Ultime combat : Macif s’envole

Macif
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Après une pénible traversée du Pot-au-noir de plus de deux jours, pendant laquelle François Gabart et Pascal Bidégorry se sont débattus dans du petit temps, le trimaran MACIF a retrouvé un régime d’alizés qui lui a permis d’accélérer de nouveau. Cerise sur le gâteau, c’est avec un pécule d’avance qui n’a cessé de grossir par rapport à Sodebo Ultim’ que le duo, en tête de la Transat Jacques Vabre, est ressorti de la zone de convergence intertropicale. Les deux skippers s’attaquent désormais à un long bord de près de 2 000 milles vers Itajai, concentrés sur la vitesse du trimaran et déterminés à puiser dans leurs ressources pour conserver leur première place.

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Du côté de Sodebo, Jean-Luc Nélias à bord de Sodebo Ultim’ n’est pas du genre à cacher ses émotions : « Il y a beaucoup de frustration quand on regarde les classements, mais c’est quand même une superbe aventure, la bataille qu’on livre avec MACIF est super sympa, notre métier est finalement super chouette. » Ce marin ultra-expérimenté sait de quoi il parle. Il reste 1 600 milles à courir devant les étraves, les dépressions de l’Atlantique Sud sont parfois piégeuses, et l’envie d’y croire et d’arriver en tête à Itajaí est plus forte. Alors, on ne se laisse pas abattre et on croche dedans !

« C’est un peu ambiance shaker. On marche à 24-25 nœuds assez près du vent. On fait des sauts de vagues. Il reste encore un peu de tout droit jusqu’à Salvador de Bahia avec du portant et des empannages, un front froid au Cabo Frio. Est-ce qu’on passe à la côte ou au large ? Il y aura des options, des opportunités d’attaque, il ne faut pas lâcher. Il reste pas mal de milles, un peu moins de 2000. Sur une course de 600 milles, il peut se passer des choses. On reste combatifs, même s’il reste 2 bateaux à courir dans la classe, il faut être le premier. Le Pot au Noir était très énervant, nous n’avons pas eu une goutte de pluie ni de vent, nous avons mis 36 heures à nous en extirper. Il y a une part de réussite à la sortie du Cap Vert pour l’entrée dans le Pot au Noir.”

Un Pot-au-noir au ralenti
C’est peu de dire que François Gabart et Pascal Bidégorry ont dû pousser un gros « ouf » de soulagement lundi soir, lorsque le souffle de l’alizé de sud-est a recommencé à gonfler les voiles du trimaran MACIF. Parce que les deux hommes ont eu le droit à un Pot-au-noir stressant et assez spécial, à en croire le premier. « Je ne l’ai pas traversé énormément de fois dans ma vie, je suis encore un jeune loup chez les marins, mais celui-là a été particulièrement dur. D’habitude, dans cette zone, on se retrouve confronté à des vents faibles et à de gros orages qui génèrent des vents violents et soudains. Là, nous avons eu le droit à l’option pas de vent du tout ! Du coup, nous nous sommes sans cesse battus dans le petit temps. » Un exercice usant physiquement, car il faut beaucoup manœuvrer pour essayer de tirer profit du moindre souffle, mais surtout mentalement : « C’est profondément stressant de rester des heures et des heures au même endroit à se battre pour faire avancer le bateau de quelques mètres, confirme François. Parfois, le vent tourne dans tous les sens, tu perds complètement tes repères, tu ne sais plus où sont le nord et le sud ! » Reste qu’après plus de deux jours à scruter risées et nuages – « un temps exceptionnellement long » aux dires du skipper -, les deux marins ont réussi à trouver la porte de sortie en fin de journée lundi, non mécontents finalement d’avoir évité les grosses rafales orageuses qui, dans le Pot-au-noir, peuvent provoquer dégâts et chavirage, particulièrement en multicoque.

Pour l’heure, nos deux skippers poursuivent leurs efforts pour prendre la poudre d’escampette. Profitant notamment d’un angle favorable dans l’alizé qui leur permet de toucher en premier l’augmentation du vent et sa rotation au fur et à mesure qu’il contourne l’anticyclone de Sainte-Hélène, MACIF affiche ainsi depuis hier matin des vitesses constamment supérieures à Sodebo.  

Mais vigilance et concentration restent de rigueur à bord sur cette fin de parcours pour ne pas commettre d’erreur car les dépressions de l’Atlantique Sud peuvent encore être piégeuses et, à ne pas s’y tromper, il leur reste encore près de 1500 milles soit près de 3 jours de mer à parcourir jusqu’à Itajai.

 

MACIF aux avant-postes
L’autre gros motif de satisfaction tient au fait que le trimaran MACIF est sorti du Pot-au-noir en tête de la Transat Jacques Vabre et n’a eu de cesse depuis d’accroître son avance sur Sodebo Ultim’ (de l’ordre de près de 80 milles mardi matin), grâce à un précieux petit décalage à l’est. « Au niveau stratégique, nous savions que si nous sortions un peu plus à l’est, nous bénéficierions d’un angle favorable dans l’alizé, parce que le vent allait adonner progressivement (passer de sud-est à est). C’est ce qui se passe en ce moment : depuis hier soir, nous avons quasiment la même trajectoire que Sodebo, mais nous allons toujours un peu plus vite. » Forcément, l’humeur s’en ressent à bord : « Nous sommes évidemment super contents d’être là et nous allons essayer de tenir cette avance jusqu’au bout. La course est encore longue, même si c’est très positif d’arriver dans l’hémisphère Sud avec ce pécule d’avance. »

« La trajectoire est relativement droite, il n’y a pas de danger énorme et a priori très peu de manœuvres à faire, si ce n’est d’éventuelles prises de ris (réduction de la grand-voile, ndlr). Notre principale contrainte va consister à gérer la vitesse et à ajuster les réglages en fonction des petites oscillations du vent. » « Nous sommes en tête et c’est évident que nous avons envie de le rester, mais nous allons garder le même niveau d’exigence en termes de sécurité et de contrôle sur le bateau. S’il y a des pourcentages de performance à gratter pour jouer la victoire, ce sera au fond de nous-mêmes, mais pas au détriment du trimaran MACIF, nous ne transigerons pas sur le degré de sécurité », souligne avec force François. Bref, « continuer à naviguer propre », ce qui a jusqu’ici plutôt bien réussi aux deux compères…