Thomas Coville : premier interview-bilan

Sodebo
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Pendant cette interview, le skipper a également appris l’homologation, aujourd’hui par le WSSRC, du record de la distance parcourue en 24 heures en solitaire – 619,3 milles soit 25,8 noeuds de moyenne – établi dimanche dernier, juste avant de constater la perte de la crash-box du flotteur tribord, stoppant net le tour du monde. A la mi-journée, le trimaran naviguait à moins de 160 milles de Cape Town où l’équipe technique l’attend demain matin pour effectuer le diagnostic précis des dégâts subis.

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Peux-tu nous décrire ce que tu vis depuis ton abandon ?

« En vélo, lorsque tu n’en peux plus, la voiture balai te récupère et une heure plus tard tu es sous la douche et bientôt entre les mains du kiné. Mais la mer ne s’arrête jamais. Depuis l’avarie, cela fait 6 jours que je remonte des 50e Sud, l’équivalent d’une transat. Quand tu es encore dans l’action tu penses d’abord à sauver ta peau et nous avons d’ailleurs subi cette semaine une forte dépression avec des vents de plus de 50 nœuds. Mais depuis que nous sommes dans des conditions agréables à l’approche de Bonne Espérance, une grande fatigue se fait sentir, tu cogites et tu repenses aux risques que tu as été capable de prendre alors que ta confiance grandissait. »

Ta réaction à l’homologation par le WSSRC du record des 24 heures?

« Presque 620 milles en une journée, ce n’est pas rien ! Ce record des 24 heures montre que nous pouvons aller vraiment vite avec Sodeb’O. Nous ne sommes pas venus jusqu’ici pour rien. Ce résultat sportif est aussi une récompense concrète pour l’équipe et le travail accompli. »

Le programme à ton arrivée à Cape Town puis dans les mois à venir ?

« Nous souhaitons faire un bon diagnostic et comprendre ce qui s’est passé. D’après nos calculs, c’est impossible que la crash-box soit partie toute seule. Il y a eu un choc. Je rentre donc dès mardi en France pour analyser cela avec les architectes : Nigel Irens, Benoît Cabaret et John Levell. Nous envisageons ensuite d’effectuer les réparations à Cape Town puis de monter au printemps le bateau jusqu’à New York pour s’attaquer en mai/juin au record de l’Atlantique Nord. Nous rentrerons après aux Sables d’Olonne avant de nous remettre en stand-by l’hiver prochain pour repartir autour du monde. »

Qu’as-tu appris sur ton bateau ?

« Sodeb’O est très sain, agréable à barrer et à régler. Nous tablions sur un record d’Ellen battu de 4/5 jours et nous en sommes à plus du double d’avance pour Francis actuellement. Cela montre bien le potentiel de ces machines. Sodeb’O est haut sur l’eau, marin, sécurisant, rapide et surtout, il ne m’a jamais fait douter. Il vole moins qu’un trimaran de 60 pieds mais je pense qu’en hydrodynamique, Nigel Irens vient faire une révolution dans la manière de passer dans la mer. »

Que penses-tu du « personnage Joyon » ?

« Francis est un « Monsieur ». Il est de la génération juste avant la mienne en terme de navigation en multicoque dont il est l’une des grandes références. C’est une force de la nature exceptionnelle et le skipper d’un bateau du même âge que Sodeb’O dans lequel il a mis 25 ans de carrière et d’expérience, dont un premier record autour du monde en multicoque bouclé il y a trois ans. »

Comment sa performance actuelle te fait envisager ta prochaine tentative ?

" Francis a encore prouvé la valeur sportive de ce type de défi dont certains pouvaient douter. La tâche ne sera pas forcément beaucoup plus ardue pour nous l’année prochaine. Il faudra espérer une meilleure fenêtre dans l’Atlantique puis dans le Grand Sud. Une expérience comme celle que nous venons de vivre te grandit forcément et il faudra savoir capitaliser pour repartir encore mieux armés en 2008".