Bataille d´Hernani !

Cambria
DR

Ils sont tout de même seize centenaires aux Régates Royales de Cannes ! Vénérables anciens refaits de la pomme de mât au pied de quille, répliques authentiques des voiliers de cette fin de 19ème et du début du 20ème siècle, voiliers aux histoires maritimes exceptionnelles : qu’ils aient traversé plusieurs fois l’Atlantique, brillé dans les eaux tumultueuses du Solent, cherché leur route dans les brumes de Newport, participé aux grands rendez-vous nautiques des rois et des princes, échoué au fond d’une vasière transformée en house-boats… Depuis quelques années grâce à l’énergie de propriétaires passionnés et de chantiers navals conservant les gestes ancestraux des charpentiers de marine, ces magnifiques voiliers se confrontent encore amicalement pour le plus grand plaisir des yeux et le plus grand bonheur de leurs équipages. Sensations magiques que la puissance développée par ces élégantes carènes d’acajou, de chêne, de pitchpin, d’orme et de hêtre. Crissements des cordages dans les poulies en gayac, grincements des bastaques sous la tension des mâts en spruce, miaulements des encornats ballottés par le clapot… Naviguer sur ces bâtiments historiques est un pur moment d’émotion et un véritable honneur pour mieux comprendre comment ces marins d’antan arrivaient à tirer la quintessence de ces carènes épurées.
 
Un doux zéphir
Sur le plan d’eau de Cannes où ne soufflait ce jeudi qu’une brise molle de Nord-Est 8 nœuds, les Yachts Classiques s’élançaient sur le parcours n°6 vers le Golfe Juan, mais la brise devenait de moins en moins coopérative et le Comité de course se voyait contraint de déplacer la ligne à la bouée de la Fourmigue. Les arrivées se succédaient à un rythme de légionnaires, sous un soleil de plomb et un zéphir qui prenait la poudre d’escampette… Les résultats n’étaient pas attendus avant plusieurs heures car beaucoup d’équipages n’avaient pas encore contourner Sainte-Marguerite en milieu d’après-midi !
 
Toutefois après deux manches, les Régates Royales-Trophée Panerai ont déjà mis en avant plusieurs équipages dans chaque catégorie : trois voiliers n’ont pas fait de quartier puisqu’ils s’imposent sur les deux premières manches courues à l’image de Peter (Claudio Mealli) parmi les Epoques Marconi de moins de 15 m, de Rowdy (Graham Walker) chez les Epoque Marconi de moins de 23 m, et de Chaplin (Bruno Puzone Bifulco) en Classique Marconi de moins de 15 m. Les autres catégories semblent plus ouvertes avec un joli combat entre Spirit of Tradition où le 12mJI French Kiss doit contrer les assauts des Suisses, Choices (Beat Kuehni) et Duclop (Robin Detraz).
 
Oriole (Francis van de Velde) est un adversaire de taille pour l’habitué des podiums, Bonafide (Giuseppe Giordano) tout comme Avel (Nicolas Draminsky) parmi les Epoque Aurique. Sagittarius (Florence Laffite), Swala (Luciano Brovelli) et Astrée III (Jacques Guillaume) vont devoir batailler ferme pour se départager chez les Classique Marconi de plus de 15 m. Enfin, le 15mJI centenaire Tuiga (Bernard d’Alessandri) est en ballottage face à Moonbeam IV (Mikael Creac’h) et le Classe J Cambria (Chris Barkam)… Il y a encore de l’eau à courir, mais il va falloir rester concentré pour exploiter chaque risée et affiner les réglages de flèche et autres clinfocs !
 
