Le ticket pour Recife

Bernard Stamm Velux 5 Oceans etape 1 2006
DR

« La remontée de l’Atlantique porte bien son nom. On sent bien qu’on ne descend pas, ça c’est clair. J’ai passé la journée au près serré dans une mer formée et du vent assez fort, à tirer des bords contre un vent venant exactement d’où je voulais aller. De plus, à cet endroit, la courbure de l’anticyclone et la présence du front sur bâbord fait que les deux bords étaient refusants, qu’il fallait insister vers l’est pour trouver un bord tribord à peu près convenable. Le tout sous un ciel digne des plus sombres passages de pot au noir, grains compris. La différence est que le synoptique donne du vent de 25 à 35 noeuds et qu’il n’y a pas d’orage dans les grains. Tout ça fait que pour mettre des miles en direction du but, il faut pousser sur la machine. Elle ne les fait pas naturellement d’elle-même, comme certaines fois dans le sud où mon travail consistait à aller plus vite que ce que le bateau faisait de lui-même. Non, là il faut régler, trouver le bon c! ompromis entre le cap et la vitesse, le réactualiser à chaque changement de force et de direction de vent, mettre le matériel au vent à chaque virement de bord, essayer de trouver les petites bascules de vent pour pouvoir virer et se rapprocher du but, tout ça avec le bateau qui tape à chaque vague avec force et qui a l’air de se trouver bien avec 30 degrés de gîte. Le moindre déplacement à bord se fait en se tenant des deux mains et ressemble à ce qu’on ressent sur ces engins de fête foraine dont l’unique but est de vous faire perdre l’équilibre et accessoirement vous faire vomir votre quatre heures. Inutile de penser ` aller dormir dans ces conditions surtout que pour vraiment rester près du vent, je barre quand même bien mieux que le pilote. Depuis quatre ou cinq heures et après le dernier virement de bord, j’ai enfin trouver un angle convenable, qui fait que, bien qu’auprès serré je fais la route direct. Mon ticket pour Recife, en quelque sorte. Le vent à l’air de s’être stabilisé et il est beaucoup moins nerveux sous les grains! Donc je vais pouvoir, enfin, aller me reposer un peu et reconfier le cap à suivre au pilote. »

- Publicité -