Quarante-huit heures d’attente

athema 09
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Deux jours pendant lesquels les concurrents vont converger vers Marie-Galante avant d’engager la bataille pour les derniers milles. Un final qui risque d’être sous haute tension dans un alizé très inconstant, en force comme en direction. Avec des écarts qui devraient rester minimes jusqu’à l’arrivée, la lucidité, la fraicheur physique et mentale seront des atouts déterminants pour prétendre postuler à la victoire. Gildas Morvan (Cercle Vert), en tête depuis plus de trois jours, constamment aux avant-postes, aurait sûrement aimé pouvoir creuser un peu plus l’écart avec ses poursuivants. Disposer d’un bas de laine permet d’envisager l’avenir avec un peu plus de sérénité. A contrario, Erwan Tabarly, dans la peau du « manant » qui peut encore espérer dépouiller de leurs économies quelques « croquants », retrouve des couleurs à chaque classement. Pointé, en moyenne, à près d’un nœud de mieux que ses adversaires directs, le skipper d’Athema peut encore se dire qu’il n’est rien d’irrémédiable… Même si l’homme refuse de se départir de son habituelle prudence ; pour lui, à chaque jour suffit sa peine : la cible première est Nicolas Troussel (Financo). Il sera toujours temps ensuite d’envisager la traque au « géant vert ». Autre homme du sud à recouvrer un mental gaillard : François Gabart. Le jeune skipper d’Espoir Région Bretagne qui pouvait enfin remettre du vent dans les voiles, repartait à la chasse de plus belle…

Fluctuat nec mergitur

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Plus à l’arrière, la course n’a pas forcément le même sens. Gérald Veniard (Macif), même s’il conserve la même veine incisive, reconnaissait ne pas être dans la situation la plus enviable pour passer à l’attaque. Bien calé dans le sillage de Nicolas Troussel, le Savoyard se trouvait plus en situation de défendre sa quatrième place que d’attaquer les postulants au podium. Néanmoins, on connaît suffisamment le tempérament généreux du skipper de Macif pour savoir qu’il mettra tout en œuvre pour venir chatouiller les moustaches du trio de tête. Armel Tripon (Gedimat), s’il n’est pas non plus dans la situation la plus enviable, conserve néanmoins, lui aussi, une belle énergie. S’il en fallait une preuve, il suffirait de considérer les deux cent six milles avalés dans les dernières vingt-quatre heures, au nez et à la barbe de tous les autres concurrents… Une performance qui permet au navigateur nantais de réaliser la meilleure performance de la journée. Le type de consolation qui permet de consolider son moral à l’approche des îles caraïbes. Car tous finissent par l’avouer : la fatigue commence à peser : les privations de sommeil plus ou moins fortes, la longueur d’une navigation en solitaire de plus de deux semaines, la vigilance incessante pour régler le bateau sont autant de facteurs qui finissent par attaquer les résistances des marins. Et il faut toute la combativité, voire la pugnacité d’un Adrien Hardy, pour continuer de se battre contre vents et marées, alors qu’on sait que ce qu’on était venu chercher, la possibilité d’une victoire, s’est effacée. De même, Isabelle Joschke (Synergie) n’aurait pas à rougir de lâcher un peu la bride de l’indolence, quand elle se retrouve condamnée à barrer près de vingt heures par jour et doit puiser dans ses réserves pour lutter contre le sommeil… Ce serait oublier que les quatorze solitaires embarqués dans l’Atlantique sont taillés dans un autre bois que celui dont on fait les flûtes.

Le mot du jour : usure
A quelques jours de l’arrivée, tous les solitaires veillent scrupuleusement à surveiller l’état de leur matériel. Les longues navigations aux allures portantes sont particulièrement éprouvantes pour les spinnakers qui s’enroulent régulièrement autour de l’étai de même que pour les drisses qui subissent des frottements incessants autour des poulies de réas. Pour ce faire, beaucoup de navigateurs procèdent à une inspection régulière du gréement, soit à l’aide d’une paire de jumelles, soit en se hissant dans le mât.

Ils ont dit :
Gérald Veniard – Macif – 4ème au classement de 15h
« Je fatigue, bien sûr, mais ca n’altère pas du tout le bonhomme et la motivation ! Pour le podium tout est encore possible mais pour la victoire ça semble un peu compromis… Un coup du sort peut arriver, mais je n’y pense pas trop pour l’instant. Nico (Troussel) je ne m’en occupe pas vraiment, j’essaie de faire ma route, cette nuit le vent a pivoté plus tôt que prévu et comme par enchantement, au pointage de 4h, tout le monde avait déjà empanné. Moi je me trouve dans la roue de Gildas et Nico, c’est à la fois prudent et pas très ambitieux : un coup, c’est le nord qui a le vent avec Thierry Chabagny et un autre, c’est le sud avec Erwan (Tabarly). Moi je ramasse les miettes ! Mais je ne peux pas faire autrement maintenant. »

Armel Tripon – Gedimat – 7ème au classement de 15h
« Je suis bien en phase avec le bateau. Avec les différences de latitude et de vent il reste encore pas mal de possibilités de jeu. Je n’ai pas eu le temps de trop me divertir, j’ai de quoi tenir avec ce que j’ai. Je ne me projette pas à l’arrivée, c’est beaucoup trop loin, pour le moment c’est encore au jour le jour, j’essaie de gagner des places. Pour moi il y a clairement eu un nouveau départ, comme si on faisait une grosse étape de la Solitaire du Figaro. Je suis à l’affût de tout ce qui est à prendre et qui peut me faire gagner quelques milles. »

Adrien Hardy – Agir recouvrement – 10ème au classement de 15h
« La vie à bord va bien, le soleil vient de se lever c’est agréable. La nuit a été un peu longue avec pas mal d’empannages à faire. Hier j’étais assez content de ma journée, mais ça ne va pas être facile, il va falloir que je m’accroche, d’autant que les fichiers de ce matin annoncent plus de vent dans le sud. Mon objectif c’est de prendre 10 milles par jour, j’essaie de m’y tenir. Thierry Chabagny ne doit pas être très content de son classement non plus, c’est difficile au nord. On est en vent arrière là, il faut empanner pour gagner vers le but. Mais il y a beaucoup de variations donc on est un peu hésitant à y aller ou non… »