Retard à l’allumage
Il a fallu patienter un peu dans le port de Cannes avant que le vent ne puisse vraiment s’établir de secteur Nord-Est d’une huitaine de nœuds. Les Dragon étaient les premiers à quitter les pontons vers midi et ne pouvait courir qu’une manche dans des conditions similaires : rappel général, départ sous pavillon noir et une deuxième manche à suivre qui ne peut être lancée faute de brise. Une première hiérarchie se dégageait pourtant avec l’Américain Yvan Bradbury en pointe : déjà second mercredi, il s’adjugeait la manche du jour devant le Britannique Lawrie Smith qui avait été éliminé sous pavillon noir la veille ! Le Russe Anatoly Loginov restait toutefois dans le match avec une troisième place alors que le Champion du Monde en titre, le Danois Poul Hoj-Jensen ne faisait pas beaucoup mieux que la veille… et que l’Allemand Thomas Müller s’enfonçait à la quinzième place !
Résultats provisoires Manche 2 :
1-Blue Haze (Yvan Bradbury) USA
2-Alfie (Lawrie Smith) GBR
2-Annapurna (Anatoly Ligonov) RUS
4-Cloud (Duca) ITA
5-Christina (Sorensen) IRL
6-Lei-lin’s Filrtation (Ron James) GBR
7-Danish Blue (Poul Hoj-Jensen) GBR
8-Princess Jalina (David Palmer)
9-Thouban (Christian Borenius) FIN
10-Eostig (Philippe Rossignol) FRA
 
Chaplin et la Marine Italienne
Dominateur depuis qu’il sillonne le circuit méditerranéen des Classiques Marconi, Chaplin est désormais armé par la Marine Nationale Italienne pour former des cadets et entraîner des sportifs de haut niveau, sous la houlette de Bruno Puzone Bifulco, directeur des sports véliques de l’Etat Major : « C’est la première fois que le bateau vient aux Régates Royales de Cannes. En fait, nous avons commencé le circuit méditerranéen avec les Voiles d’Antibes, puis à Ajaccio, La Spezia, Elbe, Naples, Porto Rotondo, Monaco… Et nous avons gagné à chaque fois ! L’équipage est formé par des sportifs de haut niveau qui sont intégrés à la Marine Italienne, une tradition afin de mettre à disposition du pays des athlètes pour la préparation aux Jeux Olympiques. Chaplin est basé à Naples où se situe le centre des sportifs de la Marine : nous courrons à huit ou neuf équipiers à bord.
Chaplin, qui a été dessiné par le même architecte qu’un autre bateau de la Marine, Sagittario, a été donné par la famille Novi à la Marine Italienne l’an dernier. Nucci Novi était une « dame de la voile » : elle a été pendant des années vice-présidente de l’ISAF et responsable mondiale de la voile féminine. Elle a aussi gagné la Giraglia et bien d’autres courses avec ce bateau… C’est une habitude en Italie : les propriétaires de voiliers anciens les offrent à la Marine quand ils ne peuvent plus les entretenir comme Stella Polaria, Capricia, Caroli, Calypso… Cela nous permet aussi de former les élèves de l’Académie Navale en complément de la frégate à trois mâts Amerigo Vespucci. »
 
Caractéristiques de Chaplin
Architecte : Carlo Sciarelli
Constructeur : Chantier Sangermani
Matériau/gréement : bois/sloop
Année : 1974
Armateur : Marine Nationale Italienne
Longueur : 16,64 m
Largeur : 4,25 m
Tirant d’eau : 2,30 m
 
Tabarly à l’honneur
À l’occasion de leur tournée en Méditerranée, cinq des six Pen Duick sur lesquels Eric Tabarly a couru tout au long de sa carrière, sont présents aux Régates Royales de Cannes. Partenaire de l’Association Eric Tabarly depuis 2003, la Banque Populaire annonçait ce jeudi soir, la reconduction de ce parrainage en présence de Jacqueline Tabarly et de Gérard Petipas. Les cinq Pen Duick ont chacun une incroyable histoire…
 
De Yum à Pen Duick
Le premier propriétaire du célèbre voilier dessiné par l’architecte installé à Fairlie sur la Clyde était le docteur Balfour Neil qui appela son bateau Yum. Il le vendit quatre ans plus tard au Havre en janvier 1902 à Monsieur Hachette qui le rebaptisa Griselidis et le revendit en juillet de la même année à un autre Havrais dont le nom n’a pas été retrouvé. Puis c’est un membre du Cercle de la voile de Paris, Monsieur Mac Henry qui l’acquit et le remonta même par la Seine jusqu’à Meulan ! En janvier 1907, Monsieur Pierre Tacon l’achète pour le revendre en juillet à Monsieur Georges Rus qui change son acte de naissance pour Manda. En 1909, Monsieur André Raillard en prend possession pour le renommer Griselidis et navigue sous les couleurs de la Société des Régates de Brest. Monsieur Cailleux l’achète en 1913 mais le bateau passe les quatre années de guerre sans naviguer. Monsieur Jacques Richepin l’emmène de nouveau en Finistère sous le nom de Cora V, puis ce sont successivement Messieurs Ganuchaud en 1921 et Le Goff en 1924 qui l’acquièrent. Le bateau s’appelle Astarée puis Panurge en 1931, année où il sillonne la baie de Quiberon.
 
