Photos satellites et connaissances météorologiques ont beau faire des progrès, le pot au noir reste – et restera – une zone imprévisible où les éléments n’en font qu’à leur tête. Il suffit d’écouter les marins qui viennent de traverser cette zone de convergence intertropicale pour s’en rendre compte. A quelques milles près, les duos Jourdain-MacArthur (Sill et Veolia) et Le Cam-de Pavant (Bonduelle) n’ont pas eu du tout les mêmes conditions. « La nuit a été spécialement dure » avouait Roland Jourdain. « On a eu une ligne de grains et nous n’avons pas fait la meilleure opération de la nuit. On n’a pas une super pêche ce matin. » Autre son de cloche sur Bonduelle qui a repris plus de 50 milles sur les deux leaders en moins d’une journée. « Nous avons eu une nuit assez magique, à slalomer entre les nuages » se réjouissait Kito de Pavant. « On ne s’est jamais arrêtés, toujours à plus de 15 nœuds. »Le tandem leader, Jean-Pierre Dick-Loïck Peyron (Virbac-Paprec) s’en est également bien sorti puisque son avance sur Sill et Veolia est passée de 3,3 à 19 milles en moins de 24 heures. A moins de quatre jours de l’arrivée, Dick et Peyron ont repris l’avantage au bon moment. Une fois le pot au noir oublié, une course de vitesse sans grandes options tactiques va s’engager pour la victoire. Cette dernière nuit dans le pot pourrait bien leur avoir donné un petit avantage. Le pot au noir a également permis un fort resserrement chez les trois monocoques 60 lancés à la poursuite du trio de tête. Ecover (Golding-Wavre), Skandia (Thompson-Oxley) et Pro-Form (Thiercelin-Drouglazet) se tenaient en moins de 9 milles, ce mardi après-midi.
Pas à pas dans le Pot
« C’est bon signe ! Il y a une belle lune mais c’est toujours et encore très nuageux. Ce qui n’est pas pour nous déplaire car il fait moins chaud et ça évite les brûlures du soleil à midi… La brise est plus stable et nous naviguons avec un ris dans la grand voile. Le bateau est nickel et prêt à affronter les alizés de Sud Est que nous pourrions toucher en soirée ce lundi. Nous nous sommes recalés un peu plus à l’Est pour surveiller Géant et contrôler Gitana 11. » indiquait Lionel Lemonchois (Banque Populaire) à la vacation de 5h00. De fait, le différentiel acquis par le leader à l’entrée d’un Pot au Noir situé assez Nord, se retrouve quasiment identique ce lundi matin. Reste maintenant à sortir des tentacules de cette alternance de calmes et de bouffées d’air au plus vite et le plus près possible de l’Afrique pour entamer le long bord de près contre le vent vers l’île d’Ascension en position favorable. Pour les monocoques, le Pot au Noir est bientôt en vue. Certes, il s’annonce comme nettement moins hétérogène que pour les trimarans et sur le 27-28° Ouest, la transition entre les deux hémisphères devrait se faire plus sereinement. Mais cette zone peut se caractériser autant par un seul gros grain de quelques heures, ou par un long stop dans les calmes qui perdurent une journée… C’est un peu l’inquiétude d’un des deux leaders, puisque Virbac-Paprec et Sill & Veolia étaient pointés ce lundi à 4h00 à égalité de distance de Bahia, avec juste un décalage Est-Ouest de vingt milles ! Après huit jours et demi de course… « Bonne nouvelle : le vent s’est installé par le travers d’une dizaine de nœuds. Le Pot s’annonce étroit mais on ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé… Ici, c’est humide et très chaud. Pour l’instant, notre stratégie porte ses fruits : nous avons suivi une belle courbe depuis le Portugal mais tactiquement avec Sill, ce Pot au Noir peut redistribuer les cartes selon qu’on s’en sort plus ou moins vite sous un orage… » précisait Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) à la radio. Le ralentissement par devant profite aux poursuivants puisque Bonduelle a réduit son écart à 80 milles. Mais cette compression par l’avant est logique et si les leaders ne tamponnent pas trop longtemps dans les calmes, les écarts à l’équateur retrouveront leur différentiel du Cap Vert. Un archipel que Roxy a choisi de traverser pour se démarquer : « Il fait chaud et gris. Il pleut même ! La mer est plus calme et le pilote peut prendre le relais pour qu’on puisse récupérer de cette semaine musclée… » confirmait Anne Liardet (Roxy). Enfin, du côté des 50 pieds, pas de changement : le trimaran Crêpes Whaou ! a toujours plus de 800 milles d’avance sur Jean Stalaven alors que le monocoque Gryphon Solo augmente son avance sur Vedettes de Bréhat qui a eu un peu de mal à s’extirper des Canaries… En tout cas, l’arrivée à Salvador de Bahia est désormais envisagée dès samedi matin et ce sont probablement les monocoques Imoca qui seront les premiers dans le port brésilien.
