Le navigateur Morbihanais aux convictions écologistes fortes (« Enfants, mon frère et moi refusions les cyclomoteurs… »), se prépare à affronter sa circumnavigation en solitaire en s’accommodant, pour ses besoins en énergie électrique, de ce que les technologies abouties en matière de panneaux solaires, éolienne et pile à combustible, pourront lui procurer. Exit donc le moteur inboard de 37 chevaux, adieu les litres de gasoil théoriquement nécessaires à son entreprise. IDEC naviguera « propre », sans énergie fossile polluante et épuré autant que possible des sophistications technologiques.
Citoyen de la Mer
Devient-t-on navigateur par amour et respect de la mer ou apprend on à respecter l’environnement en devenant marin ? Quoi qu’il en soit, d’aussi loin qu’il se souvienne, Francis Joyon a de tous temps considéré et envisagé les dangers que le modernisme fait courir à la planète. Et s’il avoue timidement un côté militant, c’est surtout dans les actes de la vie de tous les jours que le recordman de la traversée de l’Atlantique (et plus récemment de la Manche) applique les réflexes de citoyen responsable. « J’ai toujours conçu et fabriqué mes bateaux avec le souci de ne pas créer de nouvelles sources de pollution » raconte-t-il. « Mes trimarans de 60 pieds étaient, jauge de classe oblige, équipés d’un moteur, et IDEC premier du nom disposait depuis sa conception d’un énorme moteur de 280 kg qu’il m’avait été structurellement impossible d’enlever. Lorsqu’il est tombé en panne à mi-chemin de mon dernier tour du monde, j’ai fait la démonstration que je pouvais m’en passer. »
En concevant le nouvel IDEC avec les architectes Nigel Irens et Benoit Cabaret, Joyon avait deux lignes de pensées fortes : la simplicité poussée à l’extrême dans tous les secteurs névralgiques du voilier, de l’accès aux manœuvres à la conception du système de barre ou au lieu de vie. Fidèle reflet de son skipper, le géant aux trois coques affiche une rigueur que seul un marin comme Francis transforme en efficacité. Son souhait profond consistait aussi à se passer d’énergie polluante. En se privant volontairement de moteur, Joyon pousse encore un peu plus haut le curseur de la performance en gagnant significativement sur le poids de la mécanique et du combustible. Aux 140 et quelques kilos du moteur, il supplée la quinzaine de kilos du mâtrot arrière supportant l’éolienne, et la dizaine de kilos des 8 grands panneaux solaires qui fourniront l’énergie nécessaire au fonctionnement de ses instruments de navigation. Une pile à combustible vient compléter le dispositif propre du trimaran.
Dans une pile à combustible, la fabrication de l’électricité se fait grâce à l’oxydation sur une électrode d’un combustible réducteur (par exemple l’hydrogène) couplée à la réduction sur l’autre électrode d’un oxydant, tel que l’oxygène de l’air. Il est important de noter que la pile à combustible n’est pas une source d’énergie mais un vecteur d’énergie. Le fonctionnement d’une pile d’hydrogène-oxygène est particulièrement propre puisqu’il ne produit que de l’eau et consomme uniquement des gaz.
« Le vent qui fait avancer le bateau participera aussi, grâce à mon éolienne, au confort de ma navigation ». Et quel confort ! Pas de système de chauffage pour affronter le grand sud, un tableau de bord minimaliste… IDEC est bien l’exact reflet d’un marin hors norme, qui place d’abord la modernité au service de l’homme et de son avenir.