Retour sur la tentative de Thomas Coville

Départ Sodebo au large de Ouessant
DR

Top départ samedi 29 janvier à 12h07mn 28s (HF) devant le phare de Créac’h à Ouessant, et d’emblée des conditions sportives. Dans une survente et la mer bouillonnante de la Pointe Bretagne, les trois coques de Sodebo se soulèvent dans ce que le skipper appelle quelques minutes plus tard à la VHF : "un petit planté". En moins d’une journée, Thomas vire le Cap Finisterre et laisse l’Europe derrière lui. Le trimaran de 32 mètres descend à plus de 20 nœuds de moyenne dans l’alizé portugais. Après un bel empannage au large de Madère, Sodebo surfe en bordure Est de l’Anticyclone des Açores et croise au large des Iles Canaries le 1er février. Il est parti depuis seulement trois jours. Avec 585 milles parcourus la journée suivante, la fusée passe à 80 milles dans l’Ouest de l’Archipel du Cap Vert.

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Mais voilà, l’équateur se mérite et il faut franchir sa sentinelle. La zone de convergence intertropicale s’avère impitoyable, contraignant le skipper à manœuvrer sans cesse sous un chapelet d’énormes nuages orageux. Tom bataille comme un fou pour s’extirper de grains violents qui coûteront la vie à trois lattes de grand voile, brisées dans un empannage et remplacées dans l’heure au prix d’une bonne suée. Entré dans le "Pot" avec 120 milles d’avance, Sodebo coupe finalement l’équateur le 5 février en 7 jours 2h et 27mn avec 9 heures et 27 minutes de retard sur Idec. Désormais en chasse, Thomas reprendra la tête de cette course poursuite virtuelle six semaines plus tard, le 13 mars en fin de journée, le long des côtes du Brésil au terme d’une remontée menée à belle allure.

L’Atlantique Sud
Peu après son plongeon dans l’hémisphère Sud, Thomas négocie âprement un anticyclone de Sainte-Hélène étalé depuis plusieurs semaines au beau milieu de l’Atlantique. Sodebo part flirter avec les côtes brésiliennes. En contournant la pétole, il allonge logiquement sa route. Le skipper passera 1000 milles plus à l’Ouest que Francis Joyon qui avait pu « couper le fromage » trois ans plus tôt. Mais la porte s’ouvre enfin ! Le 11 février, le skipper peut enfin faire de l’est, en s’engouffrant dans un véritable "trou de souris", un flux de Nord-Ouest de 30-35 nœuds en avant d’un front très actif qui emmène le trimaran plein Est, vers les Quarantièmes et la latitude du Cap de Bonne Espérance qu’il atteindra quatre jours plus tard, le 15 février en 17 jours 5h et 54 mn. Avec 8405 milles parcourus depuis le départ à la vitesse moyenne de 20,31 nœuds, le trimaran pointe ses étraves dans l’Indien avec 1 jour 22h et 41 minutes et 1151 milles de retard sur le détenteur.

Un Indien engagé
Sous la pointe de l’Afrique, les routages indiquent le Sud mais le spectre des glaces contraint le skipper à emprunter une route au Nord. La situation météo s’annonce défavorable à court terme. Tom décide de continuer malgré le menu des jours suivants où il devra se coltiner du près dans une mer infernale sur le plateau des Crozet et jusqu’aux Kerguelen. La situation est complexe avec une nouvelle zone de glaces qui s’étale dans l’Est de l’archipel. L’unique possibilité consiste à plonger au Sud pour passer sous les îles et sous les glaces. Le skipper met le cap vers les Cinquantièmes Hurlants. Le 23 février après 25 jours 2h et 32s en course, Sodebo franchit le Cap Leeuwin (pointe SO de l’Australie) avec 2 jours 10 heures et 32 secondes et 1194 milles de retard sur Idec, un chiffre qui dès lors ne fera que diminuer. Tom affiche des moyennes toujours supérieures à 20 nœuds. Deux jours plus tard, il fait son entrée dans le Pacifique. Il aura mis 9 jours 22h et 45 mn entre le Cap des Aiguilles (Afrique du Sud) et le Sud de la Tasmanie. Le record de l’Indien reste néanmoins entre les mains de Francis Joyon pour une petite dizaine d’heures.

Un Pacifique musclé
Thomas poursuit son grand saut dans le Sud et descend jusqu’à 58°S, accrochant un à un les trains dépressionnaires très actifs, notamment la fin du cyclone ATU qui laisse derrière lui un vent et une mer franchement pas commodes. Une nouvelle zone de glaces impose au Trinitain de remonter par 51° Sud. Sur la fin de ce contournement par le Nord, les conditions poussent Thomas à entrer et à naviguer pendant quelques heures dans la zone de dangers. Il reste des heures sur le qui-vive allant jusqu’à ralentir son bateau au cas où. Le maxi trimaran navigue alors dans 40 nœuds de vent et passe. Son skipper oublie rapidement l’angoisse qu’il vient de vivre en accrochant une nouvelle dépression qui l’emmène vers l’extrême Sud du continent sud-américain. Dans la nuit du 7 au 8 mars, à quelques heures du Horn, le marin affronte son dernier "coup de chien" avec des rafales à plus de 50 nœuds.
Celui qui voulait passer sous la barre des 1000 milles de retard ne concède que 666 milles à Francis Joyon quand il se présente le long des falaises du Cap Horn ! Le mardi 8 mars à 12h24, après 38 jours et 16 minutes de mer, le moment est surréaliste pour le marin. Thomas passe à moins de 200 mètres du fameux "caillou" en compagnie de Neutrogena, le monocoque de Boris Herrmann et Ryan Breymaier, engagé dans la Barcelona World Race. Thomas a traversé le Pacifique en 10 jours 16 heures et 49 minutes à la vitesse moyenne de 21,59 nœuds. Le « challenger » a donc été 1 nœud plus rapide que Francis Joyon et n’a perdu que deux petites heures !

