La Méditerranée taille grand large

Foncia et DCNS
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Alors que les dernières heures de course restent marquées par de nombreux chamboulements et va-et-vient dans le classement, la hiérarchie qui se dessine n’a jamais semblé aussi provisoire. Aux avant-postes, trois bateaux, Foncia (Michel Desjoyeaux), Groupe Bel (Kito de Pavant) et 1876 (Guillermo Altadill), réunis dans l’ordre dans un mouchoir de 8 milles, n’ont évidemment pas fini de se chamailler, avec force et conviction. Au centre, mais sur une route résolument décalée au sud vers les côtes africaines, Paprec-Virbac 2 (Jean-Pierre Dick) est passé à l’offensive sur une option où il espère profiter de vents favorables. En arrière, Veolia Environnement (Roland Jourdain), qui paye encore cash les heures et les milles perdus dans une impitoyable zone sans vent, est désormais engagé dans un duel au soleil avec DCNS (Marc Thiercelin). À plus 130 milles des premiers (la note est effectivement salée pour Roland Jourdain et ses hommes), seuls quatre petits milles séparent désormais ces deux bateaux, dont les sillages se croisent et se décroisent comme s’ils régataient en baie.
Prudence, concentration et plaisir

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Voilà pour les forces en présence, tandis que les dernières prévisions météo révèlent que la Méditerranée n’a pas fini de faire des siennes et jouer des tours à ces équipages de marins de haut vol. En tête comme en queue de flotte, aucun ne baisse la garde. Toutes les compétences réunies à bord de ses six bateaux d’exception n’ont qu’un objectif : esquiver les entourloupes et éviter les pièges qui jalonnent le parcours à haut risque de cette première étape longue de 1450 milles au départ de la magique cité d’Istanbul. Prudence et concentration sont les mots d’ordre qui s’imposent à bord, alors que chacun espère encore et toujours attraper des risées plus soutenues dans ses voiles.

Qu’ils soient en panne de vent ou qu’ils risquent de connaître les affres de la pétole molle, aucun ne boude pourtant son plaisir de disputer une course d’une telle intensité dans des eaux chargées d’histoire et au fil de paysages enchanteurs. Pas de langueurs méditerranéennes qui tiennent dans la première partie de cette course de dimension européenne, qui révèle son plus beau caractère méridional.

Classement de la première étape à 14 heures (HF)
1- Foncia – Michel Desjoyeaux   
2- Groupe Bel – Kito De Pavant  
3- 1876 – Guillermo Altadill
4- Paprec Virbac 2 – Jean-Pierre Dick   
5- Veolia Environnement – Roland Jourdain   
6- DCNS – Marc Thiercelin  

Ils ont dit…

Christopher Pratt – DCNS : « Nous sommes toujours dans des vents très faibles et il fait effectivement très chaud. Cette nuit, nous avons vu que le malheur des uns peut, peut-être, faire un peu notre bonheur : Veolia Environnement, qui est tombé dans une grande zone sans vent, n’est plus très loin (15 milles séparent alors les deux bateaux au classement, ndlr). Nous remontons sur eux et le moral du bord remonte aussi ! Il n’empêche que nous avons toujours du mal à analyser les fichiers et qu’il est reste difficile de trouver la porte de sortie de notre calvaire. Nous nous efforçons donc de faire marcher le bateau. Nous n’avons pas joué les bons coups en mer Egée et nous avons vécu des heures difficiles : c’est dur de batailler tout seul dans son coin dans la pétole quand les autres s’échappent. Mais l’ambiance est très bonne à bord, on continue de bien travailler, on attend notre heure : aujourd’hui, nous sommes ravis de savoir Veolia Environnement dans les parages, d’avoir l’opportunité de montrer enfin le potentiel du bateau et de prouver que l’équipe a les compétences pour sortir son épingle du jeu… »

