«Le Rhum, c’est la transat qui fait le plus rêver, de par son histoire et sa destination. On a tous envie d’aller vers les Antilles, qui représentent un point de passage pour les marins sur la route du tour du monde. C’est une course qui marque, qui a un statut à part et l’on se souvient des noms de tous les vainqueurs, ce qui n’est pas le cas pour toutes les épreuves.
Je n’y ai participé qu’une fois, c’était en 1994. Une période qui marque le début de la marche en avant des monocoques, on commençait à voir arriver les coques planantes et les performances des monos ont fait un bond en avant à partir de cette époque. J’étais arrivé 3ème au classement général derrière Laurent Bourgnon et Paul Vatine en multicoque, ce qui avait constitué une surprise (Yves menait alors Cacolac d’Aquitaine). Il y avait eu pas mal de casse sur cette édition, mais le fait d’avoir deux monos dans le top 5 (Alain Gautier signant la 4ème place, ndlr) avait étonné pas mal de monde.
J’étais personnellement resté assez proche de l’orthodromie, il y a eu quelques coups de vent dans lesquels j’étais avantagé par rapport à Alain Gautier, son Bagages Superior ayant deux mâts, donc plus de fardage… Sur la fin de course, nous avons buté dans l’anticyclone des Bermudes avec un gradient de vent assez musclé. J’ai négocié un empannage qui m’a permis de descendre plein pot sur les Antilles. Globalement, cela a été une transat rapide – bien plus que celle de 1998 (ndlr : le temps de référence du parcours, établi en 1994 par Yves, n’a été battu qu’en 2002 par Ellen MacArthur). Les multis étaient partis très nord, ils ont dû tout recroiser et ont fait beaucoup plus de route que moi (620 milles précisément pour Bourgnon, ndlr)… Je suis celui qui avait fait le moins de route cette année-là.
En 1998, un accident m’a empêché de prendre le départ, alors que cette course je l’avais imaginée, bien préparée… J’ai confié la barre de mon bateau à Thomas Coville, qui avait fait le Trophée Jules Verne l’année précédente, et avait remporté la Route de l’Or avec moi peu avant le Rhum : naturellement, je n’ai jamais suivi une épreuve d’aussi près en étant à terre ! Thomas a fait une course splendide, signé une magnifique victoire… qui lui a ouvert des portes et servi de tremplin pour signer avec Sodebo. C’est une belle histoire qui a commencé pour lui suite à cette Route du Rhum, et il a fait du chemin depuis !"
Propos recueillis par Jocelyn Blériot