Pour Bernard Stamm, les mauvaises nouvelles succèdent aux bonnes. Avec une très mince réserve de carburant et sans énergie alternative, Bernard est sous la menace, à terme, d’une panne totale d’électricité, une situation rédhibitoire pour poursuivre les 7900 milles qui lui reste à parcourir jusqu’aux Sables d’Olonne, car il serait alors notamment privé de pilote automatique. Cet après-midi, Stamm est à 850 milles du cap Horn, soit un peu moins de 3 jours de navigation. Plusieurs solutions pourraient être envisagées : passer le Horn, se mettre à l’abri dans une anse et se faire livrer du gasoil ou aller jusqu’à Ushuaia, avec encore 140 milles à parcourir après la pointe de l’Amérique du Sud.
2200 milles devant Cheminées Poujoulat, les quatre hommes de l’Atlantique, naviguent face au vent. Dans le sud-est de Buenos Aires, François Gabart (MACIF) et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) sont pris en sandwich entre un anticyclone et une dépression. Entre les deux, un couloir de vent de nord-ouest qui va basculer au nord-est et fraîchir dans la journée pour devenir carrément virulent dans les grains (rafales à 40 nœuds). La mer, de face, sera forte à très forte. Ça va secouer dur à bord des 60 pieds. Pour l’instant, les deux hommes semblent s’accorder sur l’itinéraire à suivre dans ce méandre de hautes et de basses pressions qui impose quelques virements de bord. « Je ne serais pas étonné que nos routes convergent dans trois ou quatre jours » prévenait François.
Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) navigue dans le même système météo, mais avec des effets à retardement dus à son écart avec les leaders. Grâce à des conditions plus favorables juste après le passage du Horn, le skipper du bateau bleu a refait une partie de son retard, « à la force du poignet ». Aujourd’hui, « Jipé » n’est plus qu’à 226 milles du duo de tête. Soit une demi-journée de navigation. Pas grand-chose à l’échelle des 10 700 kilomètres qui restent à parcourir. Le trio va t-il se reconstituer au passage de l’Equateur ?
Un Pacifique belliqueux
Pour les hommes du Pacifique, c’est la guerre. L’image envoyée hier par Arnaud Boissières, donne une idée du décor qui les entoure : un ciel noir en plein jour, coiffant de grosses vagues bleu argenté hérissées de crêtes blanches : beau et effrayant à la fois. Le vent et la mer ne mollissent pas sur la route du Horn où les bateaux encaissent la mitraille incessante des grains.
A l’aube, au sortir de sa sieste, Mike Golding s’est précipité en petite tenue sur le pont de Gamesa pour reprendre le contrôle de la situation : le bateau s’est couché dans une rafale à 42 nœuds. Le marin britannique en est revenu trempé et glacé. Ces conditions n’empêchent pas le groupe des 5 de se livrer un combat sans merci. Après avoir croqué deux concurrents en 72 heures, Bernard Stamm a son compatriote Dominique Wavre (Mirabaud) dans le viseur (15 milles). Quant à Arnaud Boissières (AKENA Vérandas), il vient tout juste de doubler Javier Sanso (Acciona 100% Ecopowered). Ce groupe devrait franchir le cap Horn en l’espace de 20 heures à partir de mardi matin. Soit peu de temps après SynerCiel.
A une journée de navigation de la Terre de Feu, Jean Le Cam enchaîne les empannages (en réalité, expliquait-il, il vire pour passer d’une amure à l’autre). Cette nuit, il s’est rapproché du centre de la dépression qui l’accompagne et le vent s’est un peu essoufflé. Du coup, il a perdu du terrain sur Golding et sa clique, mais qu’importe. Cette relative accalmie lui a permis de dormir, dormir. A quoi rêve t-il ? « d’un bon steak frite, sauce roquefort ! ».
Ils ont dit
François Gabart (MACIF) : « On peut rapidement comprendre que c’est plus facile de descendre avec le vent que de remonter avec. Quand on est au près, on est face aux vagues et au vent. Ça penche, c’est compliqué. On navigue un peu contre nature. On doit être attentif car les changements de voiles sont assez fréquents et il faut anticiper au maximum. Je sais quelle route j’ai choisi mais je ne connais pas celle d’Armel. Je pense que nos routes vont converger dans 3-4 jours. »
Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec 3) : « Les conditions : c’est le calme avant la tempête. Il y a 20 nœuds et des bonnes vagues. Une brume très tenace, on ne voit pas à plus de 200m. On a une dépression qui arrive vers nous. C’est bien d’être revenu. C’est un peu à la force du poignet. Je ne serai peut-être pas devant à l’Equateur mais je veux être le plus près possible. Il faut grignoter doucement et jouer sa carte jusqu’au bout. L’arrivée dans l’Atlantique, c’est comme une nouvelle course pour moi, notamment par rapport au sud. »
Jean Le Cam (SynerCiel) : « En ce moment, le temps est instable. Cette nuit, on a pris 42 nœuds. Une soirée un peu mouvementée, on va dire, et j’ai dû empanner. Ça demande beaucoup d’organisation et en plus, je pense qu’il va y avoir pas mal d’empannages jusqu’au cap Horn. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 5747.1 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 43.7 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 226.0 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 617.8 nm
5 Jean Le Cam SynerCiel à 1777.9 nm
6 Mike Golding Gamesa à 2101.2 nm
7 Dominique Wavre Mirabaud à 2167.7 nm
8 Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 2182.3 nm
9 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2314.0 nm
10 Javier Sanso Acciona à 2323.7 nm