Sur le terre-plein situé devant le chantier Multiplast, une heure avant son lancement, Groupama 3 toise de son ber un autre maxi-multicoque : un catamaran dépourvu de décoration, mais que l’on identifie sans trop de peine comme étant l’ex-Innovation Explorer (devenu Orange puis Kingfisher 2), venu se refaire une beauté dans les installations du sieur Ollier, où il prit vie voici 6 ans. La machine, désormais propriété du Baron Benjamin de Rotschild, est appelée à prendre le patronyme de Gitana 13, et à être menée par son premier skipper, à savoir Loïck Peyron.
Entre ces deux machines, dire qu’il y a un monde serait exagéré – car après tout, ce cata et le tri flambant neuf de Cammas n’ont qu’un mètre de différence en termes de longueur – mais il est clair que de l’eau a coulé sous les étraves des chasseurs de records ! «Pour la génération des « Club Med » (ou Code 0, puis Code 1, comme on les a aussi dénommés, ndlr), nous manquions de temps, il s’agit de bateaux qui ont été livrés en 9 mois », nous rappelle Franck Proffit, qui aujourd’hui occupe le poste de second sur Groupama 3. « Il est clair que mon expérience sur Club Med a été déterminante pour mon intégration au sein du projet de maxi-trimaran, et j’ai participé aux phases de conception. Désormais, je vais m’occuper de l’aspect sportif, c’est-à-dire la constitution de l’équipage, puis de faire naviguer le bateau lorsque Franck (Cammas, ndlr) sera pris avec le 60 pieds… lors de la Route du Rhum, par exemple ! ».
Groupama 3 a très clairement bénéficié des études faites pour le 60 pieds, ce que l’on sur retrouve la forme caractéristique des étraves de flotteurs (légèrement incurvées) ainsi que les formes arrières très plates au niveau de la coque centrale. D’autre part, le géant a des foils, une première dans cette catégorie poids lourds ! La différence de philosophie est donc de taille par rapport à Innovation Explorer et consorts, qui étaient des catamarans certes puissants, mais avant tout typés « tout terrain »… Les études se sont naturellement affinées depuis 1999-2000, mais un autre facteur entre également en jeu pour expliquer la radicalité accrue du dernier rejeton des G.Class : la réduction singulière du temps de parcours autour du globe ! Sous les couleurs d’Orange, Innovation Explorer avait signé un Jules Verne à 64 jours en 2002, puis il fut battu par Cheyenne en 2004 avec 58 jours – temps de référence qui tenait encore lors des débuts de la conception de Groupama 3. Ce temps fut ramené à 50 jours par Orange II, et c’est désormais contre ce chrono époustouflant que le trimaran de Franck Cammas devra se battre… Un rapide calcul montre que 14 jours ont été gagnés en seulement 3 ans, ce qui donne une idée de la nécessité d’aller chercher la performance dans tous les compartiments du jeu lorsqu’il s’agit aujourd’hui de lancer un projet ambitieux. « Cette fois, poursuit Franck Proffit, nous avons eu le temps de réfléchir, de confronter les points de vue et les solutions. Au total, et même s’il est difficile de donner un chiffre précis, je pense que Groupama 3 représente 120 000 heures de travail, conception et construction comprises… »
JB