L’Atlantique, pour le meilleur et pour le pire
En bordure d’un anticyclone de Sainte-Hélène beaucoup plus clément qu’à l’aller, Sodebo emmagasine les milles au profit d’une route au près le long des côtes d’Amérique du Sud. Sodebo pointe enfin devant son adversaire virtuel le 13 mars en gagnant 670 milles en 5 jours Cette chevauchée fantastique a été pourtant entachée le 10 mars par le choc avec un globicéphale qui endommage la crash-box du flotteur tribord. Un instant, Tom croit à la fin de l’aventure mais le diagnostic s’avère rassurant. Moins de trois jours plus tard, après s’être dégagé d’une méchante dépression orageuse le long du Brésil, Sodebo compte 267 milles d’avance sur Idec et tous les espoirs sont permis !

La dure réalité va cependant rattraper le marin solitaire lancé à la conquête du graal. Les prévisions annoncent une panne de l’alizé sur la fin de l’hémisphère Sud juste avant l’équateur. Le 17 mars, pointé à seulement 15 milles des côtes brésiliennes, le « challenger » repasse en négatif. Encalminé pendant un peu plus de 24h dans du vent erratique de 4 à 6 nœuds, le trimaran retrouve l’hémisphère Nord dimanche 20 mars au matin, après 49 jours 22 heures 12 minutes et 32 secondes de course. Thomas a alors 1 jour 19 h et 54 mn d’écart avec Francis Joyon et a parcouru 23 777 milles (19,84 nds de moyenne) depuis Ouessant, soit 1151 milles de plus qu’Idec. Joli lot de consolation pour le skipper de Sodebo qui s’empare du meilleur chrono entre le Horn et l’équateur en 11 jours 21 heures et 56 minutes soit un peu plus de 16h de mieux qu’Idec en 2008.

C’est fini
Pour le dernier tronçon du parcours, le timing se retourne contre le chasseur de record. L’anticyclone barre carrément le chemin vers l’Europe en s’étalant de part et d’autre de l’Océan Atlantique, obligeant Thomas à allonger encore la route, taillant dans le Nord-Ouest quand Francis était monté directement vers les Açores. Pour sa troisième tentative et son second tour complet en solitaire à bord de Sodebo, Thomas ne pourra pas être à l’heure à Ouessant.

OUESSSANT – EQUATEUR (premier passage) :
IDEC le 30/11/07 : 6j 17h, 3 355 milles à 20,8 nds
SODEBO le 05/02/11 : 7j 2h 27’, 3 529 milles à 20,7 nds
Ecart : 9h27, 161 milles de retard

OUESSANT-BONNE ESPERANCE :
IDEC en déc. 2007 : 15j 7h 13’, 7 400 milles à 20,12 nds
SODEBO le 15/02/11 : 17j 5h 54’ 32’’, 8405 milles 20,31 nds
Ecart : 1j 22h 41’, 1151 milles de retard

OUESSANT-LEEUWIN :
IDEC le 16/12/07 : 22j 15h 28’, 11450 milles à 21,1 nds
SODEBO le 23/02/11 : 25j 2h 32’’, 12 374 milles à 20,55 nds
Ecart : 2j 10h 32’’, 1194 milles de retard

RECORD DE L’OCEAN INDIEN (CAP DES AIGUILLES-TASMANIE) :
IDEC – Déc. 2007 : 9j 12h 6’ pour 5 182 milles parcourus à 22,7 nds de moyenne
SODEBO – 25/02/11 : 9 j 22h 45’ pour 5172 milles parcours à 21,7 nds de moyenne
Ecart sur le record de l’Indien: 10h39 ‘
Ecart depuis le départ : 2j 9h 22’

OUESSANT-CAP HORN :
IDEC le 29/12/07 : 35j 12h 36’, 17 902 milles parcourus à 21 nds de moyenne
SODEBO le 08/03/11 à 12h24 (HF) : 38j 0h 16m 32s, 19 186 milles à 21,03 nds de moyenne
Ecart de 2j 11h 40’, 666 milles de retard

RECORD DE L’OCEAN PACIFIQUE (Sud Tasmanie-Cap Horn)
IDEC – déc. 2007 : 10j 14h 26’ pour 5245 parcourus à 20,6 nds de moyenne
SODEBO – 08/03/11 à 12h24 (HF) : 10j 16h 49’ pour 5545 milles parcourus à 21,59 nds de moyenne
Ecart : 2h23’

OUESSANT – EQUATEUR (second passage) :
IDEC le 10/01/08 : 48j 2h 18’, 22 626 milles à 19,6 nds
SODEBO le 20/03/11 : 49j 22h 12’ 32’’, 23 777 milles à 19,84 nds
Ecart de 1j 19h 54’, 487 milles de retard

HORN – EQUATEUR :
IDEC en 2008 : 12j 14h
SODEBO le 20/03/11 à 10h20 (HF) : 11j 21h 56’
Ecart : 16h04 de moins qu’Idec