Jean-Pierre Dick – Paprec-Virbac 2 : « Nous gardons une vitesse supérieure à 10 nœuds et cette nuit, nous avons profité d’un vent de travers plus soutenu que prévu, pour bien avancer. Les prochaines heures s’annoncent néanmoins torrides avec la traversée de l’anticyclone qui barre la route au sud de la Sicile. La situation météo est très complexe et aucun de nous n’est à l’abri de tomber dans un trou d’air comme l’a vécu Veolia Environnement. Sous ces latitudes, cela reste très aléatoire : c’est la loi de la Méditerranée ! Pour autant, nous progressons sur une route plus sud que l’ensemble de la flotte. Nous espérons toucher des vents plus soutenus au large de la Libye et de la Tunisie et de compenser par un peu plus de vitesse le chemin supplémentaire parcouru. L’arrivée à Nice pourrait se révéler pas facile dans la mesure où il se pourrait bien que le mistral vienne un peu corser l’affaire. Mais nous n’y sommes pas encore.

En tout cas, dans ces conditions, la course est fabuleuse. Chaque minute est un vrai moment de plaisir vécu sur cette mer et ses couleurs. C’est magique pour moi qui revis des souvenirs de ma jeunesse et de croisières en Méditerranée… »  

Roland Jourdain – Veolia Environnement : « Cela pourrait aller mieux, on a quand même beaucoup subi cette nuit et nous sommes toujours au beau milieu d’une belle bulle. La mer est plate avec des risées erratiques qui finissent par s’évanouir. Pour combien de temps encore ? Impossible à dire : ça peut encore durer ! Il fait très chaud, ce n’est pas simple du tout. On commence à accuser un retard qui risque d’être difficile à rattraper. Mais dans tout ça, j’ai eu le plaisir de voir un banc de cinq daurades coryphènes qui tournent autour du bateau : je n’en avais jamais croisé en Méditerranée, voilà c’est fait ! Compte tenu de la faible vitesse du bateau, j’ai même pu les filmer un peu sous l’eau ! »

Michel Desjoyeaux – Foncia : « Nous avons pas mal tiré notre épingle du jeu. La Vache est en effet restée coincée le long du Péloponnèse. Nous sommes contents de ne pas y être allés ! La situation reste très indécise et le chassé-croisé continue et personne ne sait comment on va se sortir du prochain coup de Jarnac, nous sommes dans l’expectative la plus totale. Nous avons encore un peu d’air, mais le vent doit bientôt mollir… Nous avons beau avoir acheté une bouilloire à Istanbul, elle ne veut rien nous dire. Nous ne sommes pas loin de 1876, nous avons effectivement des routes un peu convergentes depuis la fin de la mer Egée. »

Guillermo Altadill – 1876 : « Nous avons passé une très bonne nuit, nous avons bien navigué et fait les bons choix de voiles. Nous sommes aussi restés très concentrés sur la vitesse du bateau et nous avons pu grappiller quelques milles sur Foncia. Nous avons effectivement privilégié une route plus au large au passage du Péloponnèse : elle nous semblait plus sûre, avec plus de pression. Les prochaines 5-6 heures s’annoncent cruciales pour la suite de la régate. Au niveau de l’île de Malte, il risque d’avoir un tournant dans la course quand le vent va mollir. Quoi qu’il en soit, il y aura des coups à jouer… »

Kito de Pavant – Groupe Bel : «  Nous sommes restés collés à la côte en Grèce : c’est le jeu et la route est encore longue. Là, nous avons une belle vitesse de 13,5 nœuds. Le bateau va vite et nous en profitons avant que le vent ne mollisse. Nous nous rapprochons d’une zone très compliquée, les fichiers météo ne sont pas d’accord du tout les uns avec les autres ! Il y a du jeu et de quoi faire ! On voit que des grandes options se dessinent à droite et à gauche avec un décalage de 300 milles du nord au sud. Il s’agit d’être plus malin que les fichiers météo. A bord de Groupe Bel, nous sommes à l’attaque et nous espérons revenir dans le match très vite. On va essayer d’être opportuniste et de faire les bons choix… »