Kito De Pavant (Groupe Bel) essaye de mettre de la gaieté dans sa voix, mais on sent bien une belle trace d’amertume. « Safran était décalé de quelques 5 milles à notre Ouest. A l’échelle de l’Atlantique, ce n’est pas beaucoup, mais il est passé presque deux fois plus vite que nous ». Devant, Michel Desjoyeaux (Foncia) adore, en bon cartésien qu’il est, que tout se passe comme prévu même si cette zone reste imprévisible. « Gitana Eighty, on ne voyait pas trop ce qu’il allait faire là-bas. Il n’est pas sorti de l’auberge. Ecover III, il ne lui a pas manqué grand chose pour que cela passe. Mais c’est bien un grand tournant qui vient de se passer ».
La pression de l’alizé du sud-est grimpe au fur et à mesure que les 60 pieds s’approchent de l’équateur. En bâbord amure, avec 20 à 25 nœuds de vent prévu, cela va accélérer grave sur l’Atlantique sud. Avec ce passage de ligne, la course va d’ailleurs complètement changer de physionomie. Adieu tactique et stratégie, adieu finesse et analyse, place à une course de « bœuf » où la « mécanique » aura dorénavant plus d’importance que l’humain. Dans ce bord de « reach », avec un vent qui adonnera au fur et à mesure de la progression vers l’arrivée, les bateaux vont pouvoir exprimer leur potentiel à cette allure qui n’a pas encore été pratiquée depuis le départ du Havre.
La voilure adoptée dans les prochaines 36 heures, dès que l’alizé du sud-est sera bien établi, devrait être le 1 ris/trinquette, voir 2 ris/trinquette. Quille basculée à fond, ballast central rempli jusqu’à « la gueule » et « petite cuillère » matossée au vent, le différentiel de vitesse sera t-il important au sein de la flotte IMOCA. Si c’est le cas, 30, 50 milles de retard, voir plus, peuvent être vite remontés. Si la flotte reste homogène, à l’image de cette longue descente plein vent arrière par 15 nœuds de vent (conditions qui nivellent les différences), ce même retard sera alors rédhibitoire et le classement de cette fin de journée pourrait alors être le définitif. Ce ne sera évidemment pas le cas, cette dernière ligne droite va être passionnante à suivre, à l’image des douze derniers jours de course.
VM MATERIAUX – Gildas Morvan (2ème au classement de 12h00)
"On sort de la pluie et des nuages, mais là le vent s’est calmé, on a l’impression que maintenant il vient du Sud-Est, c’est la bonne direction, ça commence donc à sentir la fin du Pot au Noir. Les classements parlent bien. Les plus rapides sont ceux à l’ouest, c’était prémédité, c’était la position qu’il fallait pour passer au mieux. Pauvre Gitana qui est complètement à l’Est…. La course va se jouer dans les prochaines 24 heures. Les premiers qui toucheront le vent de Sud Est seront durs à rattraper. Nous on est en forme, tout marche du tonnerre, et on a l’habitude de la pétole tous les deux donc ça va. On se relaie, on fait des quarts très courts. Là on a une petite houle pas méchante, et le vent commence à frémir. On a du bleu et de gros nuages en alternance. Bonne journée à tous !"
FONCIA – Michel Desjoyeaux (1er au classement de 4h00)
« Bonjour Bahia ! Bon hé bien j’ai suivi le proverbe de Jean Le Cam : « Quand tu ne sais pas ou aller, prends l’Ouest », et ça nous a bien réussi ! On est content, on a un ciel d’alizé là, le vent est bien établi, il monte graduellement pendant qu’on descend vers le Sud. Le ciel est plus harmonieux, il est clair et parsemé, tout ce qu’il y a de plus sympathique ! Un grand tournant de la course s’est joué dans le Pot au Noir. L’option de Loick (Peyron), est extrême, son décalage est superflu, c’est étonnant. Et je pense qu’il n’est pas sorti de là où il est, son retard continue de s’accumuler… Quant à Ecover, il ne manquait pas grand chose pour que ça passe. Il y en a qui sont plus à gauche que nous et qui du coup ont un angle plus favorable pour Bahia, donc on sait pas trop ce que ça va donner, c’est là toute la difficulté de la Transat Jacques Vabre. Hier on était derrière Poujoulat, qui est entré dans un nuage, c’est pour ça qu’on est passé plus à l’Ouest, on est content, on s’en sort bien. Dans les prochaines heures on aura jusqu’à 20/25 nœuds sur l’eau, c’est des bonnes conditions pour arriver vite vers Bahia. Mais bon, on est bien nous ici ! On est pas pressé d’arriver, on a un beau métier, on navigue sur de beaux bateaux… On a vraiment un bon rythme : on dort pas mal la journée et les manœuvres sont bien rodées, donc on se fatigue peu. A bientôt.
BRIT AIR – Nicolas Troussel (7ème au classement de 4h00)
« On commence à accélérer, mais on a pas fini encore, il y a de gros nuages qui arrivent. Mais bon, on a pas eu trop de vent, pas de gros grains, on a pas manœuvré tant que ça. L’Ouest a payé en effet, mais bon c’est pas terminé. On devrait toucher l’alizé de Sud-Est dans moins de 10 heures je pense, mais bon là on encore un gros bordel à passer ! Sinon on dort bien car le bateau est bien réglé donc une seule personne sur le pont suffit ; et puis le Pot au Noir ayant été assez clément pour nous, on est en forme, prêt à attaquer la dernière partie… »
CHEMINEES POUJOULAT – Tanguy Cariou (3ème au classement de 12h00)
« Oui, on est sur les prémices de la fin, mais bon, le ciel est encore chargé. On a eu beaucoup de grains, de molles et de pluie en deuxième partie de nuit, ça a été assez fatiguant. On espère sortir du Pot au Noir en fin de journée. J’espère qu’on trouvera des vents plus réguliers ce soir. C’est surtout VM qui s’est décalé beaucoup à l’Ouest, parce qu’hier on a navigué à vue avec Foncia toute la journée, ils ont fini par se décaler, leur position actuelle leur est favorable. Là on fait moins de manœuvres et on a le pilote. On en profite pour dormir et s’alimenter. »
GROUPE BEL – Kito de Pavant (6ème au classement de 12h00)
« Le Pot au Noir n’est pas trop violent, mais il est long et pénible. On a vu notre descente aux enfers défiler au fil des classements . On est déçu de notre place. On a pris une position Est car les infos qu’on a eues nous ont laissé penser que ça passerait. Loïck Peyron a commencé à aller vers l’Est, puis Ecover, donc nous on a suivi en se mettant à leur Ouest, mais pas assez…. On regrette, on ne pensait pas faire une telle erreur d’appréciation. Mais rien n’est joué, on a encore 1300 milles avant Bahia, on continue donc d’être très motivés, d’autant plus que les conditions sont favorables maintenant, on espère qu’elles nous permettront d’entrer à nouveau dans le match. L’alizé est encore instable, il varie entre 5 et 12 nœuds, mais on sent qu’il évolue, et puis il fait beau : on s’approche de Salvador ! Même si ça aura été plus long que prévu…»



