Strike !
Torben Grael est désormais en tête de la flotte des VO-70 après 36 heures de course. Mais ce, parce que le voilier brésilien est plus décalé dans le Sud alors que Sébastien Josse a nettement plus gagné dans l’Ouest dans une brise forte de plus de trente nœuds qui a fait des dégâts. Au milieu de la nuit, Paul Cayard faisait savoir au PC Course que Pirates des Caraïbes avait des problèmes d’hydraulique de quille. L’équipage, battant pavillon américain fait actuellement route sur Cascaïs (Portugal) pour réparer dans une brise montant à plus de quarante nœuds…Quelques heures plus tard, c’était au tour d’un autre favori, Movistar de prévenir le PC en Angleterre qu’il connaissait également des problèmes de quille. Le V0-70 battant pavillon espagnol fait actuellement route vers Cadix (Espagne) pour faire un point sur la gravité de l’avarie. Mike Sanderson envoyait un e-mail du bord de ABN AMRO One : « Dans une rafale à 40 noeuds, cette nuit, notre bateau est parti à l’abatée. Alors que le vent montait encore en puissance, nous avons réalisé que notre système de barre avait plus souffert de ce choc que nous le pensions. Le bras de safran bâbord, qui est en fait le lien entre la mèche de safran et le système de barre a été cassé, ce qui nous enlève tout moyen de contrôler le safran bâbord. Nous avons réussi à mettre en place notre safran de secours et avons retrouvé maintenant 90% de notre vitesse.» L’incident est donc clos.Pendant ce temps là, sur le petit poucet de la course, ABN AMRO Two, Sébastien Josse à la barre caracolait en tête après avoir passé sans dommage majeur, la mauvaise passe de la première nuit. Outre l’expérience de Sébastien et des trois autres jeunes professionnels du bord, (Simon Fisher: GB – 27 ans, Nick Bice: Australie – 27 ans, Scott Beavis: NZ – 24 ans), ABN AMRO Two qui a été mis à l’eau en janvier 2005, a largement pu être testé et mis au point, ce qui n’est pas le cas des autres VO-70 de cette flotte. Si le bateau n’a donc pas bénéficié des dernières trouvailles pour optimiser le dessin de Juan Koujioumjian, comme c’est le cas pour ABN AMRO One, il a profité de six mois de mises au point supplémentaires. Sébastien Josse et son équipage avait couvert 504 milles pendant les premières 24h de course. Il leur a manqué juste 26 milles pour battre le record des 24h détenu par Movistar… « Pas de période d’adaptation. La transition entre la sortie de la baie de Vigo et le large avec un vent qui se situe entre 25 et 30 noeuds s’est faite en quelques minutes. Sur le pont, les harnais et les casques sont déjà de sortie. La vitesse du bateau oscille entre 20 et 25 noeuds, il fait très très humide là-haut. Je suis maintenant de repos avec Dave, Brad et Justin. Justin et Brad sont dans les bannettes avec pantalon de cirés et bottes, Dave est allongé sur une voile derrière moi avec la tenue complète. Nous nous efforçons de garder notre poids le plus possible vers l’arrière du bateau car l’étrave enfourne régulièrement. Nous ne pouvions espérer meilleures conditions, directement dans le vif du sujet. Nous souffrons dans les petits airs, mais il semblerait bien que notre aisance dans la brise se confirme. Il faut l’espèrer car sinon nous nous serions mis le doigt dans l’oeil bien profond !!! Bon je vous laisse car ici ça secoue et taper sur ce clavier dont les touches se dérobent à chaque saut de vague demande une concentration intense et un peu de chance aussi !!! Je vais me reposer, les premières 48h vont être éprouvantes. » Sidney Gavignet sur ABN AMRO Two.Classement du lundi 14 novembre 2005 à 6h00 : 1-Brasil1 à 5727 milles de l’arrivée2-ABN AMRO Two à 1 mille3-ABN AMRO One à 6 milles4-Ericsson Racing Team à 14 milles5-Sunergy and Friends à 240 milles6-Movistar à 387 milles7-Pirates of Caibbean à 463 millesDBo. (Source ABN AMRO & Volvo Ocean Race)
Soldini : “on peut tenir une semaine”””
Les deux navigateurs italiens Giovanni Soldani et Vittorio Malingri ont néanmoins finalement décidé de déclencher leur balise pour demander assistance – ce dont se chargent en ce moment même le PC course et le CROSS Gris-Nez – mais indiquent que tout va bien. Joint à 14h15 par téléphone satellite, Giovanni Soldini revient sur les circonstances de l’accident.
