Transat Jacques Vabre. Le bout du tunnel en IMOCA

48 heures après leur départ, les IMOCA entrevoient le bout du tunnel infernal. On ne se rend pas compte à terre mais depuis mardi matin, les duos IMOCA de la Transat Jacques Vabre ont été vraiment malmenés par le vent fort – très fort à certains moments soufflant en rafales 35-45 nds, mais aussi par la mer formée, résidu des tempêtes successives.

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À bord de leurs foilers surpuissants, les marins ont été chahutés, un peu comme dans un shaker. Hier, à deux reprises via des écrits ou encore en vidéo, Max et Chris, V and B – Monbana – Mayenne, se réjouissaient de pouvoir s’assoir ! Le skipper en chef cancalais indiquait d’ailleurs en toute franchise avoir eu du mal à entrer dans la compétition physiquement ne dormant pas, s’alimentant avec difficulté. Le passage du mode terrien à marin est brutal, c’est peu dire.

Ce matin, malgré quelques soucis techniques qui entachent la performance mais solutionnables à moyen terme, le Dragon des Océans pointe en dixième position au classement général provisoire. Le vent va se faire peu à peu moins fort après le passage du cap Finisterre. La tension dans les écoutes sera également moins électrique et le voilier rouge, blanc et noir sera plus plat au vent de travers, de quoi faire une inspection technique et surtout se reposer, reprendre peu à peu une routine en mer, s’amariner définitivement. Cela sera aussi le moment de faire des choix de route et réfléchir à comment traverser l’anticyclone qui barre la route de la flotte en direction de la marque obligatoire açorienne à laisser à tribord. Cap au Sud ou à l’Ouest au contact, toujours au contact tant le jeu transatlantique est serré…

Yoann Richomme à bord d’Arkéa Pparec : «On oublie que les conditions de mer sont épouvantables et c’est vraiment délicat pour les bateaux. C’est plus raisonnable de faire cap au sud». Fidèle à lui-même, Yoann Richomme revient avec clarté et honnêteté sur cette 2e journée en mer, au cœur du golfe de Gascogne. Les conditions toniques, la mer croisée et les vitesses moyennes, à plus de 20 nœuds, ont particulièrement éprouvé les hommes et les machines. Yoann et Yann ont tenu bon et ils ont fait un peu mieux que ça. Cette Transat Jacques Vabre, débutée sur le tard (après une semaine à laisser passer deux tempêtes) n’offre aucun répit. Les IMOCA semblent lancés dans une course contre-la-montre effrénée sans temps mort comme si le marathon attendu devenait un sprint interminable. Hier soir, Yoann Richomme reconnaissait que cette 2e journée à bord a une nouvelle fois « été très intense ».

« Mercredi matin, on a dû passer le front comme prévu. Le vent a tourné très rapidement, on a dû faire une grosse manœuvre. Après, ça a bombardé toute la journée ». La vitesse – plus de 23 nœuds de moyenne au cœur de la journée – et l’état de la mer obligeaient donc à redoubler d’attention. « C’était assez violent. Parfois, on essayait de calmer le bateau pour éviter le risque de casser ». Plusieurs autres skippers se sont fait surprendre et ont dû faire face à des avaries. Entre des voies d’eau, des voiles déchirées, des dégâts structurels, on compte un abandon (Stand as One) et six retours au port (Be Water Positive, Lazare, MACSF, Groupe APICIL, Biotherm, Oliver Heer Ocean Racing). « C’est vrai qu’on pouvait facilement faire des bêtises, reconnaît Yoann. Même en faisant tout avec minutie et sérieux, ça tapait très fort, à la limite de l’insoutenable ». Une nouvelle fois, il fallait faire preuve de patience et d’un sacré sens du dévouement pour tenir et résister sans réduire l’allure. Yoann et Yann s’y sont employés, enchaînant les quarts sans broncher. Par ailleurs, les regards étaient rivés sur les fichiers météos afin de déterminer la bonne route à emprunter. « Finalement, tout le monde a opté pour aller dans le sud, décrypte Yoann. On oublie que les conditions de mer sont épouvantables et c’est vraiment délicat pour les bateaux. C’est plus raisonnable de faire cap au sud ». La décision s’est faite dans la matinée. En fin de journée, une légère accalmie a permis de se reposer, enfin, et de faire le tour du bateau pour vérifier que tout était en ordre. « On arrive à se reposer même si nos deux bannettes se sont cassées… Le matelas fonctionne bien ! »

Dans le ‘top 5’ la veille, Yoann et Yann se sont hissés sur le podium provisoire en cette 2e journée et ont pris la 2e place pendant la nuit. Au classement de 7 heures, le duo Richomme-Eliès n’avait que 26 milles de retard avec celui formé par Jérémie Beyou et Franck Cammas et comptait 7 milles d’avance sur Thomas Ruyant-Morgan Lagravière (For People). Surtout, le trio se détache : le 1er poursuivant, Teamwork.net (Justine Mettraux et Julien Villion) pointe à près de 20 milles. « Après le front, on a réussi à s’extirper pour se placer dans le bon wagon », apprécie Yoann.

La suite, c’est une progression vers les côtes portugaises. « On va avoir 24 heures un peu plus tranquilles pour descendre au vent de travers, poursuit le skipper. Ensuite, on va aller chercher l’anticyclone au sud du Portugal pour se faufiler et aller chercher l’alizé. » En somme, un programme beaucoup moins éprouvant que le début de course et ce n’est pas plus mal. « Des départs comme celui-là, ça use beaucoup, s’amuse le skipper de Paprec Arkéa. Ça tire sur le système… Mais on a réussi à bien se reposer pour la suite ! »

Benjamin DUTREUX (GUYOT environnement – Water Family) : Les premières 36 heures ont été très intenses. On n’a pas donné beaucoup de nouvelles car nous étions pas mal occupés. Le passage du front a provoqué pas mal de casse sur la flotte. A bord, nous avons pas mal de bricoles à faire, c’est vrai qu’on a perdu du temps sur les autres concurrents et que ça nous a pris pas mal d’énergie. Les premières 36 heures n’ont pas été de tout repos, mais on s’accroche. On est pas loin du bon paquet, c’est le plus important. On va voir les options qui se dessinent dans les prochaines heures mais j’ai impression que tout le monde a l’air de se diriger vers le sud …. Vers le soleil. Et ce n’est pas plus mal.

Corentin HOREAU (GUYOT environnement – Water Family) :  C’était super intense ! En mode Figaro. On ne s’est toujours pas déshabillés pour dormir. On a eu quelques bricoles malheureusement mais ça va on garde le moral. Ça fait partie du jeu et on a les petits copains encore à côté donc c’est encore mieux.

A bord de TeamWork : « La première nuit c’était vraiment la guerre, on s’est concentrés sur le fait de garder le bateau en un morceau. C’était une nuit bien engagée avec 40 noeuds pendant assez longtemps, et on a vu que ça a fait pas mal de dégâts dans la flotte malheureusement. Il nous est arrivé quelques petits pépins mais vraiment rien de grave. Dès qu’on pourra on va faire un bon tour du bateau pour tout vérifier mais ça ne nous gêne pas pour naviguer jusqu’ici. Maintenant on essaie de se reposer, les conditions de vie à bord ne sont pas très agréables, mais rien d’insurmontable. Dès demain ça devrait commencer à être de mieux en mieux ! »