Transat Jacques Vabre. Miranda : “le résultat des courses c’est un peu comme le Bac, on te demande si tu l’as eu ou pas et on se fiche de savoir comment.”

@ Jean-Marie Liot

Miranda Merron et Halvard Mabire à bord de Campagne de France viennent de passer les Canaries et sont dans le dernier groupe d’Imoca talonnés par les premiers Class40. Message du bord :

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Pas si simple. Beaucoup d’empannages (virements de bords vent arrière) selon les variations du vent. Pour ceux qui suivent la cartographie de la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre, ils doivent croire qu’il y a des distilleries géantes aux Canaries et que les effluves d’alcool qui s’échappent arrivent jusqu’aux narines des skippers et que c’est la seule explication plausible aux routes sinueuses et erratiques de tous les bateaux ivres qui se baladent autour de l’Archipel.
Je trouve ça bien comme explication. On ne va pas vous embêter stratégie, tactique et météo, car finalement tout cela est éventuellement passionnant à suivre ou à vivre, mais finalement il n’y aura que le résultat à Salvador qui comptera. Pour l’Histoire, le résultat des courses c’est un peu comme le Bac, on te demande si tu l’as eu ou pas et on se fiche de savoir comment.
Eventuellement certains peuvent s’aventurer à parler stratégie et à supputer sur telle ou telle option pour faire croire à la glorieuse incertitude du sport. Par exemple, entre les deux grandes options qui se sont dessinées au début de cette transat, on pouvait faire croire pendant des jours qu’il y avait du suspens entre l’Ouest et le Sud, alors qu’un simple regard sur les cartes météo laissait entrevoir assez clairement au bout de 2 jours que les tenants de l’option ouest allaient très probablement prendre cher par rapport à ceux qui se sont souvenus à temps que Salvador c’était quand même grosso modo dans le Sud.
De même, au sujet des classements, en se référant à la simple et seule distance au but, sans tenir compte des vents et des positionnements, on annonce doctement des résultats que l’on sait pourtant bidons. Mais, peut-être que l’on se dit aussi que ça fera bien “pour le sport” de voir un bateau apparemment revenu du diable vauvert faire la nique à un paquet annoncé depuis plusieurs jours en tête, car bien plus proche du but sur une ligne droite “virtuelle”, mais dont la route à parcourir en fonction des vents sera obligatoirement bien plus longue que celle du bateau “derrière”. Donc le choix du commentateur n’est pas simple : ne pas se casser la tête et se référer aux classements indiqué par la distance au but, ou bien essayer de faire une vraie analyse, mais qui sera forcément complexe car ce n’est jamais simple d’expliquer que quelqu’un qui est effectivement “derrière” est en fait mieux placé et est par conséquent “devant”. Analyse savante, dont peut-être en plus tout le monde se fiche, car comme on dit asez vulgairement “c’est après la foire que l’on compte les bouses”.
Une seule chose est sûre en tous cas, c’est que bien souvent il vaut quand même mieux être “devant” que “derrière”. Entre autre par ce que tout ce qui est pris n’est plus à prendre et aussi parce que là où sont passés les premiers avec des vents assez soutenus, il arrive un peu trop frequemment qu’ils ferment la barrière derrière eux et ne laissent que des miettes de vent aux poursuivants. C’est un peu ce que nous vivons en ce moment. Comme quoi, en général, dans les courses c’est comme à la Retraite de Russie, il vaut mieux être devant, car ce sont ceux de derrière qui se sont fait repasser, c’est à dire ratatiner.
A part ça, si les classements et les vitesses constatées des autres bateaux ne venaient pas gâcher les choses, le moins que l’on puisse dire c’est que pour le moment nous vivons vraiment une belle transat.
Les conditions sont assez clémentes et depuis que le ciel s’est un peu dégagé nous profitons en journée de températures qui ne sont pas encore caniculaires et pendant la nuit la beauté des étoiles nous rappelle que les citadins, et maintenant les “néo ruraux” aussi, feraient bien de se passer de lampadaire. En plus d’être “bon pour le Climat”, plus terre à terre, ça ferait des économies et ça aiderait tout un chacun à se resituer dans l’Univers.
La Lune commence aussi à apparaître. C’est un truc dont ne tiennent d’ailleurs jamais compte les organisateurs de courses pour le choix dans la date (ce n’est pas une contrepétrie) de leurs événements. Pourtant pour les marins ça change tout une nuit avec ou sans lune. En ce moment la lune est croissante, c’est à dire que nous l’aurons de plus en plus longtemps et de plus en plus entière.
Donc, que des bonnes nouvelles sur Campagne de France
A tantôt – Halvard.

Miranda
Enfin la vraie route des alizés pleine de nuages! Bel entraînement aux empannages hier et une partie de la nuit, en grande partie à cause de la direction du vent, mais aussi pour tenter d’éviter le cône de dévent qui s’allonge sur plus de 100 milles à l’ombre des iles Canaries. Nuit claire très étonnante que nous n’avons pas du tout pu apprécier à cause d’un pilote automatique erratique. Son habilité à conduire laisse beaucoup à désirer et par moment il part en zig zag sans raison aucune, ce qui est très énervant quand on descend au portant, surtout au beau milieu de la nuit. Après avoir failli partir à l’abattée à plusieurs reprises, son humeur s’est améliorée, au moins pour l’instant. Sur le plan de la vie domestique, il est temps de faire chauffer les bouteilles d’eau pour une bonne douche sur le pont! L’avantage d’avoir un désalinisateur à bord!