Jean Maurel

Départ
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Lors de la première édition, j’étais en terminale, le père d’un de mes copains avait un bateau et j’étais passionné de voile… je suis donc allé à Saint-Malo voir le départ. Pour vous remettre dans le bain de l’ambiance de l’époque, nous étions amarrés dans le même bassin que les concurrents, tout près de ces grands noms qui me faisaient rêver. J’étais totalement sous le charme de cette atmosphère, parfaitement ébloui. Puis ils sont partis, et en l’absence des moyens dont on dispose aujourd’hui on ne pouvait rien suivre, simplement attendre l’arrivée. Il y avait une magie à ce mystère…

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Ensuite, ayant rencontré Marc pajot par hasard, je m’étais mis à travailler pour lui en tant que préparateur sur Elf Aquitaine II. Préparateur, c’est un grand mot, car à l’époque cela n’était pas un poste officiel ! J’avais croisé Marc sur le Tour de France à la Voile, alors que je faisais mon service sur le Bel Espoir : il cherchait quelqu’un pour l’aider à ramener son bateau de Cherbourg à La Baule, voilà comment ça a commencé. J’ai fini par habiter chez lui tout le temps de la préparation pour le Rhum 1982 – j’avais 21 ans, j’étais comme un fou ! Forcément, commencer comme ça, ça laisse des traces. Tout s’est enchaîné très vite, puisqu’il est parti faire la Coupe : j’ai alors pris la barre d’Elf II, d’abord sur La Baule – Dakar en 1983, puis ensuite pour le Rhum – à 25 ans ! Je n’avais pas forcément le meilleur bateau, mais en tous cas le plus gros sponsor, et je me retrouvais parmi mes idoles (ndlr : Jean Maurel terminera 6ème, derrière Loïck Peyron). J’ai fait ce que j’ai pu, c’était mon bizutage, le bateau était compliqué et j’ai eu pas mal de casse dans les vents forts de la première partie de course.

1990, le souvenir est nettement moins bon : j’avais le bon bateau, je venais de gagner la Twostar avec Mich Desj, mais j’ai démâté à Ouessant suite à la rupture d’une cadène de galhauban. Retour à La Baule au moteur, moral dans les pompes… J’ai vu l’arrivée de Florence à la télé. Ensuite, ça a été le début de mes années galère, car Elf a arrêté son partenariat. J’ai trouvé Harris Wilson, avec qui j’ai fait un catamaran très simple, qui avait coûté 2,8 millions de Francs – c’était rudimentaire, mais j’étais content d’être au départ. J’ai cassé ma nacelle, fait escale à Brest, suis reparti 3 jours après tout le monde… et je ne sais même plus combine j’ai fait au classement (ndlr : 8ème). J’avais fini, et finir un Rhum c’est toujours une grande satisfaction. En 1998, les choses se sont passées gentiment, j’étais en monocoque et là encore, j’étais à l’arrivée…

2002 a été une édition frustrante, j’étais chef du projet Bayer (trimaran 60), et malheureusement Fred (Le Peutrec ndlr) n’a pas vraiment fait la course. Je n’ai pas vécu cette édition-là, alors que nous avions construit et préparé le bateau pour cela. Fred allait repartir après avoir effectué une réparation, mais nous lui avons demandé de rester à quai au vu des avaries structurelles que venaient de subir les sister-ships de son trimaran (flotteur cassé en deux, puis plate-forme disloquée pour Fujifilm et Sergio Tacchini). C’était trop risqué… mais quand je vois ce qu’est devenu ce bateau (Banque Populaire), et les performances qu’il affiche, cela me fait plaisir.

Le travail que je fais cette année est très satisfaisant, diriger une course aussi légendaire n’est pas anodin. Sur l’eau, les marins ont de très belles conditions, même si c’est par moments un peu rude, et ils en profitent car on voit le rythme imprimé par la tête de flotte ! C’est un splendide sprint…

Propos recueillis par Jocelyn Blériot