Karine Fauconnier

Karine Fauconnier
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«Pour moi, le Rhum est naturellement quelque chose de particulier… Mon père le courait, nous habitions aux Antilles, c’était mon environnement naturel de petite fille. J’ai dû assister à toutes les arrivées en Guadeloupe. La première, j’avais 6 ans et je me souviens très bien de l’image de Malinovsky et de Mike Birch – j’étais à bord d’une vedette avec  ma mère – c’est resté gravé dans ma mémoire. Même si à l’époque, je n’avais aucune idée de l’importance que cela avait… Rien que le fait de percevoir l’excitation de tous les adultes autour de cette arrivée me laissait quand même envisager qu’il se passait quelque chose de pas banal. C’est après, avec l’âge, que l’on se rend compte que l’on a vécu des moments incroyables !

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Si je me souviens bien, mon père avait abandonné cette première édition sur problèmes de pilotes… Je me souviens aussi du contraste entre la chaleur des Antilles où nous vivions et la pluie et la grisaille de Saint Malo ! Ce qui a été valable pour l’Ostar aussi. A bord d’Umupro Jardin, mon père a fait une bonne place en 1982 (8ème, ndlr), et si j’ai quelques souvenirs de son arrivée, je garde surtout en mémoire la période qui a suivi : nous nous sommes baladés pas mal aux Antilles, je pense que c’est à ce moment-là que j’ai fait mes premiers bords à la barre d’un multicoque… avec la sensation de vitesse et les embruns que cela implique – même si le bateau devait plafonner à 25 nœuds, on se faisait déjà pas mal rincer !

Je n’ai jamais eu, comme beaucoup d’autres, de posters du Rhum dans ma chambre, ce n’était pas un rêve de gosse… Les pontons, les marins, tout ça c’était ma cour d’école, et plein de tontons ! C’était ma vie, point. Plus tard, l’émotion ne s’est pas dissipée et l’arrivée de Florence en 1990 a été un grand moment. A l’époque, j’étais stagiaire dans une boîte de production (en métropole, ndlr), à 18 ans je débutais ma vie active. Ma mère m’a appelée en me disant ‘Florence arrive, elle va gagner, il faut qu’on y aille’. J’ai prévenu les gens avec qui je travaillais que je partais une semaine – pas comme si je leur avais vraiment donné le choix. En atterrissant, nous n’avons pas eu le temps d’aller sur l’eau, elle était déjà à terre… Et il y a eu un moment fabuleux : juste avant de monter sur le podium, Florence m’aperçoit dans la foule, vient me prendre la main, et s’assoit tout simplement. Ça a immédiatement calmé le jeu, car il régnait une drôle d’excitation, tout le monde disait qu’elle était malade, qu’il fallait l’emmener à l’hôpital (ndlr, peu avant son arrivée, Florence Arthaud avait en effet dû lutter contre une hémorragie) – bref, tout un tas de bruits de pontons plus ou moins fantaisistes avaient circulé. Dans cette bousculade totale, le moment de pause a permis de tout faire redescendre sur terre… Je crois que c’est mon plus beau souvenir d’arrivée.

Florence était une très bonne amie de la famille, Philou (Poupon) aussi. A cette époque-là, la voile c’était un clan… Je dirais que cela a un peu changé avec la période Bourgnon, car à la fois cela correspond à une plus grande professionnalisation, mais aussi à l’arrivée d’une nouvelle bande. Plus tard, cela a été mon tour ! Et là, tout ce qui est sympa lorsque tu es spectateur – les au revoir, le passage des écluses etc. – tout de suite c’est nettement moins drôle ! Beaucoup de préparation, un vilain trac… et un débordement d’émotion pas facile à gérer. Soit tu craques et tu pleures, soit tu tiens le choc mais à ce moment-là tu ne le vis pas vraiment. La pression est énorme. C’est un trop-plein de gens, d’amour, de tout… pour te retrouver une heure après complètement seule sur ton bateau ! La transition est violente, même si tu as hâte de partir."

Propos recueillis par Jocelyn Blériot