Pas de record pour Thomas Coville mais un exploit tout de même

Thomas Coville - Sodebo
DR

A 1600 milles du but ce mardi autrement dit presque à la hauteur des Açores, le skipper du Maxi Trimaran Sodeb’O prépare son arrivée à Brest mais se rend à l’évidence et ne cache pas sa déception de compétiteur : il ne battra pas cette année le temps record de Francis Joyon qui a mis, l’an dernier à la même époque, 57 jours et 13 heures pour tourner seul autour de la planète.

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Deux jours de plus que Joyon?

Thomas Coville est attendu à Brest à partir de vendredi, soit le 16 janvier dans la soirée ou dans la nuit. Il devrait mettre environ deux jours de plus que Francis Joyon. Le skipper de Sodeb’O, déjà recordman des 24 heures en solitaire, signerait alors le quatrième temps absolu après IDEC en solo et les performances d’Orange II et Cheyenne en équipage. Il y a 20 ans, c’était au 20ème siècle, Olivier de Kersauson entrait à Brest en héros après avoir tourné en solitaire autour du globe en 125 jours et deux escales, soit deux fois plus de temps que les marins de ce début du 21ème siècle.

Depuis la sortie du Pot au Noir où l’espoir de battre le record était mince mais bien là, l’enchaînement météo n’a pas été propice à la vitesse. La météo des deux derniers jours a fini par anéantir tout espoir de victoire. L’anticyclone des Açores s’est étalé collant les coques du Maxi Trimaran à la mer dans des vents erratiques. L’histoire n’est pas terminée pour autant. Un dernier corps à corps attend Thomas dès aujourd’hui. Sodeb’O doit affronter l’une des dépressions les plus violentes depuis son départ. Des creux de six mètres annoncés, accompagnés de vents de Sud-Ouest virant Nord-Ouest et forcissant au-delà de 30 nœuds. « La rotation au Nord-Ouest va être très rapide ce qui ne m’arrange pas. Pour faire du Nord, je vais devoir serrer le vent au mieux dans des conditions qui seront éprouvantes pour le bateau comme pour moi. »

“On peut aller encore plus vite”

Experts ou pas, marins ou non, impossible de rester de marbre face à l’épreuve globale que représente un tel voyage. Thomas a souvent dit depuis son départ : « Dormir n’est pas compatible avec la vitesse. » Le stress du multicoque empêche toute récupération et transforme les marins en machine à faire des milles « presqu’en animal au service du bateau ». Il poursuit ce matin sa réflexion sur le solitaire et le multicoque : « Tu penses partir avec des limites. Or, il n’y a de limites que celles que tu t’imposes. Celles que je m’étais fixées ont volé en éclats. J’ai suivi pendant huit semaines le rythme que je m’étais imposé sur le record de l’Atlantique Nord qui a duré moins de six jours. Sur un tour du monde, tu ne peux plus être conservateur. Je pense qu’on peut aller encore plus vite. La performance viendra de la vitesse ». Et pour tourner à ces vitesses là seul autour du monde, il faut une sacrée expérience et le skipper de Sodeb’O reconnaît combien il a progressé. « Je n’aurais pas pu concevoir ce bateau il y a 10 ans. Ma progression et la connaissance du multicoque que j’ai accumulée m’ont permis de réaliser ce que je n’avais pas envisagé. C’est valorisant et très enthousiasmant. Ce trimaran de 32 mètres est le fruit de l’expérience ».

Retour sur le tour

Des trains de dépressions dans l’Océan Indien levant tour à tour des mers chaotiques et croisées, des transitions pas fluides pour un sou entre les systèmes qui ont arrêté le bateau comme ces jours-ci au niveau de l’anticyclone des Açores, des glaces dérivant très Nord dans le Pacifique contraignant les marins naviguant dans cette zone à remonter au-delà de 47 ou 48 degrés Sud, quand l’an dernier Francis descendait sous le 53ème. Quelques jours avant le Cap Horn, Thomas qui, sans prendre de risque, ne voulait pas trop rallonger sa route a malgré tout slalomé pendant 48 heures au milieu d’un champs d’icebergs, dans une mer monstrueuse, les mains gelées et la peur au ventre. Et comme le dit le skipper : « ce n’est pas toi qui commandes les barrières quand elles sont fermées ! »

Sur ce projet, Thomas et Sodeb’O avaient plusieurs objectifs dont le premier : être au départ avec le meilleur bateau qui soit. Thomas raconte « le plaisir du début à la fin de concevoir, construire, fiabiliser et mettre au point ce prototype à trois coques ». Le deuxième objectif est de terminer. « Si je finis, j’aurais rempli les deux premiers buts fixés ». Par contre, poursuit-il ce matin : « Si j’ai la satisfaction de terminer et notamment d’avoir construit un bateau fiable, je n’aurais pas le record absolu en solitaire. Je suis allé chercher la performance. Je fais un métier où je m’expose, où je me mets en danger en permanence. Pour la partie sportive, il faut un peu de réussite. Je suis comme quelqu’un qui travaille dehors, un agriculteur, un vigneron avec des années qui sont plus fastes que d’autres. Il y a des années avec de meilleurs crus que d’autres. J’ai l’impression d’avoir fait une mauvaise vendange ».

Rappels

RECORDS EN MULTICOQUE EN SOLITAIRE

2008 – 57 jours 13h 34m 06s – Francis Joyon – IDEC – Trimaran – Arrivée le 19/01 à 23h39m58s UTC – sans escales

2005 – 71 jours 14h 18m 33s – Ellen MacArthur – B&Q/Castorama – Trimaran – Arrivée le 08/02 – Sans escale

2004 – 72 jours 22h 54m 22s – Francis Joyon – IDEC – Trimaran – Sans escale

1989 – 125 jours – Olivier de Kersauson – Un autre regard – Trimaran – Deux escales

1988 – 129 jours 19h 17m – Philippe Monnet – Kriter – Trimaran – Deux escales

1973 – 169 jours – Alain Colas – Manureva – Trimaran – Une escale

RECORDS EN MULTICOQUE EN ÉQUIPAGE

2005 mars – 50 jours 16h 20m 04s – Bruno Peyron – Orange II – Catamaran – 14 personnes

2004 avril – 58 jours 09h 32m 45s – Steve Fossett – Cheyenne – Catamaran – 12 personnes

2002 mai – 64 jours 08h 37m 24s – Bruno Peyron – Orange – Catamaran – 13 personnes

1997 mars – 71 jours 14h 18m 08s – Olivier de Kersauson – Sport-Elec – Trimaran – 7 personnes

1994 janvier – 74 jours 22h 17m 22s – Blake/Johnston – Enza – Catamaran – 6 personnes

1993 janvier – 79 jours 06h 15m 56s – Bruno Peyron – Commodore Explorer – Catamaran – 5 personnes