Il y a des jours où le solitaire préférerait rester à la maison, devant un feu de cheminée, un verre de champagne à la main et une tartine de foie gras sur la table basse… Mais Dame Nature n´a pas d´état d´âme et quand elle a décidé de se mettre en colère, rien ne peut la contrarier. C´est malheureusement le menu de ce jour de Noël pour les dix-huit concurrents du Vendée Globe qui vont successivement devoir composer avec une mer très dure et des vents violents en raison d´un train de dépressions qui sillonne le Grand Sud, des Kerguelen jusqu´aux dernières îles au large de la Nouvelle-Zélande : Campbell, Antipode, Bounty, Chatham… Cinq au total qui vont balayer le plan d´eau pour un grand ménage estival. Et pour ceux qui viennent de passer l´antiméridien (les six premiers), et qui donc ont le droit à deux mêmes jours consécutifs, la ration s´annonce double !
Le Père Noël est une… Car si ce n´est pas le Café de la Gare, à la station « Glacière », l´ambiance n´est pas aux cotillons et aux langues de belles-mères… La dépression néo-zélandaise va passer pile poil sur la tête de la flotte et Michel Desjoyeaux (Foncia), comme Roland Jourdain (Veolia Environnement) cherchaient à éviter son centre et se préparaient à faire du près dans plus de 35 nœuds de vent et une mer démontée ! Même Jean Le Cam (VM Matériaux) et Sébastien Josse (BT) pourraient bien être de la partie pour ce qui s´annonce comme un grand chaos maritime : des vagues pyramidales, des grains violents, des pluies torrentielles, mais des températures un peu moins glaciales. Une phase qui devrait durer quelques heures contre un vent de Nord-Est qui est prévu en rotation vers le Nord, puis vers le Nord-Ouest toujours puissant (30-35 nœuds), ce qui va rendre l´état de mer extrêmement délicat à négocier : trois ou quatre ris dans la grand voile ? Foc de brise ou tourmentin ? Repas frugal assuré en tout cas en regardant par le hublot… Incontestablement, ce passage vers la porte des glaces de la Nouvelle-Zélande va sensiblement ralentir les premiers, alors que Armel Le Cléac´h (Brit Air) et Vincent Riou (PRB) seront pratiquement les seuls à bénéficier (temporairement) d´un grand coup de pied aux fesses : du Sud-Ouest à plus de trente nœuds qui permettait déjà ce mercredi soir au tenant du titre 2004 d´être le plus rapide sur l´eau avec plus de 400 milles au compteur sur 24 heures… Malheureusement, ce fort coup de vent va se transformer en brises plus évanescentes après le passage du front et les écarts au premier feront donc un coup de yo-yo. Le seul qui risque fort de tirer les marrons de la dinde est Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac 2) : à force de cravacher, l´ex-vétérinaire a évité le tentacule anticyclonique lancé depuis l´Australie et se prolongeant jusqu´à l´île Campbell. Une brise modérée et une mer maniable : rien de mieux pour allonger la foulée en attrapant la queue de la dépression.
Dos rond pour petits plats Le scénario des acteurs leaders semble se répéter pour le peloton qui tente d´en terminer avec un océan Indien qui déplume ! Et une dépression, une pour Samantha Davies (Roxy) et Marc Guillemot (Safran) qui vont même subir des brises de Nord à Nord-Est… Et une autre dépression, pour le trio Brian Thompson (Bahrain Team Pindar), Dee Caffari (Aviva) et Arnaud Boissières (Akéna Vérandas)… Et encore une autre pour le Britannique Steve White (Toe in the water) qui va probablement être le concurrent le plus secoué de toute la flotte… Et une dernière dépression pour les deux « retardataires » Raphaël Dinelli (Fondation Océan Vital) et Norbert Sedlacek (Nauticsport-Kapsch). Certains ont d´ailleurs anticipé en ouvrant leurs cadeaux de Noël avant l´heure, histoire de profiter d´un petit répit avec le grand shaker… Enfin du côté de l´antiméridien, le passage a confirmé que Michel Desjoyeaux avait encore gagné du temps, non seulement sur l´édition 2004 puisqu´il n´a mis que 43 jours 23 heures 33 minutes depuis le départ du 9 novembre, soit 1j 06h 55´ de moins que Jean Le Cam il y a quatre ans, mais aussi sur ses poursuivants : -Roland Jourdain à 3h 55´ -Sébastien Josse à 9h 25´ -Jean Le Cam à 9h 55´ -Armel Le Cléac´h à 1j 00h 15´ -Vincent Riou à 1j 01h 25´
Voix du large…
Michel Desjoyeaux (Foncia), 1er à 10 810,7 milles de l´arrivée : « La mer est plutôt calme à l’échelle du Pacifique, on a eu un grand soleil. Mais il y a une dépression en train de redescendre et qui va mettre le bazar. Ça va être un peu tonique pendant deux ou trois jours et je ne suis pas mécontent d’avoir réussi à accumuler des heures de sommeil depuis une vingtaine d’heures. D’après le routage, je vais faire du près serré pendant quelques heures seulement et je n’aurai pas besoin de virer de bord. »
