La stratégie globale de cette course au record de la traversée de l’Atlantique n’intégrait vraiment pas la possibilité de battre le record de distance absolue des 24 heures. Jean Yves Bernot, conseiller météo de Francis savait que l’opportunité existait, mais, redoutant quelque peu de voir IDEC trop dévier de sa route directe en consacrant ses efforts au « run des 24 heures », il n’avait pas souhaité lâcher la proie pour l’ombre. Tardivement informé que le record lui tendait les bras, Francis a pris sur lui de consacrer quelques heures « à fond » pour cueillir sans coup férir et au prix de quelques chauds moments à la barre ce nouveau temps de référence pour un solitaire. « Je me suis concentré à faire de la vitesse, à la barre et en lofant. J’ai vraiment beaucoup sollicité le bateau, plus que je ne l’ai jamais fait lors de mon tour du monde » avoue Francis. Après trois jours travers au vent, IDEC glisse désormais à des allures plus portantes. Le vent est toujours puissamment établi et commence à tourner sur l’arrière du bateau. Joyon multiplie les échanges avec Jean-Yves Bernot afin de décider ensemble de l’instant du déclenchement de l’empannage final qui déposera le grand trimaran rouge sur les bons rails, bâbord amure dans un vent de secteur Nord Ouest. La mer deviendra alors un peu plus dure, un peu plus hâchée, et Francis devra multiplier le temps passé à la barre pour optimiser la route et la vitesse de son géant aux allures portantes. La fatigue est là et témoigne de l’âpreté du combat mené depuis New York. Francis la maîtrise avec lucidité ; « Tant que je dors près de deux heures par nuit, je conserve toutes mes facultés. » A moins de 1 000 milles d’un fabuleux exploit, Joyon fait appel à tous ses réflexes de « vieux routinier des barouds océaniques ». « J’ai une paire de grosse jumelle avec laquelle j’observe régulièrement mon mât et mon gréement. Je sais trop que rien n’est jamais joué avant le passage de la ligne ». Et de raconter les violentes embardées de la nuit, IDEC enfournant « sec » à plusieurs reprises dans la mer formée. « J’ai alors décidé d’être raisonnable et de rouler le grand gennaker » s’excuse presque Francis. Le Morbihannais est à l’attaque comme jamais, trouvant parfois le temps de réfléchir à son exploit ; « je crois que même en équipage, ce bateau n’est jamais allé aussi vite… »
*Pour battre le record de Laurent Bourgnon, Francis Joyon doit se présenter au cap Lizard (GB) avant le 7 juillet à 11 heures 16 minutes et 08 secondes GMT.
Source : Mer & Media