Suspense sur la Transat

Troussel 09
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Il y avait longtemps qu’une course au large n’avait pas ménagé un tel suspense. A 500 milles de l’arrivée, soit un peu plus de deux jours de navigation, il est encore tout à fait impossible de donner l’ordre du tiercé à l’arrivée à Marie-Galante. Deux marins se battent actuellement de manière acharnée pour la première place. Au Nord, Gildas Morvan (Cercle Vert) tient toujours les rênes de la flotte mais pendant combien de temps encore ? L’homme se maintient dans la sérénité des grands jours et sait trop à quel point une belle et grande victoire en solitaire manque à son palmarès. La Transat BPE sera-t-elle la première ? Il lui faudra pour cela contenir les assauts d’un Erwan Tabarly (Athema) également à la recherche d’une couronne et d’une reconnaissance de son immense talent. Toujours au Sud, il n’a fait qu’une bouchée de Nicolas Troussel (Financo) la nuit dernière et affiche une vitesse supérieure d’un nœud sur son concurrent direct. Pour l’heure, le skipper de Cercle Vert conserve son matelas d’une vingtaine de milles sur son dauphin mais admettait bien volontiers à la mi-journée que le finish se jouerait à couteaux tirés. Entre ces deux gros bras, les empannages et l’angle d’attaque dans la dernière ligne droite feront la différence et la moindre sortie de piste leur sera fatale. Derrière aussi, la révolte gronde et les places sont chères. Aucun des trois solitaires qui suivent n’entend se satisfaire d’un strapontin et à y regarder les profils des uns et des autres, là encore la lutte s’annonce redoutablement acérée. A tout seigneur… Nicolas Troussel, tenant du titre, sait sans doute que la victoire cette année ne tombera probablement dans son escarcelle. Mais le marin de Plougasnou n’est pas homme à baisser les bras et mettra tout en œuvre pour accrocher une deuxième place qui compte tenu du niveau de jeu déployé depuis le départ de Belle-Île-en-Mer n’aura rien d’un lot de consolation. Là encore, la partie n’est pas gagnée d’avance. Il lui faudra en effet compter avec la grande révélation de cette Transat BPE 2009 en la personne de François Gabart (Espoir Région Bretagne). Le bizuth a laissé ses complexes au vestiaire depuis fort longtemps et c’est en vieux routier qu’il ira au champ de bataille. Pointé comme étant le plus rapide de la flotte en début d’après-midi, le garçon est fait du métal des grands champions et entend finir sans regret aucun. Plus au Nord, un autre marin qui, quoi qu’il arrive, aura marqué l’épreuve de son talent et de son sens de la répartie, est aussi un candidat légitime à une place sur le podium. Gérald Veniard (Macif), quatrième à 50 milles du leader, est bien décidé à forcer le destin. Cinq hommes pour trois fauteuils, il y aura forcément des déçus à Marie-Galante… Mais que la lutte aura été belle !

A chacun sa course, tous pour le finish

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Derrière, on panse ses plaies et on digère. Le réconfort se trouve alors ailleurs comme dans la perspective de l’arrivée pour Thierry Chabagny qui sait qu’il a raté le coche au large du Cap Finisterre et qui attend avec impatience de retrouver les odeurs, les couleurs et la chaleur de la terre et des terriens. Le skipper de Suzuki Automobiles a fait son choix en son âme et conscience et n’a rien à regretter. C’est la déception qui domine chez celui qui pouvait plus que légitimement prétendre à un premier rôle dans le scénario qui se joue devant lui. Si l’objectif pour Thierry est éventuellement de faire mieux au classement, il est surtout de ne pas perdre de place et pour cela une vigilance de tous les instants sera imposée. Attention en effet, au groupe des trois positionné dans son Sud. Depuis plusieurs jours, Armel Tripon (Gédimat), Isabelle Joschke (Synergie) et Franck Le Gal (Lenze) sont à la lutte. Parfaitement aligné en latéral, le trio affiche de belles moyennes avec un avantage à la demoiselle de la course relevée comme étant la plus rapide sur les dernières 24 heures. Mais si la galanterie est de mise sur les pontons, gageons qu’il n’en sera pas de même sur l’eau et que ces messieurs d’ordinaire si bien élevés pourraient bien en oublier leurs bonnes manières… Du côté des amateurs de la flotte de la Transat BPE, l’histoire s’écrit aussi de fort belle manière. Ainsi Louis-Maurice Tannyères (Nanni Diesel) annonçait-il ce midi avec force de conviction avoir « la tête dans le guidon » pour la suite et fin de course. Motivation supplémentaire pour le méditerranéen, le franchissement de la ligne d’arrivée marquera les retrouvailles avec sa famille dont il confesse volontiers avoir trouvé manque. Mais avant cela, il reste encore une partie à terminer avec ses deux comparses, Victor Jean-Noël (Pays Marie-Galante) et Yannig Livory (Cint 56). Pour ces deux là aussi la terre et l’atterrissage antillais auront une saveur toute particulière. Pour le premier, il s’agira d’une arrivée à la maison et d’un accueil que l’on pressent déjà triomphal. Pour le second, la vision de l’île marquera la fin de la solitude absolue en mer et la possibilité enfin d’échanger et de converser après trois semaines sans moyen de communication. Il faut s’y attendre, certains seront plus bavards que d’autres sur les quais de Saint-Louis de Marie-Galante…