Marc Guillemot (Safran) , 9ème à 1561,7 milles du leader : « J’ai eu mon cadeau de Noël tout à l’heure. Un appel de Yann Eliès. Il s’était fait opérer le matin même et m’a donné des nouvelles depuis sa chambre d’hôpital. Une conversation forte, un bel échange qui m’a fait chaud au cœur. Il a une bonne voix et m’a un peu expliqué son opération avec le clou dans le fémur. C’est marrant car tout ça je l’ai déjà vécu. Il est entre de bonnes mains, bien entouré sur le plan médical et familial. Il est très touché du fait que j’ai un peu laissé tomber la course pour lui. Je n’ai aucun regret, tout a été fait avec passion et avec cœur. »
Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac), 7ème à 970,7 milles : « Ça fait le troisième Noël d’affilée que je suis loin chez moi, aux antipodes. Ça commence à faire pas mal. J’ai encore bricolé aujourd’hui, avec les mains dans l’eau froide. J’espère que la dépression ne va pas trop m’embêter… Ce que je souhaite pour mon safran, c’est apporter une nouvelle pièce à l’édifice pour renforcer tout le mécanisme de secours. Pour le moment, ça craque, ça racle, ce n’est pas évident. Je voulais m’arrêter à Auckland Island, mais l’anticyclone risque de m’en empêcher. Ça serait un peu dangereux dans la baie, avec des vents imprévisibles. On l’a vu avec Bernard (Stamm)… J’ai donc décidé de ne pas m’arrêter et de continuer à bricoler en mer, pour peut-être donner un petit frère à Ivory (ma plaque de maintien de safran). »
Roland Jourdain (Véolia Environnement), 2ème à 55,5 milles : « Ça va être moyen les agapes du réveillon avec ce qui nous attend. Va y avoir un regroupement de la flotte, et c’est bien que les autres reviennent, Noël est une fête de partage ! Mais mon bocal de foie de lotte préparé pas mon pote Marco va sans doute attendre un peu plus tard. Ça va « cartoucher » sérieux pendant un bout de temps et la mer ne va pas être propre. Mais on en est qu’au début du Pacifique, peut-être qu’ils sera sympa avec nous après… »
Jean Le Cam (VM Matériaux), 3ème à 130 milles : « D’ici une douzaine d’heures, ça risque de donner. Pour l’instant, les conditions sont tranquilles. Après, on va avoir des vents « assez forts ». Je suis satisfait d’avoir bien avancé et, surtout, d’être passé troisième devant Jojo. Il y a quatre ans, on avait un rythme beaucoup plus sage. Il y avait moins de trains de dépression, mais il faudrait regarder dans le détail. Vu le nombre de glaçons qui se présentent… De toute façon, il y a des portes, il y a des objectifs. Et, comme il fera plus chaud dans le Nord, on prendra moins de risque avec les icebergs. »
Loïck Peyron (Gitana Eighty) abandon : « C´était vraiment sympa de croiser Dominique, plutôt atypique mais très sympa ! Le pain et les fruits qu´il m´a si gentiment donnés sont un luxe incroyable après les longues semaines de plats lyophilisés. Sans oublier les 20 litres de gasoil qui me seront d´une grande utilité pour traverser une dorsale me barrant la route à compter du 27 décembre. Cette zone de vents faibles devrait compliquer un peu mon arrivée en Australie. Mon ETA, qui devrait être vers le 30 décembre, dépendra cependant d´un éventuel remorquage à une centaine de milles des côtes. »
Hugo Boss en réparation
Depuis son rapatriement le 29 novembre à Gosport (Sud Angleterre), Hugo Boss a commencé son chantier de réparation à Endeavour Quay. « La première chose que nous avons vérifiée a été la structure de la coque. Il y a eu deux impacts majeurs et nous avons utilisé pendant cinq jours un processus issu de l´échographie laser. Nous avons pu constater que le seul dommage qui a été détecté est localisé, autour de la zone abîmée. » La prochaine étape est désormais de réparer en pratiquant un large trou autour de l´impact sur cinq mètres et de réaliser une pièce dans le moule de coque. Cinq personnes travaillent au chantier dont le boat captain Ross Daniel et le constructeur Clifford Nicholson : Hugo Boss devrait être remis à l´eau à la mi-février.
Les 5 premiers au pointage de 16h00 1- Michel Desjoyeaux (Foncia) à 10 810,7 milles de l´arrivée 2- Roland Jourdain (Veolia Environnement) à 55,5 milles du leader 3- Jean Le Cam (VM Matériaux) à 130 milles 4- Sébastien Josse (BT) à 147,2 milles 5- Armel Le Cléac´h (Brit Air) à 356,3 milles
Classement des premiers étrangers 8- Samantha Davies (Roxy) à 1496,5 milles 10- Brian Thompson (Bahrain Team Pindar) à 1939,5 11- Dee Caffari (Aviva) à 2017,3 milles