La semaine de préparatifs a donc laissé place à la confrontation en ce vendredi. Dès 10 heures, les six équipages au complet ont ainsi pris la direction de l’entrée du Bosphore, s’engageant dans une parade aussi festive que grandiose. Pour du beurre, mais pour le spectacle, les skippers des monocoques Imoca sont allés saluer le cœur de la cité ottomane, offrant à leurs invités toute la majesté de leurs montures en ce décor unique. Pour parachever un tableau déjà haut en couleurs, le sport a pris ses droits en début d’après-midi, proposant aux concurrents de défier le temps et de faire montre de leurs vitesses respectives. Au départ d’une ligne mouillée devant Sainte-Sophie, s’engageait alors une série de trois runs longs d’un peu plus de 2,29 milles, au portant et par un vent de soutenu. Au jeu de la démonstration des performances, peu de surprises et une pléiade de confirmations. Ainsi, Michel Desjoyeaux et son équipage se sont-ils révélés les plus rapides sur ce « Trophée du Bosphore », prenant l’avantage au meilleur des trois parcours avec un temps de 7 minutes 23 secondes et une vitesse moyenne de 18,61 nœuds. Si cette journée n’engage en rien la suite des affaires sur cette première édition de l’Istanbul Europa Race, elle est toutefois pour le skipper de Foncia l’occasion de démontrer que s’il est la référence en solitaire autour du monde, il est tout aussi à l’aise en équipage. Deuxièmes au rang des meilleures performances de la journée, avec seulement deux petites secondes de retard, Kito de Pavant et ses hommes viennent eux aussi confirmer ce que l’on pressentait. Groupe Bel a définitivement plus d’un atout dans ses voiles et pour son retour en course après un Vendée Globe malheureux, le méditerranéen se verrait bien maître en son jardin. Mais gageons que la concurrence est bien loin d’avoir découvert son jeu. Ainsi avec le troisième meilleur chrono sur cette journée, Guillermo Altadill semble avoir bel et bien trouvé les rênes de 1876 sa nouvelle monture. Derrière, Jean-Pierre Dick (Paprec Virbac 2), Roland Jourdain (Veolia Environnement) et Marc Thiercelin (DCNS) ne sont pas en reste et affichent aujourd’hui des performances honorables.
Demain à midi, sonnera l’heure des choses sérieuses pour les six équipages qui salueront une dernière fois Istanbul et la Turquie pour prendre le départ de la première étape qui les mènera à Nice, en passant par le détroit des Dardanelles… De quoi donner à l’Istanbul Europa Race ses premières lettres de noblesses !
Ils ont dit
Kito De Pavant – Groupe Bel : « Nous avons le bateau à battre ! »
Deuxième du Trophée du Bosphore, l’équipage de Groupe Bel avait le sourire de retour à quai. « Cela a été une belle journée, dit Kito De Pavant, le bateau marche vraiment bien, il a des chevaux. Il nous reste à bien le mener, à savoir en profiter. Je pense que Groupe Bel est le bateau à battre mais je me méfie de Foncia qui va vite. C’est un bateau un peu extrême, allégé. Je sais que Michel Desjoyeaux et son équipe ont bien travaillé pour préparer l’Istanbul Europa Race. » S’attardant un peu plus sur cette première compétition sur le Bosphore, Kito De Pavant ne cachait pas sa joie. « C’était magnifique, un joli rendez-vous. Nous avons surtout cherché à ne pas prendre de risques, en réduisant la voilure, mais même dans ces conditions le bateau continuait d’aller vite. Maintenant on va charger le bateau pour la semaine, passer une bonne soirée avant le départ samedi de la première étape. »
Michel Desjoyeaux – Foncia : "Une course sur le Bosphore tous les ans"
Outre la victoire sur le Bosphore, Michel Desjoyeaux s’est surtout attaché à décrire le plaisir qui fut le sien au cours de cette première journée de course en Turquie. « Au début, j’ai eu un peu peur parce que le vent était faible et puis il s’est levé et nous avons eu de superbes conditions de course. Une compétition sur le Bosphore, j’en redemande une tous les ans. La parade pour atteindre la ligne de départ était grandiose et c’est depuis Foncia que j’ai mesuré la grandeur et la beauté d’Istanbul. Je me suis un peu appliqué pour aller virer tout près des rives, près des spectateurs. Concernant la course, il y a eu d’abord une interrogation sur le choix des voiles parce qu’il était impossible d’en changer et puis il a fallu composer avec les variations du vent qui ne soufflait pas fort au milieu, plus sur les rives. Foncia a gagné mais il fallait un peu de réussite ».
