Le jeu commence à s’éclaircir…

Nicolas Troussel
DR

" Ca déboule ! " lâche Marc Emig ("A.ST Groupe") dont le speedo affiche régulièrement 14-15 noeuds en vitesse instantanée ce mercredi. " Depuis ce matin, le vent est passé de 17 à 20-22 noeuds. Ca déménage, c’est nickel ! Il nous fallait ça ! ". Le skipper Marseillais grappille doucement des milles sur le trio de tête. Lundi, il comptait 84 milles de retard sur le tandem Charles Caudrelier ("Bostik) – Thomas Rouxel ("Défi Mousquetaires). Aujourd’hui à 15h, il en compte 30 de moins (54 milles). Mais c’est surtout Liz Wardley ("Sojasun") qui s’inquiète de voir les Centristes revenir au contact. La Papoue qui a décidé de se décaler un peu au Nord par rapport aux premiers a notamment vu fondre son avance sur Emig. Cet après-midi, seuls 11 milles séparent les deux marins. Marc peut d’autant plus être satisfait que les conditions prévues pour les prochaines 48 heures pourraient lui être favorables. " Si le vent va, semble t-il, mollir pour l’ensemble de la flotte, il ne devrait pas changer de direction. Tant qu’il reste orienté au 120-125 (Est Sud-Est, ndlr), pour nous au milieu, c’est banco car on fait route directe sur l’arrivée. Ca motive. Il faut être au taquet. Ces trois prochains jours, on risque de ne plus dormir des masses. On se dirige de plus en plus vers une arrivée type étape de Solitaire du Figaro ". Et pour cause, si les deux premiers ont un peu creusé l’écart, dernière un groupe de dix bateaux se tient en moins de 50 milles. D’ailleurs, Jeanne Grégoire ("Banque Populaire") est du même avis : " je suis un peu stressée car il va se passer encore beaucoup de choses d’ici l’arrivée. Ce sera comme une grosse étape du Figaro ". Plus que jamais, il est capital pour les navigateurs de se reposer, de bien se nourrir et s’hydrater correctement avant d’attaquer la dernière ligne droite de ce Trophée BPE. Voir ci-après l’interview du Docteur Jean-Yves Chauve.

- Publicité -

Stressant, fatigant, usant…  trois mots qui sont revenus quasiment systématiquement ce midi, lors de la vacation officielle. Après 17 jours de course, le Docteur Jean-Yves Chauve, médecin de la course, fait le point.

" Il faut tenir la motivation. Si longtemps, ce n’est pas évident car c’est une sorte de stress permanant. Certes, c’est un stress positif, qui fait avancer, mais maintenir cette concentration, cette tension jusqu’au but, ce n’est pas facile. Il y a des moments où l’on est fatigué, des moments où l’on doute et il faut se relancer à chaque fois. De plus, sur ces petits bateaux, la notion de verticalité, est un vrai sujet. A bord, les mouvements sont parfois violents, selon les conditions de mer. La consommation d’énergie est énorme, même simplement pour tenir debout. Autre facteur important, sur un bateau, on vit pas mal de tâches répétitives. Quand on passe du temps à la barre par exemple, les gestes sont toujours les mêmes. A force, ça érode. De plus, on fini par s’ennuyer à le faire. C’est un élément négatif qui nuit à l’envie d’avancer. Il y a aussi la position dans la flotte. Quand on n’est pas en tête, c’est difficile de se dire qu’on va pouvoir revenir. La grande difficulté de cette course, c’est que les gens ont le temps de penser. Ce n’est pas très bon parce qu’on doute, on se questionne. Et par forcément dans le bon sens ! "

On imagine que c’est d’autant plus vrai maintenant alors que les écarts se resserrent…

– J.Y. C. : " Absolument. Le coureur se dit que le danger vient de partout. Il y a donc des doutes au niveau de la stratégie. A la fatigue s’ajoute la chaleur. Aux latitudes où évoluent actuellement les marins, il fait très chaud. Tout cela a des influences. Pour exemple, si un coureur a une déshydratation d’un litre et demi, ce qui n’est finalement pas beaucoup – pour une personne pesant 70kg, c’est la perte d’à peu près 1,5kg – cela représente une perte de capacités intellectuelles de 20% : c’est énorme ! Quelqu’un qui n’a pas assez bu va très vite être un peu déficitaire, à la fois sur un plan intellectuel et physique. Le manque d’hydratation peut considérablement nuire à la vision du plan d’eau. En mer, ils doivent boire 5 litres d’eau par jour au minimum. "

Cette dernière ligne droite s’annonce particulièrement disputée. Elle sera d’autant plus dure à appréhender ?

– J.Y. C. : " Tout à fait. Au contexte de fatigue importante, pour certains s’ajoutent des petit soucis physique, d’ordre cutané par exemple. On n’est pas dans les conditions d’une étape de Figaro car il y a quand même 20 jours de course derrière. Je pense que les coureurs se demandent s’ils vont être capable de prendre les bonnes décisions. Ils perçoivent qu’ils n’ont pas la clairvoyance qu’ils avaient au départ. Le fait de lâcher un peu peut tout remettre en cause. Il faut être à fond malgré la fatigue. Finalement, le problème de l’être humain, c’est qu’il doit être inconscient pour récupérer, contrairement à certains animaux, tels les dauphins, qui repose tantôt la moitié gauche du cerveau, tantôt la moitié droite… "