réussi à faire, dans des conditions assez difficiles, mais j’ai pu le récupérer. Ce qui n’a pas été le cas de Loïck Peyron malheureusement. Il était tout près de moi, mais sa plate-forme n’a pas tenu. Evidemment, cette histoire a un goût d’inachevé et me donne envie de repartir. Je m’occupe aujourd’hui du monocoque et du projet Roxy… et j’avoue que je suis ici à Saint Malo (entretien réalisé à la veille du départ, ndlr) les mains dans les poches car notre bateau est plus que prêt, et moi je ne pars pas !

Alors y revenir un jour ? Oui bien sûr, car cela reste la plus beau terrain de jeu pour les multicoques, et quoi que disent certains qui font aujourd’hui du mono, cela reste des bateaux fabuleux… des engins pas fragiles contrairement à ce que l’on dit souvent, mais qui exigent d’être pilotés. On ne peut pas se cacher derrière l’excuse « mon bateau a cassé, c’est trop fragile », car derrière la casse, il y a une erreur de pilotage. Il faut mener la machine avec réserve, la sentir car si en monocoque une petite sortie de piste n’est pas toujours grave, en multi l’addition est toujours salée. C’est importante de faire cette nuance, et ne pas incriminer le support car au fond, c’est l’homme aux commandes qui est en cause : et c’est valable pour moi aussi ! En 2002, j’avais un budget serré, alors j’ai adapté la trinquette de Grand Prix à mon enrouleur, en gardant le rond de chute. Si je ne l’avais pas conservé, la trinquette ne se serait jamais ouverte au large dans 80 nœuds de vent. Donc, c’est une faute, point. On aurait pris le temps de mettre un coup de ciseau, les choses auraient sans doute tourné différemment !"

Propos recueillis par Jocelyn Blériot