Roland Jourdain – Veolia Environnement : « Ici, on bosse fort ! »
Roland Jourdain n’a pas perdu son humour en naviguant plein ramadan au milieu des palais des sultans. « Je ne dirais pas qu’on travaille dur, ici, on bosse fort ! Yes, elle est bonne… », s’esclaffe-t-il en descendant de Veolia Environnement après la virée sur le Bosphore, « magnifique », ajoute-t-il, sans rire cette fois. « On était en promenade, c’était magique de passer au seul endroit entre l’Europe et l’Asie, mais entre les ferries et nos invités à bord, même s’il n’y avait pas de trafic maritime autour de nous, on n’était quand même pas détendu durant le premier quart d’heure. » Veolia Environnement n’a pas été le plus rapide lors des runs mais cela n’inquiète nullement le Finistérien. « Ne partant pas tous ensemble, on n’avait pas rigoureusement les mêmes vents, précise-t-il. L’essentiel était d’entraîner l’équipage, de bien se faire plaisir, et le parcours d’aujourd’hui était déjà une reconnaissance du départ de la course, demain, qui risque d’être un peu une loterie. Le détroit des Dardanelles est étroit et riche en trafic. Il est possible qu’on ne dorme pas beaucoup au cours des premières 48 heures. On dit toujours que la Méditerranée est sympa. Avant le départ, oui ! Mais regardez : je me suis fait couper les cheveux suffisamment court pour en avoir le minimum à m’arracher pendant la course. »
Guillermo Altadill – 1876 : « J’ai besoin d’une course »
Troisième du Trophée du Bosphore, Guillermo Altadill exprimait son soulagement. Sa première course à la barre de 1876 s’est fort bien déroulée. « Ce fut un excellent warm-up, dit-il. L’équipage fonctionne bien, le bateau est performant. Ayant accompli 3.000 milles d’entraînement depuis que nous l’avons acheté, je pense connaître son potentiel mais rien ne vaudra la course elle-même. Cette petite compétition m’a mis en appétit mais cette première grande compétition est très importante dans le programme de 1876. Elle me servira de point d’appui pour le futur."
Christopher Pratt – DCNS : « On l’a jouée cool »
Alors que pour la plupart des marins, c’était une première de naviguer dans le Bosphore, le jeune Christopher Pratt a apporté son expérience du terrain à l’équipage de DCNS. « En Figaro, j’avais déjà eu l’occasion de faire la remontée du Bosphore, dit-il, mais là, en Imoca, c’est encore une autre dimension. Quelque chose se dégage de cette ville, c’est impressionnant de naviguer en jetant un œil à l’église Sainte-Sophie et tous les autres monuments. Volontairement, on l’a jouée un peu cool aujourd’hui, déjà parce que notre équipage n’était pas au grand complet, il le sera pour le véritable départ de l’Istanbul Europa Race. Notre objectif était de ne rien abîmer et de naviguer tranquillement. Il est rempli. »
Les résultats du Trophée du Bosphore
1 – Foncia en 7 min 23 sec, vitesse moyenne : 18,61 nœuds
2 – Groupe Bel en 7 min 25 sec, vitesse moyenne 18,53 nœuds
3 – 1876 en 7 min 34 sec, vitesse moyenne 18,16 nœuds
4 – Paprec Virbac 2 en 7 min 37 sec, vitesse moyenne 18,04 nœuds
5 – Veolia Environnement en 7 min 55 sec, vitesse moyenne 17,36 nœuds
6 – DCNS en 8 min 01 sec, vitesse moyenne 17,14 nœuds