« A 3h00 du matin, je viens de passer la barre à Jacques. On approche du front à 11 nœuds sous 3 ris ORC. On s’est préparé à faire le dos rond. Le bateau n´est pas sur une coque, on a ralenti pour passer tranquillement. Le vent souffle déjà à 50 nœuds et 55 en rafales. Il n’y a pas “péril en la demeure””, c´est surtout l´état de la mer qui est impressionnant. Nous sommes à la limite du plateau continental, là où tout l’Atlantique vient buter sur ce mur et lève une houle énorme.
D’un coup, on sent venir une vague pyramidale par l’arrière, comme une lame de fond qui s’écrase sur la coque centrale par le côté bâbord. Je sens le choc de l’intérieur. Je sors, Jacques me demande d’aller inspecter le flotteur. Je découvre qu’il est sectionné sur toute la circonférence et ne tient plus que par le vérin de bascule de mât.
On abat et on affale tout de suite la grand voile. J’ai besoin d’un diagnostic plus précis, je traverse de nouveau le filet, ce qui dans la nuit noire et avec ces conditions, n’est pas simple. Soudain, le mât arrache l’arrière du flotteur qui décolle et me passe au dessus de la tête avant de s’écraser dans le cockpit. J’ai juste le temps de revenir sur la coque centrale quand le mât s’écroule sous le vent, la bôme tombe à côté de Jacques.
Quelques minutes plus tard, le flotteur percute la coque centrale qui se remplit d’eau jusqu’à la hauteur de la descente. J’essaie d’atteindre le matériel de sécurité qui est dans un compartiment à l’arrière sous le cockpit, mais je renonce car j’ai peur de rester bloqué. J’avais déjà envoyé plus tôt un message par standard C. On décide donc avec Jacques de percuter la balise. C’est la première fois que je le fais.
Très vite, des marins du Guilvinec arrivent sur la zone. Ils ont arrêté de pêcher à cause de l’état de la mer. On se bat avec eux et Jacques pour récupérer le bateau. Les pilotes m’ont vraiment impressionné dans ces conditions. On réussit au bout de quatre heures à prendre Sodebo en remorque. Jacques et moi, on a sauté à l’eau pour monter à bord du chalutier. On avance depuis à 5,5 nœuds en direction de Brest. »
Le chalutier est attendu demain dans la journée. Il est encore impossible de savoir avant expertise ce qui a vraiment provoqué la rupture du flotteur.
Réaction de Patricia Brochard, coprésidente du groupe SODEBO :
“Pour nous, partenaire du trimaran Sodebo et pour tous les membres de l’équipe, c´est une évidence : le principal était de récupérer les deux hommes, Thomas et Jacques. Trois heures après avoir déclanché leur balise de détresse, ils sont sains et saufs à bord d’un des deux chalutiers qui s´est dérouté pour leur porter assistance. Maintenant, nous allons tout faire pour remorquer le trimaran dans des eaux plus abritées. Quand aux raisons qui ont provoqué la perte du flotteur et entraîné le démâtage, il est évidemment trop tôt pour se prononcer. Thomas l´a répété hier lors de la vacation de la mi journée : il avait confiance dans son trimaran réputé comme l´un des plus fiables, l’un des plus éprouvés de la flotte. Sodebo progressait cette nuit dans 40 noeuds de vent dans une mer très formée avec des creux de 7 mètres. On imagine la violence des chocs sur l’ensemble de la structure en carbone”.
Source Sodebo”