Joyon n’abdique pas !

Francis Joyon - IDEC
DR

Deux heures seulement hier après midi, après avoir, par deux fois déjà escaladé son mât, Francis Joyon est reparti à l’assaut de son espar, malgré une cheville endolorie, pour tenter de sécuriser du mieux possible cet axe qui maintient le hauban tribord. L’enjeu : bloquer le dévissage intempestif de cet axe qui, s’il venait à tomber, provoquerait immanquablement la chute du mât. "Je l’ai bloqué du mieux possible avec du Spectra" raconte Francis, après avoir vainement tenté de le resserrer. Cet axe surdimensionné exige des outils et un confort de travail dont le solitaire en course ne dispose à l’évidence pas. "Il me faudra certainement grimper à nouveau pour mettre en place un ceinturage avec des bouts" poursuit Francis qui a eu le loisir de s’entretenir avec les fabricants du mât ainsi qu’avec les architectes du voilier, Nigel irens et Benoit Cabaret. Il ressort de ces entretiens une teneur quelque peu rassurante : "En l’état actuel des choses, les 32 mm de l’axe toujours en place suffisent à tenir la charge" résume Francis. "Mais il faut impérativement stopper ce desserrage…" Un peu de pommade, quelques cachets anti-douleurs et Francis a relégué au dernier rang de ses préoccupations sa cheville blessée et les hématomes provoqués par ses innombrables chocs contre le mât.

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IDEC, un genou à terre, n’est pas encore battu.
Tribord amure dans un alizé hier très nord et qui prend à présent de plus en plus de droite, IDEC s’enhardit quelque peu et va toute la journée orienter de plus en plus ses étraves vers Brest et rejoindre la route directe. "Le vent était plein Nord hier au sortir du pot au noir" explique Joyon, "Et je faisais cap sur les Bermudes. Le vent tourne un peu plus à l’Est pour une vingtaine de noeuds et je commence à lofer gentiment." L’esprit de compétition est, malgré l’adversité, bien présent et Francis d’avouer : "J’ai libéré un ris ce matin. Je navigue à présent sous deux ris et trinquette, ce qui est exactement la toile du temps…" Justement toilé, sur une route de plus en plus optimisée, IDEC, un genou à terre, n’est pas encore battu. "Je vais naviguer dorénavant en recherchant en permanence le bon compromis entre risque et performance" souligne Francis. "Je devrais conserver les conditions actuelles pendant 3 ou 4 jours. Viendra alors le moment de décider du virement de bord pour parer l’anticyclone des Açores et toucher les vents d’ouest…" Un moment crucial, car la manoeuvre de virement de bord constituera un véritable test pour le hauban. "C’est lorsqu’il ne sera plus sous tension que l’axe risque de bouger".

L’analyse de Jean-Yves Bernot
Conseiller Météo à terre du trimaran IDEC, Jean-Yves Bernot a, bien entendu, d’emblée intégré dans ses calculs de route le facteur avarie dont vient d’être frappé le grand multicoque rouge : " Je travaille désormais avec pour base 75% des polaires théoriques de vitesse du bateau" explique t’il. "IDEC navigue à 14 noeuds au près alors qu’il devrait marcher à 18… la bonne nouvelle c’est qu’il y a du vent fort prévu jusqu’à l’arrivée, et que Francis n’aura pas à renvoyer toute la toile. L’alizé est bien en place et la route vers Brest demeure donc inchangée, avec pour seule nuance qu’IDEC l’effectuera plus lentement que prévu. Il faudra, d’ici 3 ou 4 jours bien négocier le passage aux Açores avec un anticyclone pas très virulent. Les vents d’Ouest Sud Ouest seront ensuite au rendez-vous. C’est une transition qu’il ne faudra pas manquer sous peine de se retrouver avec du Nord Est pour l’arrivée. Seule inconnue à mon sens, le comportement du bateau au vent arrière compte tenu de cette avarie. »