Depuis leur départ du Havre le mercredi 2 novembre, les tandems de la Transat Jacques Vabre sautent d’un front à l’autre. Ajoutez-y au milieu la traversée d’une dorsale et vous aurez une idée de l’intensité de cette course qui ne fait pourtant que commencer. Les manœuvres de changement de voile sont incessantes. « On est content d’être deux car en solitaire, ça aurait été inhumain » admet Yann Eliès. « On a les bras gros comme des camionneurs » reconnaît Jérémie Beyou. « Et dans tout ça, quand est-ce qu’on dort ? » se demande Kito de Pavant.
Pour le vrai bon repas chaud et le gros « sieston », il faudra remettre à plus tard. Car dès ce soir, les 26 bateaux en course vont affronter leur troisième dépression en l’espace de …4 jours. Une bien méchante, qui prodiguera ses vents forts, sa mer croisée et ses grains violents jusqu’à mardi prochain. Les marins s’y préparent. Ambiance « casque-visière et combinaison sèche » pour Bernard Stamm, « combi de survie et harnais » pour Jean-Pierre Dick. En quelques mots : il faudra faire le dos rond. Si les hommes sont fatigués, le matériel souffre lui aussi. A la vacation du jour, tous les navigateurs ont reconnu avoir pas mal de petites bricoles à bord. Or, les marins n’ont accompli qu’un petit quart du parcours. Plus que jamais, ils doivent prendre soin de leur monture.
Du côté des Imoca, certains (Macif et Groupe Bel notamment) ont donc choisi de mettre un peu de sud dans leur route pour échapper au plus fort du mauvais temps. Pour cela, il a fallu enchaîner quelques virements de bord et accepter de perdre du terrain face aux leaders qui ont persisté dans l’ouest, tel Hugo Boss. Alex Thomson et Guillermo Altadill ont pris le commandement des hostilités ce matin au pointage de 11 heures devant Jean-Pierre Dick et Jérémie Beyou (Virbac-Paprec 3) qui filent sur la même trajectoire. Mais au nord des Açores, la flotte des Imoca s’étale désormais sur 178 milles. A noter qu’un des protagonistes de la classe a fait demi-tour aujourd’hui pour résoudre un problème technique (panne d’énergie) : DCNS. Marc Thiercelin et Luc Alphand, en liaison avec leur équipe technique, tentent de réparer en mer. Ils n’ont pas encore annoncé leurs intentions…
Deux options radicales
Deux équipages ont pris une option radicale pour éviter le gros temps. Yves Le Blévec et Samuel Manuard (Multi50 Actual) ont plongé franchement dans le sud et sont actuellement en train de doubler l’archipel des Açores par l’Est. En Class40, Partouche a également pris la tangente : à 80 milles des côtes portugaises, Christophe Coatnoan et Etienne Laforgue glissent tranquillement sous spi et sous un grand soleil. Ils devront faire le tour de l’anticyclone qui leur barre actuellement la route ! Pendant ce temps, leurs concurrents, sortis ce matin des mailles de la dorsale, s’apprêtent à affronter la dépression. Aquarelle.com et Concise 2 occupent toujours le haut du tableau. Tandis qu’ERDF Des Pieds et Des Mains qui a très bien joué pour éviter les vents faibles, est remonté en 3e position.
Ils ont dit :
Jérémie Beyou (Virbac-Paprec 3) : « C’était la guerre hier et toutes les nuits depuis le départ. La nuit prochaine s’annonce encore coriace. On a quelques bricoles à bord qui nous prennent un peu de temps. Cette dépression est assez creuse et violente. Le gros de la mer passera un petit peu derrière nous. On a les bras gros comme des camionneurs, on est mince parce qu’on n’a pas mangé beaucoup. Ça tire beaucoup physiquement et on n’arrête pas de manœuvrer. On fait la gamme complète de la garde robe depuis 2 jours. Les grains sont violents, il faut manœuvrer vite, il faut éviter d’être fainéant ».
Loïc Fequet (Maître Jacques) : « On va dans l’ouest, on va chercher la troisième dépression, les deux premières se sont bien passées. On a déjà eu beaucoup de vent cette nuit. J’ai eu du mal à m’alimenter au début de la course, mais Loïc (Escoffier) a géré, donc ça s’est bien passé. On s’est fait beaucoup secouer depuis le départ, on a eu huit heures de répit hier.»
Christophe Coatnoan (Partouche) : « A l’origine, l’est était une route de sécurité car il y a des coups de vent forts dans l’ouest et je ne voulais pas emmener le bateau dans ces conditions là. C’est possible que ce ne soit pas profitable pour la course mais l’essentiel était de se mettre à l’abri. On va essayer de se sortir de là dans de bonnes conditions. On espère que le vent va rentrer un peu pour pouvoir repartir sur une trajectoire plus conforme ».
Yann Elies (Safran) : « La course va se jouer sur la stratégie et moins sur la vitesse, sauf si au final, on a des conditions plus identiques. Là, au milieu de l’Atlantique le jeu est très ouvert et il y a beaucoup d’options. En revanche, on s’interdit d’aller dans plus de 40 nœuds de vent car on ne veut pas faire souffrir le bateau. Dans notre position actuelle, on est content que le jeu reste ouvert. C’est beaucoup de travail et la même course en solo aurait été inhumaine ».
Armel Le Cleac’h (Banque Populaire) : «Trouver la bonne route vers le Costa Rica ne sera pas simple. On va faire le dos rond cette nuit ! On est revenu dans le match après un départ difficile. On a eu un problème avec notre gennaker qui a glissé le long de son câble. On a réparé, on va pouvoir le réutiliser maintenant. »
Les positions des bateaux ce dimanche 6 novembre à 17h00:
IMOCA :
1 – Hugo Boss (Alex Thomson – Guillermo Altadill) : 3505,6 milles de l’arrivée
2 – Virbac Paprec 3 (Dick – Beyou) : 12,2 milles du leader
3 – Cheminées Poujoulat (Stamm – Cuzon) : 23,3 milles du leader
Multi50
1 – Actual ( Yves Le Blevec – Samuel Manuard) : 4112,4 milles de l’arrivée
2 – Maitre Jacques (Loïc Fequet – Loïc Escoffier) : 17,1 milles du leader
Class40
1 – Aquarelle.com (Yannick Bestaven-Eric Drouglazet) : 3813 milles de l’arrivée
2 – Concise2 (Ned Collier-Sam Goodchild) : 8,1 milles du leader
3 – ERDF Des Pieds et des Mains (Seguin – Richomme) : 84,1 milles du leader