Retour au Havre en 1933 sous la nouvelle appellation de Butterfly et ce n’est que le 17 juillet 1935 qu’apparaît le nom de Pen Duick lorsque Jean Lebec l’achète. En 1938, la « mésange à tête noire » (en breton, pen = tête, pointe, du = noir, ick = petit) est désarmée sur les bords de la Loire quand Guy Tabarly en prend possession avec pour port d’attache Bénodet. Eric Tabarly devient le quatorzième propriétaire en 1952 lorsque son père lui offre le cotre. Mais la coque en bois est trop abîmée pour remettre à l’eau un bateau qui a passé la Seconde Guerre Mondiale dans le hangar du chantier Constantini à La Trinité/mer. Eric décide alors de réaliser une nouvelle coque en polyester, Pen Duick servant de moule mâle.
 
Trois années seront nécessaires avant que le plan de William Fife III ne retrouve l’eau et qu’Eric le découvre naviguant en rade de Brest alors qu’il rentre d’une campagne autour du monde avec la Jeanne d’Arc, le porte-hélicoptères de la Marine Nationale. Eric participe l’été 1959 aux courses du RORC en Angleterre. De 1962 à 1983, Pen Duick ne navigue pas beaucoup et Eric décide de le remettre en chantier à Saint Malo chez Raymond Labbé. Le 6 juillet 1989, le cotre noir retrouve son élément avec une finition remarquable, un nouveau pont en pin d’Oregon, un jeu de voiles neuf signé Victor Tonnerre… Une nouvelle vie s’ouvre à lui. Depuis la disparition du célèbre marin le 12 juin 1998, Pen Duick est la propriété de sa fille Marie et navigue régulièrement du printemps à l’automne grâce au soutien de la Banque Populaire.
 
Caractéristiques de Pen Duick
Architecte : William Fife III
Constructeur : N&J Cummins et Bros
Mise à l’eau : 1898 à Carrigaloe (Irlande)
Longueur de coque : 15,10 m
Flottaison : 10,04 m
Maître-bau : 2,93 m
Tirant d’eau : 2,15 m
Déplacement : 10 000 kg
Lest : 6 000 kg
Surface au près : 160 m²
 
Situation météorologique
Pas de grand changement sur l’Europe de l’Ouest ! L’anticyclone 1030 hPa situé au large du golfe de Gascogne a même tendance à gonfler et à s’étendre et bien qu’un front arrive par le Nord-Ouest, il se désagrège au fur et à mesure qu’il se déplace vers l’Autriche… Quant à la dépression orageuse qui s’est formée sur la pointe de la Sicile, elle reste stationnaire et se comble sur place pour disparaître totalement ce week-end… Bonnes nouvelles pour une fin de semaine toujours très ensoleillée avec des températures assez stables, entre 18° et 22°C le matin, pour monter à 25° 27°C dans l’après-midi.
Pour ce jeudi 24 septembre, la baie de Cannes ne bénéficiait pas d’une brise bien établie : le vent synoptique tendait à s’orienter au Nord-Est faible et la brise variable rendait le plan d’eau assez compliqué… Déjà ce jeudi matin, le Comité de Course avait décidé de retarder tous les départs en attendant un régime plus stable. Il en sera probablement de même demain vendredi avec un vent qui va rester assez incertain ! Les régates dépendront donc de la propension à créer un différentiel thermique et de l’instabilité de l’air. Retour à une situation plus claire pour samedi avec un flux de secteur Nord-Est de dix à douze nœuds…

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