L’ambiance des grands jours régnait à l’heure du déjeuner dominical sur les quais du port de Le Palais. Sous un soleil éclatant, entourés de leurs familles, de leurs partenaires, de leurs amis et soutenus par un public nombreux, les solitaires affrontaient le grand contraste des moments de départ. Plus vraiment terriens et pas encore tout à fait marins… Pour échapper à l’émotion, certains, à l’image du jeune François Gabart (Espoir Région Bretagne), compulsaient une dernière fois la météo quand d’autres plus expérimentés comme le tenant du titre Nicolas Troussel (Financo) ou encore le champion de France de Course au Large en Solitaire, Gildas Morvan (Cercle Vert), plaisantaient à l’envi et attendaient patiemment la « libération ». Les dernières attentions, les sourires et encouragements attrapés comme des porte-bonheur, ils larguaient un à un les amarres. Une lente et fière procession se mettait alors en ordre de marche pour gagner la sortie du port et la zone de départ située au pied de la citadelle Vauban. A la barre de leurs Figaro Bénéteau 2, les hommes devenaient marins et la perspective du rendez-vous avec le large et la solitude illuminait les visages.
A Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles) les honneurs de la bouée
Sur l’eau, un vent de secteur Est soufflant avec difficulté ses cinq nœuds promettait une partie serrée . Pour corser l’entrée en matière, le courant poussant les solitaires sur la ligne venait se mêler au tableau. A 14h52, le comité de course placé sous la présidence de Michel Vialet débutait la procédure de départ dans un vent erratique. Huit minutes plus tard, sous l’impulsion d’un coup de canon déclenché par Laurent Voulzy, la flotte s’élançait dans un flux mollissant et entamait sa lente progression vers la bouée de dégagement située à 1,2 mille dans l’Est de la ligne. En avance sur le rendez-vous, Erwan Tabarly (Athema) et Victor Jean-Noël (Pays Marie-Galante) se voyaient rappelés à l’ordre et réparaient leur départ anticipé. La flotte se scindait alors en deux groupes, le premier emmené par Thierry Chabagny, Nicolas Troussel ou Yannig Livory optant pour la gauche du plan d’eau, quand Gérald Véniard, Gildas Morvan, Armel Tripon (Gédimat) ou bien encore Isabelle Joschke (Synergie) allaient chercher leur « or » à droite. A quelques longueurs de la bouée de dégagement, une dernière bascule du vent à gauche faisait le jeu des partisans du premier camp. Adrien Hardy (Agir Recouvrement) paraissait alors le mieux placé pour rafler les honneurs du premier pointage, avant de perdre du terrain en s’apprêtant à laisser à bâbord une marque qui devait être contournée… à tribord. En lieu et place, c’est donc Thierry Chabagny qui passait en tête, devant Gérald Véniard et Armel Tripon.
Une première nuit de patience
La bouée de dégagement dans son sillage, la flotte faisait alors route au louvoyage vers la bouée des Galères à la pointe de Kerdonis. Si le skipper de Suzuki Automobiles gardait les commandes en allant chercher un peu plus de pression le long des côtes belliloises, derrière la concurrence s’organisait. Au vent du leader, Gérald Véniard observait un léger décalage quand Nicolas Troussel ou Adrien Hardy prenaient la voie du large. La valse des croisements s’engageait alors le long des côtes escarpées de l’île et offrait un spectacle laissant les observateurs partagés entre admiration et frayeurs. La moindre risée devenait une denrée plus que rare que chacun cherchait… en vain.
A l’heure où les derniers bateaux spectateurs s’engageaient sur la route du retour au port, Eole abandonnait la flotte. Il va falloir aux quatorze marins prendre leur mal en patience et c’est comme prévu sur un tempo alangui, voire même poussif, qu’ils vont composer la partition de leur première nuit de course. Chacun va maintenant se mettre en mode solitaire et trouver ses repères… en douceur. Belle-Île-en-Mer sera dans quelques heures dans leur sillage et c’est non sans une réelle émotion que les concurrents de la Transat BPE salueront une dernière fois le port qui les a accueillis à l’heure du coucher de soleil ce soir…
Le mot du jour : parcours côtier
Le parcours côtier qui inaugure la quasi-totalité des grandes courses océaniques est non seulement l’occasion pour le public et les amis des concurrents de suivre leur parcours depuis la terre ou une vedette à passagers. C’est aussi l’opportunité de jauger la concurrence et si possible, de marquer un grand coup vis à vis de ses adversaires potentiels. Le parcours côtier représente souvent moins de 0,1% de la course. Il est néanmoins souvent précieux psychologiquement.