L’attente aura été longue mais la flotte des IMOCA va enfin s’élancer sur cette Transat Jacques Vabre. Le départ aura lieu ce mardi à 9h30 du Havre. Avec 25 noeuds de vent prévu, les conditions seront toniques mais maniables et devraient livrer de superbes images retransmises en direct entre la ligne de départ et une bouée spectacle à laisser à tribord, distante de 4 milles sur la route du Cotentin.
Les marins ont hâte d’en découdre et il va leur falloir se mettre dans le bain très vite. Moins de 24 heures après le départ, un premier front, bref mais actif, les attend en sortie de Manche… Les IMOCA partent pour 3765 milles vers Fort de France, un trajet que les premiers pourraient boucler en une petite douzaine de jours. Qu’importe le nombre de milles revu à la baisse, « le soufflet n’est pas retombé et notre envie de régater intacte » répondait Thomas Ruyant, tenant du titre qui s’aligne pour la deuxième fois avec Morgan Lagravière sur leur nouveau For People. Demain, les conditions seront réunies pour que le départ soit “magnifique”. « Nous nous apprêtons à vivre une expérience inédite », déclare le tenant du titre. « Quarante IMOCA au départ d’une course, c’est une grande première. Morgan (Lagravière) et moi sommes heureux d’en faire partie. Nous avons hâte d’être sur l’eau et de régater. Nous allons avoir deux jours de conditions dépressionnaires, un départ hivernal classique de transatlantique depuis Le Havre. La route n’est pas forcément simple avec différentes options qui se dessinent. Même si nous laissons les Açores à tribord, nous pourrions avoir un choix important à faire entre une trajectoire nord ou sud… Cela s’annonce comme une course intense. Tout le monde s’accorde à dire que les deux premiers jours seront éprouvants. Les duos navigueront au près en arrière d’un front, avant de descendre rapidement vers le cap Finisterre, voire plus à l’ouest, en fonction de l’évolution des prévisions », ajoute-t-il.
Le président de l’IMOCA, Antoine Mermod, ajoute. « Pour être honnête, il ne s’agit pas seulement d’un plateau historique, mais de l’entrée en compétition de 80 marins de haut niveau – dont pas moins de neuf équipages mixtes – et aussi de projets très forts. »
A l’image de ce binôme de favoris, tous les IMOCA ont des fourmis dans les foils, ou les dérives c’est selon. « Cette semaine d’attente a été interminable ! (…) Une période particulière où tu restes à la maison à surveiller la météo sans vraiment profiter du quotidien. L’échéance approche, donc il ne faut pas se blesser, pas faire la fête,… » confiait ce matin Martin Le Pape qui a visiblement hâte de découvrir ce que le nouveau STAND AS ONE a dans le ventre. Le plan David Raison qu’il mène aux côtés d’Eric Bellion essaiera de suivre le tempo imprimé par les meilleurs IMOCA à foils, lui qui a fait le choix de s’en passer en misant sur la légèreté et sa carène de scow.
Le premier verdict tombera assez vite aux allures de puissance car dès la sortie de la baie de Seine et le contournement du Cotentin, une brise d’Ouest de 20-25 noeuds attend les IMOCA qui vont devoir louvoyer en Manche « Le départ sera tonique dans un flux d’ouest perturbé avec pas mal de petits grains et des rafales à 30 noeuds assure Julien Villion, co-équipier de Justine Mettraux sur Teamwork, réputé fin stratège. « Dans la journée de mardi déjà, on a deux rotations de vent à jouer, un coup à droite, un coup à gauche pour se placer vers Ouessant à l’arrivée d’un premier front assez costaud ». L’épisode sera bref mais promet 35 noeuds sur les champs de vent avec des claques à plus de 40… De quoi faire un premier tri dans les ambitions de chacun alors que la bascule sur son arrière sonne comme un premier sésame pour gagner au Sud. « On est chauds mais concentrés car le début ne va pas être très funky ! » confirme Clarisse Crémer qui étudie les routages en compagnie d’Alan Roberts dans la salle de presse ouverte ce matin au Carré des Docks du Havre. « Ces premières 48 heures, ce n’est pas ce que tu viens chercher sur une transat mais il faut en passer par ces moments pour avoir le droit de jouer dans des conditions plus sympas ensuite ! » ajoutait la navigatrice qui fait partie des outsiders pour le podium sur son Occitane en Provence, l’ex-Apvia de Charlie Dalin.
Si la route vers Fort de France est longue, le rythme imprimé dans les premiers milles à la rencontre du front sera encore une fois décisif pour la suite. Les leaders devraient attaquer le front au petit matin de mercredi, en plein contournement de la Bretagne avec le DST d’Ouessant à laisser à bâbord ou tribord pour pimenter encore un peu le jeu… Ce n’est qu’ensuite que la flotte pourrait se séparer en deux groupes. Les plus hardis ou ceux qui veulent minimiser la route à parcourir -c e qui pourrait être le cas de plusieurs bateaux à dérive -, opteront sans doute pour une trajectoire assez directe en laissant néanmoins Santa Maria à tribord comme l’exigent les Instructions de course. Ceux qui veulent préserver leur monture ou pensent tout simplement que la route le long du Portugal passant sous les hautes pressions est la bonne, ouvriront plus tôt les écoutes.
Tonique et tactique cette Route du Café, c’est bien le menu que sont venus chercher les 40 IMOCA. Pour avoir les idées claires demain matin, il ne faudra pas trainer en ville ce soir. Car dès 4 heures, le bal des départs dans le bassin Paul Vatine sera ouvert. Certains skippers ont déjà prévu de ne rejoindre leur bord qu’une fois le bateau sorti des écluses, avec deux heures de sommeil en plus à la clef. Ce qui est pris n’est plus à prendre…