Interview croisée entre Paul Meilhat et Michel Desjoyeaux.

Paul Meilhat et Michel Desjoyeaux.
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Comment vous êtes-vous choisis pour la Transat Jacques VABRE ?

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Paul Meilhat : « C’était assez naturel. Mich’ est à l’origine de ce projet et j’avais besoin de quelqu’un avec son profil exact avec beaucoup d’expériences sur ce bateau. Ce qui est très intéressant chez Mich’, c’est sa connaissance des prototypes, son profil technique et technologique que je n’ai pas. »

Michel Desjoyeaux : « C’est un très heureux concours de circonstances ! Quand SMA a décidé du choix du skipper, plusieurs dossiers étaient déposés dont celui de Paul. Je trouvais son parcours sportif intéressant et SMA l’a choisi pour sa personnalité. Il m’était facile d’approuver puis de me dire que nous pourrions aussi courir ensemble. L’an passé, déjà, lors d’une réunion concernant le programme de Paul, la Transat Jacques VABRE est arrivée sur la table et Paul m’a demandé : « Tu n’as rien de prévu en novembre 2015, non ? »

Comment définiriez-vous l’autre du duo ?

PM : « Michel serait un mentor avec une complicité particulière… La relation humaine est très importante pour lui ; il a besoin d’avoir confiance dans les gens avec qui il navigue et de prendre du plaisir. C’est un grand professionnel sur l’eau, qui aime passer aussi de bons moments avec les gens. Je le retrouve dans ce goût pour l’échange. »

MD : « Paul est un camarade de compétition, c’est sûr. Il est aussi complice car il faut l’être durant plus de quinze jours de course. Si nous devions former une association, elle serait de malfaiteurs qui aiment mal faire mieux que les autres ! »

Un couple en mer et en compétition, ça fonctionne quand les membres:

– Se complètent

– Se comprennent

– Partagent…

PM : « Tout ça, c’est parfait ! La complémentarité est surtout intéressante en préparation d’une course. Mais une fois dans la compétition, c’est 1+1, un qui se repose quand l’autre est sur le pont. L’autonomie des partenaires est importante. La réussite d’un duo se joue souvent avant le départ. Car le coup de canon donné, il doit pouvoir se faire confiance, connaître les qualités de l’un et de l’autre mais aussi les limites, pour partir serein et fonctionner efficacement. »

MD : « Tout ça ! Il faut savoir accepter les défauts de l’autre et connaître également ses limites pour naviguer dans une confiance mutuelle. Si nous devions être deux clones à bord, ce ne serait pas intéressant ! »

Dans quel domaine devez-vous être vraiment au diapason en mer ?

PM : « Je crois qu’il faut que chacun ait des rôles répartis, des responsabilités afin que chacun ait sa place. Les échanges à chaque changement de quart constituent des moments importants. Après, comme dans la vie quotidienne, il s’agit de respecter le rythme de fatigue et d’investissement de chacun. »

MD : « Je ne crois pas qu’il y ait un domaine précis. Même concernant le choix de la musique à bord, ce n’est pas un problème puisque quand l’un est sur le pont, l’autre se repose ! »

Quelles sont les choses sur lesquelles vous n’acceptez aucun compromis dans une vie à deux sur un bateau?

PM : « Le rangement ! Sur un bateau, c’est important pour moi, j’y tiens comme sur le respect du repos de l’un et de l’autre. Même fatigué, Mich’ a des automatismes que je n’ai pas et si je suis rincé, je peux vite faire des boulettes… Mais question rangement comme question ego, je ne suis pas inquiet ! Par contre, il ne mange pas beaucoup quand j’aime vraiment bien manger ! »

MD : « Je pense sincèrement que si tu ne veux pas faire de compromis, il faut naviguer qu’en solitaire ! Et encore tu devras faire des compromis avec toi-même… Dans la recherche de l’efficacité à bord, j’ai une totale tolérance à l’autre. Sinon, question répartition des tâches, Paul dormira le jour et moi la nuit, c’est le privilège de l’âge ! »

Peut-il exister des sujets tabous au sein de votre duo ?

PM : « Au contraire ! Ce sont des sujets qui viennent naturellement quand on part loin. Une course en double est une rencontre. C’est l’occasion d’aborder des sujets avec l’autre dont nous n’aurions peut être jamais parlés avec cette personne là. C’est la situation, le temps passé ensemble, qui veut cela et les sujets peuvent aussi bien toucher la famille, les engagements, la politique, la société… »

MD : « Aucun. Il peut y avoir des sujets sur lesquels je n’ai pas envie de m’étendre. Mais tabous, non. Naviguer à deux, c’est naviguer dans l’échange. Maintenant, il existe un principe de base qui veut que tout ce qui se passe et se dit à bord, reste à bord. »

Paul, embarquer avec quelqu’un de très expérimenté comme Michel constitue une formidable opportunité. Cela ne peut-il être aussi un frein pour vous exprimer avec confiance ?

PM : « C’est sûr, mais j’en suis conscient depuis le début ! Mich’ ne rentre pas facilement dans un cadre, c’est son caractère. Naturellement, je peux être mis un peu dans l’ombre de Michel sur cette course. Je dois apprendre le plus possible tout en sachant que je devrais m’affirmer dès que je peux. »

MD : « Si l’un des deux ne peut s’exprimer, cela retire tout l’intérêt d’une navigation en double ! Nous devons nous habituer à être ensemble pour que mon statut de coach et de marin expérimenté ne soit pas un frein. Tout le reste, le passé, l’expérience, sont des éléments qui restent à terre. En mer, l’échange doit se faire dans les deux sens pour que chacun apprenne de l’autre. »

Si vous étiez un couple célèbre, vous seriez :

PM : « Obi Wan et Skywalker nous ressembleraient assez… si ce n’est que Mich’ n’est pas vraiment Obi Wan… ! »

 

MD : « Laurel et Hardy et c’est moi, le petit gros ! J’ai passé l’âge de me prendre au sérieux pour faire ce que j’aime… Un couple m’amuse, Shirley et Dino. Leur partition est extrêmement préparée, pour des sketches totalement déjantés ! »