Ils ont dit :

Franck Le Gal (Lenze) – 9ème au classement de 15 heures
« J’ai eu une nuit assez tonique toujours au guidon pour enchaîner les surfs et aller le plus vite possible jusqu’à l’arrivée. J’ai souffert un peu de mon positionnement Nord, car ça glisse un peu mieux en dessous. La nuit, c’est impressionnant, on n’a pas de visu. On se fie aux bruits mais c’est du plaisir car ce n’est pas souvent que l’on peut s’offrir des heures et des heures de surf.
J’en profite, mais je ne suis pas mécontent d’en finir car je continue à casser des trucs, ma caisse à clous se vide, il est temps que ça se termine ! Je croise les doigts pour que mes réparations tiennent jusqu’au bout et comme il faut quand même aller vite, on ne ménage pas le matériel.
L’objectif est de finir devant mes concurrents directs, d’attaquer et de ne rien lâcher pour accrocher la 7ème place.
Concernant l’arrivée, je pense que j’aurai surtout envie de dormir dans un vrai bon lit, d’arrêter de regarder les pointages et de stresser pour le matériel.
Concernant ma course, j’ai fait une bonne première partie mais je me suis mis un peu dans le rouge en suivant Nico Troussel et je l’ai payé plus tard du coup en manquant de lucidité sur mon recalage dans le Sud qui était une erreur car le vent attendu n’y était pas. J’ai essayé de jouer. C’est comme ça. En tous cas, je suis admiratif du parcours des gars de devant ».

François Gabart (Espoir Région Bretagne) – 4ème au classement de 15 heures
« Ça va super bien. Ça va vite. Je suis vraiment content. Pour les jours à venir, j’espère du vent, du soleil et de la glisse. Erwan (Tabarly) et Gildas (Morvan) ont pas mal d’avance mais si j’ai un peu de chance et un peu plus de pression, je compte bien aller chercher le podium ! Quoiqu’il en soit, c’est super car je ne m’attendais pas à être là, à jouer la gagne même si c’était peut-être dans un petit coin de ma tête…
Je vais essayer d’être à bloc jusqu’à la fin. Trois jours, ce n’est rien et comme ça va se jouer à pas grand-chose, je ne veux pas avoir de regrets quelque soit ma place au final. »

Louis-Maurice Tannyères (Nanni Diesel) – 13ème au classement de 15 heures
« Ça avance vite et bien ! J’ai déchiré mon grand spi sur un empannage donc je navigue avec le second. À bord ça va, je me suis bien organisé et j’ai trouvé mon rythme entre les pointages et les moments passés à la barre ou au repos. Il me tarde maintenant de retrouver ma famille mais pour l’instant, c’est encore la tête dans le guidon pour rattraper Yannig (Livory). C’est motivant, ça donne un but car ce que je craignais le plus, c’était d’être largué complètement. Là, je bénéficie de la route Sud, on va voir si ça tient ou non ».

Gildas Morvan (Cercle Vert) – 1er au classement de 15 heures
« La pression monte un peu mais ça va. Il faut se bagarrer avec le bateau et les vagues pour grappiller mille après mille. Mais c’est un bon sprint. Pour l’instant, pas de plan sur la comète, la situation s’est stabilisée entre les gars du Sud et nous et ça va se jouer à couteaux tirés.
C’est vrai que l’on rêve tous un jour d’être en tête avec un vrai matelas confortable sur ses poursuivants mais la situation actuelle est à l’image de cette transat et de la flotte très homogène. C’est certain que j’ai un scénario idéal d’arrivée mais les conditions sont dures, le vent est instable, il faut être constamment à la barre et aux réglages. Pour autant, il va falloir aussi trouver des plages pour la récupération car il s’agira d’être clairvoyant sur la fin.
Quoiqu’il en soit, il ne faut pas paniquer quand un bateau revient. Chacun bénéficie un moment ou un autre d’une position avantageuse. Il faut croire à sa bonne étoile.
En tous cas, vivement l’arrivée, vivement une bonne viande, une bière bien fraîche et une bonne douche et puis après comme d’hab’ on refera le match avec les copains autour d’un ti-punch ! »