Prochaines 24h déterminantes

Gildas morvan BPE 09
DR

En ce printemps 2009, l’anticyclone des Açores a le caractère frondeur. Plutôt que d’alimenter régulièrement la pompe des alizés, il prend ses aises sur les tropiques, étend ses tentacules ectoplasmiques sur la route des solitaires… et redistribue les cartes. Au final, ce sont bien deux flottes qui s’affrontent. Sur une route plutôt nord, Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles), Gérald Veniard (Macif), Nicolas Troussel (Financo) tablent sur une rotation des vents vers l’est pour empanner avec un angle favorable et venir coiffer leurs adversaires de la route sud. De l’autre bord, Erwan Tabarly (Athema), François Gabart (Espoir Région Bretagne) et Gildas Morvan (Cercle Vert) espèrent bien conserver une pression supérieure à leurs adversaires pour continuer à descendre sur la route. Comme à la veille d’une bataille décisive, chacun fourbit ses armes en évitant de dévoiler ses faiblesses éventuelles. Ainsi Nicolas Troussel ne concède-t-il qu’avec un peu de mauvaise grâce, que ses problèmes de girouette l’obligent à barrer plus qu’il ne le souhaiterait. De même Gildas Morvan préfère évoquer des petits soucis domestiques, comme la chute d’un bol de céréales que les grandes options tactiques à venir. Bref ! On aiguise les étraves et on se laisse gagner par les montées d’adrénaline. Car il ne faut pas s’y tromper, c’est bien cela qu’ils sont venus chercher : cette tension permanente, ces instants d’exaltation qui peuvent précéder des moments d’abattement pour peu que le résultat ne soit pas à la hauteur des attentes.

- Publicité -

Soupapes nécessaires

A ce petit jeu, les anciens capitalisent sur leur expérience pour ne pas se laisser démonter par des vents contraires quand les petits jeunes tentent d’évacuer la pression en se raisonnant ; ils sont encore en phase d’apprentissage et peuvent encore revendiquer le droit à l’erreur. Mais tous, placides ou fougueux, cherchent la même excellence. Il suffit d’entendre les solitaires avouer à quel point les moindres détails techniques peuvent perturber leur sérénité pour comprendre que ce n’est qu’une fois la ligne d’arrivée franchie qu’ils prendront le temps de relativiser et de se dire qu’au bout du compte, c’est un privilège que de pouvoir vivre sa passion jusqu’au bout…
Il faut aussi imaginer ceux qui se sont trouvés décrochés de la bagarre du groupe de tête. Ce sont parfois des détails ténus qui font la différence. Un petit déficit de vitesse, une option mal négociée pendant quelques heures, une avarie mineure, peuvent faire basculer un destin. Et parfois, les petits décrochages s’amplifient jusqu’à creuser des écarts qui, sans être irrémédiables, obèrent fortement les chances de victoire. Dans ces cas-là, on cherche des objectifs intermédiaires sur lesquels se raccrocher : atteindre une vitesse cible pendant quelques heures, grappiller quelques milles au concurrent qui vous précède, combler un déficit de sommeil. Louis-Maurice Tannyères (Nanni Diesel) sait bien qu’à l’orée de sa deuxième entrée dans le circuit très fermé des Figaristes, il serait présomptueux de rivaliser avec les têtes de série. L’ancien chef d’entreprise qui a choisi d’aller au bout de ses rêves en s’engageant pour deux ans sur le circuit sait aussi se fixer des buts à sa portée : des trajectoires propres, des manœuvres maitrisées, une navigation cohérente. L’essentiel étant de laisser dans son sillage le sentiment d’avoir, comme on dit, fait le job…

Le mot du jour : Météo Consult
Chaque jour, les spécialistes de Météo Consult livrent leurs analyses sur la course et l’évolution de la situation météorologique sur zone. Aux analyses de Pascal Scaviner, en direct sur le site Internet de la course, s’ajoutent aussi les explications en direct de Louis Bodin et de qui, carte animée à l’appui, présente l’évolution des champs de vent et les dilemmes stratégiques auxquels risquent d’être confrontés les navigateurs. Pour mieux comprendre quelles tempêtes s’agitent sous les crânes des solitaires.

Ils ont dit :

Louis-Maurice Tannyères – Nanni Diesel – 13ème au classement de 15h
« J’espère recoller au peloton, mais ils sont loin devant ; j’ai 200 milles à rattraper, ça fait beaucoup ! Je bouquine un peu, mais c’est la météo que je lis ; donc ce n’est pas trop de la détente et j’ai pas mal de petits problèmes électroniques à régler aussi. Ça demande du temps, il y a toujours de petits imprévus, mais ce n’est pas trop compliqué, ça fait partie du plaisir. J’ai ma femme au téléphone deux fois par jour, les copains m’appellent et moi j’appelle aussi pour passer un peu le temps, mais la facture iridium commence à grimper ! En plu,s quand tu es derrière comme ça, c’est toujours difficile de se remotiver. Mon but, c’est d’essayer d’avoir Victor avant Marie-Galante ! On se reprend des milles chacun notre tour, on fait ça en décalé, car lui est un peu plus sud. »

Nicolas Troussel – Financo – 1er au classement de 15h
« Il fait beau et les conditions sont bonnes. Oui, c’est bien ma position, mais c’est assez virtuel ce classement, je suis en tête du paquet du nord en fait! Il y a encore de quoi jouer, c’est loin d’être fini. Les heures à suivre vont être déterminantes. Je ne peux pas tout vous dire sur mes stratégies! Ce que je peux vous dire c’est que ça va empanner de plus en plus, donc je pense qu’à un moment ou un autre, les deux groupes vont se retrouver. En effet, je pense que ça va être un peu compliqué pour les nordistes de revenir vers le sud. Il faut faire en fonction du vent, il faut prendre ce qu’on a et faire les empannages quand il faut. Mais c’est tout ça qui fait la beauté de cette course : savoir si ça va passer ou non, ne pas se faire coincer dans les bulles, faire ses stratégies ses choix, anticiper la façon dont ça va évoluer, le tout en prenant soin de son bateau et de soi-même. Il n’y a que mes histoires de girouette qui m’embêtent, car ça m’oblige à barrer beaucoup, ce qui me gâche un peu la vie car je n’ai pas le temps de faire autre chose ; j’aurais aimé lire un peu… »

François Gabart – Espoir Région Bretagne – 7ème au classement de 15h
« Niveau sommeil, c’est un peu le bazar; parfois je dors par tranches de 20 minutes et aujourd’hui par exemple j’ai fait 2 longues siestes d’une heure. Je ne me fixe pas de règles, je dors quand je suis fatigué en gros. Erwan (Tabarly) est parti un peu plus tôt que moi vers le sud, je les suis, lui et Gildas (Morvan), mais ça m’ énerve un peu car ils vont assez vite, surtout Erwan, c’est un peu frustrant ! Je n’ai pas envie de me faire trop distancer ! J’ai fait de nouveaux essais niveau réglages, j’espère que ça va le faire pour leur coller un peu plus aux baskets. Mais c’est difficile de se régler car on est assez éloigné les uns des autres donc si on tente un nouvel essai pendant quelques heures et que par exemple eux sont sous un grain et pas toi, c’est un peu complexe de faire des comparaisons. En fait, il faut vraiment faire confiance à ses sensations. »