Rupture d’alizés…

Gérald Véniard - skipper Macif 2008
DR

La navigateur solitaire peine parfois à trouver la pleine félicité: après une semaine de navigation dans le dur, compteur dans le rouge, tous ont enfin l’occasion de souffler et de goûter pleinement ce qu’ils sont venus chercher : des longues glissades sur la houle atlantique, sous le soleil. Et pourtant… A bien les entendre, peu d’entre eux arrivent à se contenter de ces bonheurs simples. La faute à ce satané esprit de compétition qui fait qu’au bout du compte, tant qu’on est en mer, seule compte la bagarre pour la victoire finale. Sans bouder leur plaisir, tous avouent ne pas pouvoir goûter pleinement à cette descente presqu’indolente vers les Antilles. Que le vent vienne à monter, il faut alors tirer le meilleur parti du bateau, flirter avec les limites du vent arrière, jouer avec la barre pour chercher le surf qui permettra de grappiller quelques dixièmes de milles sur les adversaires les plus proches. Qu’il se prenne à mollir et surgit l’envie frénétique de compulser les fichiers de vent, d’échafauder les hypothèses météorologiques les plus improbables. Tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie, le solitaire en course vit sous tension. Et dans ces temps d’incertitudes, chacun cherche à se rassurer en s’appuyant qui sur son intuition, qui sur les froides statistiques, qui sur la fatalité… question de tempérament.

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Croire en son destin
En ces temps eucharistiques, nos solitaires sont pourtant bien loin, à l’inverse du grand Blaise Pascal, de se poser la question de l’existence ou non de Dieu. La palette des choix qui s’offre à eux, pour être beaucoup plus pragmatique, n’en est pas moins vaste. Cap ou vitesse ? Repos ou performance ? Nord ou sud ? Ces questions qui peuvent paraître dérisoires sont celles qui agitent les neurones de nos navigateurs : ainsi d’une Isabelle Joschke (Synergie) bien calée sur la route du sud qui avoue regarder avec admiration la trajectoire d’un Adrien Hardy (Agir Recouvrement), éclaireur impavide de la voie nord. D’autres parient déjà sur une arrivée à couteaux tirés entre des navigateurs qui convergeraient de différents points du plan d’eau vers leur but ultime. Armel Tripon sur Gedimat ne dit pas autre chose quand il parle d’un rythme et d’une tension proche de la Solitaire du Figaro. Gérald Véniard ou bien encore Erwan Tabarly (Athema) ne sont pas très loin de cette vérité quand ils reconnaissent passer des heures, dans la nuit noire, à guetter les bascules de vent, à trouver le bon équilibre entre le sommeil nécessaire et les heures qu’il faut consacrer à trouver la meilleure carburation possible. A ce petit jeu, l’intuition, l’expérience et l’envie restent les meilleurs ressorts. Tous le disent : d’ici quarante-huit heures, une première situation devrait se décanter. En attendant, chacun trace sa route avec la foi du charbonnier.