Naviguer à bord d’un voilier de course, privé de toute aide moderne à la navigation, dans l’une des contrées les plus singulières de la planète liquide, suppose du courage, un bon sens marin, et peut-être de la chance. Car dans la noire incertitude qui broie ce jour les protagonistes de la tête de La Charente-Maritime/ Bahia Transat 6,50, l’expression "avoir du pot" prend à n’en pas douter une consonance particulière. Prise au sens propre du terme, elle signifie qu’à l’instar du leader Thomas Ruyant (Faber France) et des prétendants immédiats à sa succession, vous errez au plus sombre du pot (au noir), étouffé entre calme blanc et grains furieux. Une douzaine de Minis Prototypes et autant de voiliers de Série luttent, s’énervent, se désespèrent parfois, à trouver un sens à l’inexplicable, et la force à l’inextricable.
Trautman quatrième !
Ce pourrait-il alors, et à l’examen des positions et classements de l’après-midi, que le "filou du filon" se dénomme Trautman, Matt de son prénom et Sud-africain de nationalité ? Décalé de plus de 35 milles dans l’ouest des leaders, il vient de glisser son Mini Mac, plan Magnen de 2003, en quatrième position, et continue de progresser, à un certes modeste 5,19 noeuds sur la route mais deux fois plus vite pourtant que le groupe leader de Thomas Ruyant. Car dans l’Est, ça cogite et ça s’escrime ferme pour conserver un semblant de vitesse, et les virements de bord ont remplacé les empannages dans l’alizé moribond. Du jeune Dunkerquois de Faber France, à Laurent Bourgues (Prim’Soins) onzième proto et auteur d’une spectaculaire remontée aux avant-postes, ils sont 8 solitaires "scotchés" de part et d’autre de la route directe, incapables depuis ce matin de faire décoller le speedomètre des deux petites unités lamentablement affichées aux répétiteurs. Henri-Paul Schipman (Maisons de l’avenir Urbatys) et Bertand Delesne (Entreprendre durablement), d’instinct ou d’impatience, s’appuient de plus en plus fort sur bâbord, vers l’Est d’où le vent doit finir par rentrer. L’ouest de Trautman, mais aussi de Pierre Brasseur (Région Nord pas de Calais/Ripolin), de Sébastien Picault (Kickers), voire de François Cuinet (Plan Jardin) et, encore plus loin de Rémi Aubrun (At Children’s project) apporte le petit filon d’air, entre grains orageux, qui permet un gain substantiel vers le sud et vers des alizés que le déplacement de l’anticyclone de Sainte-Hélène, en plein hémisphère Sud, va réactiver par le Sud puis orienté Sud-Est sur la route des solitaires. Maintenant, est-ce que l’investissement payant pour le moment par l’Ouest ne va se retourner contre ces skippers qui vont devoir serrer plus le vent que les autres ? Il y a fort à parier que oui…
La menace Lobato
L’accordéon, ou l’élastique selon les goûts, fonctionne à plein, et l’écart que l’on aime parfois mesurer entre le leader proto et celui des séries, longtemps proche de la centaine de milles, est revenu cet après midi à une grosse soixantaine de milles. Un chiffre qui illustre surtout à notre sens le phénomène de compression de la flotte par l’avant. Charlie Dalin (Cherche sponsor-charliedalin.com) bénéficie d’encore un peu de pression d’Est pour gagner travers au vent dans le sud. L’homme, inspiré depuis Funchal, est aussi rapide quelles que soient les allures. Il aborde la zone de fort ralentissement avec un Xavier Macaire (Masoco Bay) à plus de 10 milles et un Francisco Lobato (ROFF TMN) qui persiste et signe quelques 46 milles sous son vent, à l’ouest de la route. Les quatre premiers se tiennent en 11 petits milles, tandis que le grand Anglais, Oliver Bond, de l’écurie Artemis apparaît en cinquième position, et à très belle fête. En Série comme en proto, au moment où les voiles claquent dans la pétole, on s’interroge ferme sur la conduite à tenir, et on revient immanquablement à cette sempiternelle question de pot…. Et pendant ce temps-là, l’alizé de Nord-Est continue de souffler, en s’époumonant certes, au-dessus du 10° Nord.
Adieu Cap Vert
L’archipel du Cap Vert, très fréquenté ces derniers jours, se vide petit à petit de ses étranges visiteurs. Caroline Vieille (Fondation Jérôme Lejeune), le Norvégien Staale Jordan (Tormy) et Emmanuel Laurent (Domaine des Thomeaux) y sont encore en escale, et on demeure dans l’attente de bonnes nouvelles. Maxence Desfeux (Matmut), à 600 milles des leaders, est de nouveau en mer, et en route pour la grande aventure de sa vie.
Classement à 15h00, mercredi 14 octobre 2009 :
Prototypes – 33 en course :
1. Thomas Ruyant (Faber France) : à 1 375 milles de l’arrivée
2. Henri-Paul Schipman (Maisons de l’avenir Urbatys) : à 4,25 milles du leader
3. Bertrand Delesne (Entreprendre Durablement) à 5,88 milles du leader
4. Matt Trautman (Mini Mac) : à 11,29 milles du leader
5. Pierre Brasseur (Région Nord Pas de Calais – Ripolin) à 20,65 milles du leader…
Série – 47 en course :
1. Charlie Dalin (Cherche Sponsor-charliedalin.com) : à 1 425,95 milles de l’arrivée
2. Xavier Macaire (Masoco Bay) : à 10,15 milles du leader
3. Francisco Lobato (ROFF TMN) à 10,55 milles du leader
4. Ricardo Apolloni (Ma Vie pour Mapei) : à 11,65 milles du leader
5. Oliver Bond (Artemis) à 28,59 milles du leader