Record battu pour François Gabart et son équipage. Le trimaran SVR Lazartigue parti ce samedi à 17h49 de Marseille a passé la ligne d’arrivée à Carthage en Tunisie après 13 h 55’ 37’’ de navigation soit à plus de 33,7 nœuds de moyenne. Il bat le record précédent de plus de 25 minutes détenu par Pascal Bidégorry sur le trimaran Banque Populaire établi en mai 2010.
« Je suis content et fier de ce joli premier record avec le trimaran, se réjouit le skipper. D’autant plus que ce n’était pas prévu. Il fallait saisir l’opportunité avec cette belle fenêtre. Ce n’était pas si évident car le bateau était encore en configuration « relations publiques » à Gênes deux jours avant et qu’il le sera d’ailleurs à nouveau ce dimanche, à Tunis. Je suis content d’avoir eu l’audace de tenter ça. On a tourné à trois à la barre avec Pascal, Antoine et moi, alors que Guillaume et Emilien étaient surtout aux réglages. On est quand même en navigation côtière ce qui est rare pour nos bateaux avec en plus, en Méditerranée, des effets côtiers qui peuvent être assez forts. Une heure avant notre départ, il y avait 40 nœuds de vent. Ce record est très court et rapide. Il ne faut pas se louper avec une mauvaise voile ou une manœuvre en trop. Ce n’est pas simple de partir à fond la caisse tout de suite dans du vent fort, on n’a pas de transition. Il y a pas mal de choses à gérer, ce n’est pas un record simple même s’il est largement améliorable avec nos bateaux. On peut toujours faire mieux mais pour une première on a bien navigué. J’espère qu’il marque le début d’une grande lignée. »
C’est une des belles histoires de la voile. Détenteur du record depuis 12 ans, Pascal Bidegorry était cette fois aux côtés de François Gabart à l’assaut de sa propre marque. « Je suis content, c’était vraiment sympa, confie-t-il. C’est toujours bien d’améliorer des records. Et puis 12 ans, ça commençait à suffire. Il était temps d’améliorer ce record. C’est un sentiment agréable. On a l’impression de traverser le temps et de voir qu’on n’est pas encore complètement ‘’carbo’’. »
À bord des deux bateaux « record », le marin est idéalement placé pour constater l’évolution de ces dernières années. « À l’époque nous avions pensé le bateau pour un tour du monde en équipage, se souvient Bidegorry. Nous n’avions pas non plus de pilote automatique. Aujourd’hui, nous sommes sur des bateaux cinq ou six tonnes plus légers. Avant ça restait du sport de combat, on était sur le pont, on en prenait plein la poire avec la grande barre à roue, les gros winches et 4 ou 5 mecs aux colonnes à tourner les manivelles pour régler le bateau en permanence. Aujourd’hui, c’est du pilotage complet, il faut corriger en permanence l’assiette du bateau, à se servir du pilote, à réguler sous les appendices pour faire voler le bateau. Ce sont des bateaux volants qui donnent parfois l’impression d’être davantage dans un cockpit d’avion que dans celui d’un bateau. On se sent super protégés. On a une vue à 360° malgré les voiles super basses. Je trouve ça super sympa. Les choses ont évolué mais dans le bon sens. Tout est devenu plus pointu. Aujourd’hui, naviguer sur ces bateaux, c’est du haut niveau dans l’utilisation. Tout se joue sur des petits détails avec de multiples datas qu’il faut optimiser pour stabiliser le vol du bateau dans son attitude sur l’eau et sa capacité à aller vite. C’est extraordinaire de voir cette évolution des bateaux. » Pascal Bidegorry va désormais rentrer en Bretagne « faire du bateau et saisir toutes les belles opportunités pour avoir un beau projet ».
Le Trimaran SVR-Lazartigue avait entamé début mai sa Tournée de la Méditerranée à la rencontre des collaborateurs du groupe KRESK et du grand public. Alors que l’équipe allait entamer le dernier convoyage de sa Tournée de Méditerranée entre Gênes et Tunis, une fenêtre météo favorable s’est ouverte pour tenter le record de la Méditerranée. Une opportunité que le skipper ne pouvait pas rater « Nous devons être à Tunis ce dimanche et il se trouve qu’un épisode de mistral se présente. On s’est donc dit qu’on irait chercher le vent à Marseille. Dans tous les cas, c’est un super bon entrainement de naviguer dans du vent fort au portant. En regardant les données on pense qu’on est capable de traverser dans des temps plutôt corrects, même jouer le record. Alors pourquoi ne pas tenter. Je sais qu’il n’est pas facile à battre, que ce soit en solitaire ou en équipage. En 2016 nous étions restés quasiment un mois en stand by à Marseille sans avoir de fenêtre, donc là je trouve cela assez génial de tenter quelque chose. Dans tous les cas on doit aller à Tunis, c’est prévu dans le programme, on va donc essayer d’y aller de la plus jolie des façons c’est à dire en poussant le bateau au maximum. »
Ils étaient 12 hommes dont Pascal Bidégorry en 2010, ils seront 5 sur cette tentative. Aux côtés de François Gabart, Pascal Bidégorry, le détenteur de ce record, considéré par ses pairs comme un des marins les plus talentueux de sa génération et réputé pour être l’un des plus habiles à exploiter au maximum le potentiel de ces bateaux volants. Antoine Gautier, directeur du bureau d’étude, collaborateur et équipier du skipper depuis plus de 10 ans, Emilien Lavigne, ingénieur du bureau d’étude, responsable électronique et informatique sur le Trimaran SVR Lazartigue et Guillaume Gatefait, le médiaman de l’équipe.

