Il y a encore quelques heures, le marin solitaire affrontait une tempête, un vrai coup de chien avec des creux de 6 à 8 mètres et des vents soufflant en rafales à 50 noeuds : "Dans ces moments là, » confiait Tom, "je peux vous affirmer qu’on se sent tout petit." C’était la nuit et à l’instinct, il avait pris un troisième ris dans la grand voile. "Rien ne me forçait à le faire," explique-t-il. L’instinct de survie sans doute et l’expérience surtout.
Le Pacifique Sud ressemble plutôt à un champ de mines pour les coureurs d’océans qui n’ont qu’une hâte : en sortir au plus vite ! Et c’est bien le cas du skipper de Sodebo aujourd’hui qui surnomme très justement la pointe en forme de scorpion du continent sud américain : "le Cap de Bonne Délivrance." On pouvait entendre le soulagement du skipper de Sodebo qui quitte les eaux hostiles du Pacifique. "Dans ces moments là, tu deviens amnésique. Tu oublies tes souffrances de ce parcours très engagé où tu es toujours sur le fil du rasoir."
Alors qu’il évoque la nuée d’oiseaux qui l’accompagnent comme une note de civilisation retrouvée au moment de contourner "ce caillou, un gros rocher avec sa colline et ses herbages qui descendent jusque dans l’eau comme une étrave", le skipper qui vient de passer 38 jours sans voir une once de terre poursuit pour "dédier ce Cap Horn à tous ceux qui ont dans la tête ou dans le cœur, un projet," leur conseillant "de le tenter même si ça paraît fou."
Concentré depuis 38 jours soit plus de 5 semaines sur ce temps exceptionnel réalisé par Francis Joyon en 2008, le skipper de Sodebo aligne les milles avec une constance impressionnante. Parti de Brest samedi 29 janvier, Thomas Coville comptabilise déjà 19 186 milles au compteur qu’il a parcouru à une moyenne de 21,03 nœuds. Le solitaire de Sodebo traverse les océans comme une fusée avec comme vitesse cible une moyenne de 20 nœuds. Il lui reste 7000 milles en ligne droite pour atteindre Brest. Mais le compétiteur qu’il est, sait sûrement qu’il a 19 jours, 13 heures, 16 minutes et 34 secondes devant lui pour battre le record du tour du monde en solitaire qui est de 57 jours, 13 heures, 34 minutes et 06 secondes.
En se lançant dans la bataille du Pacifique, Tom s’était fixé comme objectif d’avoir moins de 1000 milles de retard au Cap Horn pour entamer la remontée de l’Atlantique dans des conditions psychologiques plus confortables qu’il y a deux ans où il avait plus de 4 jours de retard. En franchissant aujourd’hui mardi 8 mars la longitude du Cap Horn, il a 687 milles de retard sur Idec.