Les 36 binômes encore en lice en Class40 ont encore plus de 1 500 milles à parcourir. La flotte des Class40 aura connu une course très différente de celle des trois autres classes engagées (ULTIM, Ocean Fifty et IMOCA). Elle a d’abord dû faire escale à La Corogne pour éviter le cœur de la dépression, avant de reprendre la mer et d’entrer dans une phase de choix stratégiques déterminants. Il s’agit d’ailleurs de la seule catégorie où une option tactique majeure a scindé la flotte en deux : l’une au nord, l’autre au sud, de part et d’autre d’une dorsale anticyclonique.
Edgard Vincens (Phare 40 – Ha Plus PME) rappelle les enjeux de cette séparation stratégique, désormais en place depuis quatre jours : « La route nord est plus courte, mais plus risquée car elle impose de traverser une dorsale anticyclonique. La route sud permet d’aller chercher les alizés, sauf qu’ils ne sont pas bien établis. Cela rallonge la distance, mais c’est moins casse-bateau, on navigue au portant, et c’est plus rapide. »
Au nord, Corentin Douguet et Axel Tréhin (SNSM – Faites un don) mènent la flotte et tentent de se frayer un passage de plus en plus sinueux à travers la dorsale, avançant à une dizaine de nœuds pour franchir 200 milles. Ils entraînent dans leur sillage six autres bateaux, dont celui de Michel Desjoyeaux à bord de TrimControl.
Au sud, Guillaume Pirouelle et Cédric Château (Seafrigo-Sogestran), accompagnés d’une dizaine d’équipages, n’ont plus de questions à se poser : cap droit devant, tout schuss dans les alizés vers la Martinique. Ils accusent 290 milles de retard sur les nordistes, mais cet écart devrait rapidement se résorber dans les prochains jours. Reste à savoir qui aura fait le bon choix.
Lomano Takasi et Jean Marre (Réauté Chocolat) ont eux aussi opté pour le sud. « Nous avons lancé le projet tardivement, on n’a eu que deux mois de préparation et là, c’est la première journée où je ne sors pas la caisse à outils », confie Lomano. Dans de telles circonstances, hors de question de prendre des risques et de filer au nord. « On savait bien un moment qu’on allait payer notre manque de préparation mais l’essentiel, c’est de continuer la course et de ne pas prendre trop de risques ».
Tous poursuivent donc leur route avec les petites joies qui vont avec. Les sudistes peuvent ainsi profiter d’un mercure de plus en plus élevé et ça fait du bien. « On peut enlever nos bottes, nos pantalons de ciré et sortir les tee-shirts et la crème solaire, sourit Edgard Vincent. C’est comme si c’était une nouvelle course qui débute ». Désormais, place au portant avec la volonté de toujours « préserver le matériel » et « prendre le maximum de plaisir ».
« On sent qu’on se déconnecte vraiment de la terre »
Chez les amateurs comme les professionnels revient en effet l’idée que cette aventure se doit d’être vécu à fond et qu’il est important de l’accepter comme telle, avec ses péripéties et ses incertitudes. « Même si la route sud est technique, la vie à bord est plus agréable, ça cogne moins et il fait moins froid, sourit Jean-Yves Aglae. On ne va pas se plaindre de là où on est, on a signé pour ça ! »
Au large, malgré la rudesse des conditions et la répétition des efforts, le plaisir est partout. Il est dans les messages de soutiens reçus quotidiennement à bord de Martinique Horizon, le banc de thons aperçu depuis le pont de Réauté Chocolat, les « conditions magiques » ressenties sur #Empower. Les marins de Phare 4 – Ha Plus PME, eux, s’offrent des « petites célébrations » (chocolat, saucisson) à chaque petite victoire. « Ce qui est génial, c’est qu’on sent qu’on se déconnecte vraiment de la terre » complète Pierre Brasseur (Inland Roots Ocean Soul)
Lomano Takasi va dans son sens. « Il faut relativiser, ne pas être focalisé sur le calendrier et nos jours d’arrivée, assure-t-il. Nous sommes au milieu de l’Atlantique, au soleil, on fait du sport, du bateau à voile. Il est important de réussir à s’émerveiller, d’apprécier que les couleurs sont différentes de la terre, d’apprécier qu’ici le bleu de la mer paraît encore plus bleu ». Ils ont encore neuf jours pour profiter pleinement de ce qui est bien plus qu’une course mais une aventure, une expérience qui restera gravée à jamais dans leurs mémoires.




















