Nick Moloney

Nick Moloney portrait
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«En termes de course en solitaire, pour moi il y a deux épreuves qui tiennent le haut du pavé… Une course de fond qui est le Vendée Globe, et un sprint qui est la Route du Rhum. Le nombre de participants au Rhum est vraiment impressionnant, ce qui en fait clairement la transat de référence.

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Je ne me suis d’ailleurs jamais, lors de ma préparation à l’édition 2002, senti réellement serein tant j’avais l’impression qu’il s’agissait là d’une épreuve mettant la barre très haut. Mais personnellement, il s’agissait surtout de pouvoir revenir sur le parcours de ma Mini Transat, qui avait été une expérience traumatisante : il fallait d’une façon ou d’une autre conjurer le sort, le Rhum était une excellente occasion de le faire – sans cela, je ne serais jamais reparti en solo… (ndlr : lors de la Mini Transat 1999 Concarneau – Guadeloupe, ayant connu un temps particulièrement violent, Nick avait été projeté par-dessus bord et avait bien failli se faire son trou dans l’eau. Il s’en était sorti miraculeusement avec une clavicule cassée, et un moral en berne).

Il était pour moi très important de repartir sur la même route, car je devais aller noyer quelques vieux démons, c’était vital pour mon avenir dans ce sport. Lorsque j’ai débuté les entraînement à bord de mon 50 pieds, c’était la première fois que je re-naviguais en solitaire depuis la Mini ! Je ne faisais pas le fier à bras, et la qualification a été très éprouvante mentalement. J’espérais également que lors de la course elle-même, nous n’allions pas avoir un temps aussi mauvais qu’en 1999… mais il a bien fallu que je me rende à l’évidence : cela allait être pire ! Lors de la conférence de presse la veille du départ, les vagues venaient frapper les vitres du bâtiment où nous étions à Saint-Malo.

J’ai donc pris le départ avec pas mal de stress, d’autant que c’était mon premier « gros » projet personnel, je souhaitais faire un bon boulot. Une fois les voiles hissées, toute l’appréhension s’est envolée, je pouvais enfin prendre la mesure de tout le travail fait en amont, c’était un sentiment de libération étrange, une confiance qui me venait d’un coup alors que jusque-là j’étais en permanence en proie au doute. Mon bateau (l’ex-CCP Cray Valley, plan Finot) était très solide, je savais cela et j’avais multiplié les sorties par gros temps – il manquait un peu de potentiel au près, mais je connaissais ses points forts. Très vite, on a appris que les avaries et chavirages ne faisaient que se succéder les uns aux autres, et pour ne pas me laisser gagner par le stress, j’ai volontairement mis de la distance entre ma course et ce qui se passait autour de moi… J’étais dans une sorte de « vision tunnel », je ne pensais qu’à gérer le bateau qui tapait lourdement à chaque vague, il était difficile à ralentir. J’étais couché en bas, sur le plancher, avec la télécommande de pilote sur la poitrine ! Au petit matin, la tempête s’était calmée, le vent était devenu portant, et à cette allure ce monocoque était incroyablement rapide. En début de course, Yannick Bestaven attaquait très fort, et je le voyais fondre sur moi, mais il fallait à tout prix que je ralentisse le bateau quand même, car je sentais bien que cela forçait trop… Yannick n’a pas tardé à casser sa quille, et j’ai eu le champ libre.

Quand je suis arrivé en Guadeloupe, l’équipe avait fêté la victoire d’Ellen la veille, et quand j’ai mis pied à terre vers 2 heures du matin, tout le monde était trop crevé pour remettre ça ! Par contre, on s’est tous bien rattrapés le lendemain, et le fait d’aligner deux victoires a été pour le team quelque chose de totalement incroyable. Le fait d’avoir, sur un plan personnel, réussi ma traversée m’a permis par la suite de m’aligner au Vendée Globe."

Propos recueillis par Jocelyn Blériot