L’équipage est une belle union et en cohérence avec le programme initialement prévu précise le skipper du Trimaran SVR Lazartigue « Pascal et Antoine devaient arriver directement à Tunis dans le cadre de la Tournée de la Méditerranée. Je trouve ça chouette qu’il y ait cette opportunité et que Pascal soit avec nous pour essayer d’améliorer son propre temps, ça me fait super plaisir. On pourra aussi compter sur son expérience des records et ses qualités et capacités à faire avancer ce bateau. On ne peut pas rêver mieux comme compétences. ». Les trois autres membres ont acquis une belle expérience sur ce bateau depuis sa mise à l’eau au Printemps 2021 comme le rappelle François Gabart « Antoine Gautier connait très bien le bateau, il sait le régler et le barrer pour aller vite. Nous nous connaissons depuis longtemps et il a aussi de l’expérience avec Pascal. Emilien Lavigne fait partie des personnes qui connaissent extrêmement bien le trimaran, il était sur nos navigations de préparation de la Jacques Vabre. Nous sommes toujours contents d’avoir Émilien à bord car il est capable de réparer à peu près tout à bord. Notre mediaman Guillaume Gatefait sera aussi un naviguant avec comme mission numéro 1 de faire des images mais il se trouve qu’il a pas mal navigué sur le Trimaran SVR Lazartigue depuis sa mise à l’eau, il est très à l’aise et est en pleine forme, il nous aidera sur les manoeuvres ».
Tous sont unanimes, ce record va être difficile à battre et le marin basque, qui se réjouit d’essayer de battre son propre record, ne cache pas la difficulté de la tâche : « Ça fait 12 ans et il est temps ! si on peut améliorer l’histoire et si je peux le faire avec François je m’en réjouis mais ce n’est pas gagné et ça va être intense ! Les 3, 4 premières heures devraient être difficiles avec du vent fort et une mer très courte. »Les critères pour tenter le record semblent être réunis pour réaliser une belle diagonale entre Marseille et Carthage : un vent orienté nord-ouest, constant jusqu’à Tunis et une mer pas trop chaotique. François Gabart précise que si les conditions sont favorables il reste toutefois des incertitudes « Généralement le vent mollit au niveau de la Sardaigne et il est rare d’avoir un épisode comme celui là où on a du vent jusqu’au Carthage. On va avoir une mer formée sur les prochaines heures de course et les conditions ne sont pas très fortes au large de la Sardaigne, c’est une élément qui pourrait nous ralentir mais le flux de vent assez fort jusqu’à Tunis, au moins jusqu’au Cap Farina, qui ferme la baie de Carthage, est vraiment favorable à cette tentative.»
François Gabart et ses quatre hommes d’équipage ne cachent pas leur excitation « C’est inespéré d’avoir ces conditions, nous devons saisir cette opportunité. C’est la première fois que je participe à une tentative de record. Je navigue avec François depuis un bout de temps. J’ai été équipier de Pascal par le passé. Je sais qu’il est aussi très content de tenter de battre son propre record et pour lui, quoiqu’il arrive, il sera toujours détenteur du record demain.. » s’amuse à dire Antoine Gautier, directeur du bureau d’étude présent à bord du Trimaran SVR Lazartigue. Cette tentative est aussi une jolie manière de terminer cette Tournée de la Méditerranée comme l’explique François Gabart : « Nous sommes partis il y a quasiment un mois et avons fait plusieurs convoyages en équipage. C’est sympa de finir cet épisode de la plus belle des façons avec un run de vitesse. Je ne sais pas si il y aura un record ou pas, mais dans tous les cas il y aura quelques heures de navigation à hautes vitesses et ça c’est très intéressant avant de basculer sur une préparation spécifique Route du Rhum sur le convoyage retour, de Tunis à Concarneau, où là je serai tout en solo. Cette tentative est aussi une belle façon de pousser le bateau au maximum. Nous ne sommes pas vraiment préparés pour ce record. Il y a seulement 4 jours on s’est dit pourquoi ne pas le tenter. On a un bateau magnifique avec un grand potentiel et je suis intimement convaincu que ce bateau peut gagner des courses et battre des records dans les années qui viennent dont le magnifique record du Trophée Jules Vernes, le tour du monde le plus rapide à la voile. De tous les records, le record de la Méditerranée est le plus court. C’est super chouette d’avoir cette fenêtre météo et de commencer par celui-là. Je suis aussi fasciné par l’idée de rallier les deux continents l’Europe à l’Afrique le plus rapidement possible à la voile. Nous sommes venus en Méditerranée pour partager le Trimaran SVR Lazartigue avec les collaborateurs du groupe KRESK, quoi de mieux pour célébrer tout cela qu’une tentative de record entre Marseille et Carthage. »