« On marchait relativement vite au portant mais dans le chavirage, il y avait peut-être 30, 35 ou 40 nœuds, je ne sais pas, c’était sous un orage et je ne peux pas dire exactement. Vittorio (Malingri) dormait à l’intérieur. Je devais border le génois, alors j’ai enclenché le pilote automatique et c’est là que le vent est monté d’un seul coup. Le bateau a commencé à lofer et le pilote a « flippé » (mal fonctionné). J’ai tout choqué très vite et essayé de reprendre la barre mais c’était déjà un tout petit peu trop tard et donc voila… le bateau s’est levé et a chaviré. »
Au directeur de course Jean Maurel, qui lui indique que le Cross Gris Nez cherche déjà un navire pouvant aller leur porter assistance, mais que cela peut prendre un peu de temps, le skipper italien tient des propos extrêmement rassurants :
« Pas de problème, pas de problème, on est tranquilles… On peut rester là même une semaine ! Je vais juste économiser les batteries de mon Iridium (téléphone satellite, NDR). J’ai sorti la balise Argos (qui permet de positionner le bateau, NDR) et j’ai déclenché la balise Sarsat ».
Indemnes, les deux expérimentés navigateurs italiens (Giovanni Soldini a 39 ans et Vittorio Malingri, 44 ans) ne devraient pas avoir à supporter de conditions trop difficiles dans leur bateau à l’envers. Ils disposent d’une grande autonomie en vivres et de tout leur matériel de sécurité.
Source Pen Duick
Banque Populaire a repris la tête…
Le pot au noir a joué un vilain tour à la flotte des multicoques. Vers 5h du matin lundi, en fin de nuit et sous un orage, Giovanni Soldini (TIM Progetto Italia) n’a pas réussi à déconnecter son pilote automatique qui a visiblement mal fonctionné. Le trimaran italien s’est retourné à environ 440 milles dans le sud-ouest de Dakar, d’où l’équipe technique de TIM tente de mettre en place une opération de secours pour récupérer le bateau. Les deux skippers sont indemnes et ont finalement demandé à être évacués vers 13h en déclenchant leur balise Sarsat. Joint par le PC Course, Giovanni Soldini a tout de suite rassuré : « pas de problème, on est tranquilles ; on peut même tenir une semaine. » C’est le quatrième chavirage et le sixième abandon sur les dix trimarans au départ.
Pendant ce temps, le duo Pascal Bidégorry-Lionel Lemonchois (Banque Populaire) a repris les commandes de la course, subtilisées pendant quelques heures dimanche par Fred Le Peutrec et Yann Guichard sur Gitana 11. A 900 milles de l’île de l’Ascension et plus de 2200 milles de l’arrivée, rien n’est encore joué entre les trois premiers multicoques qui se tiennent en 47 milles avec des options différentes. Le décalage de Gitana 11 à 60 milles dans l’est de Banque Populaire n’est pas de nature à rassurer le leader actuel, Pascal Bidégorry, qui avoue : « si les modèles étaient fiables, cela ne m’inquiéterait pas trop… Mais je pense qu’ils vont avoir une zone de transition délicate cette nuit. » Deuxièmes à 37 milles de Banque Populaire, Michel Desjoyeaux et Hugues Destremau (Géant) attendent en embuscade qu’une opportunité se présente. Pour les deux hommes de Gitana X, Thierry Duprey du Vorsent et Erwan Le Roux, relégués à plus de 600 milles suite à leurs deux escales, la course consiste désormais à rejoindre Bahia sans dommage.
Histoires de Pot
Changement de décor pour les trimarans Orma : les vitesses ont sensiblement faibli, le vent est passé au secteur Est, les deux leaders ont enchaîné deux empannages dans la nuit pour se contrôler. « On s’est recalé un peu dans l’Ouest pour attaquer Banque Populaire. Les conditions sont plus paisibles et on commence à sécher, on a enlevé les polaires et les cirés. Il semble que le Pot au Noir soit assez haut pour nous sur le 20° Ouest alors que les monocoques ne vont quasiment pas le sentir… » indiquait Michel Desjoyeaux (Géant) à la vacation de 5h00. « « Depuis l’archipel du Cap Vert, le vent mollit progressivement. Le ciel est toujours plombé, gris, couvert depuis les Canaries mais on peut enfin dormir et se refaire une santé : bientôt la douche sous les grains ! Nous avons fait deux empannages pour se recaler devant la trajectoire de Géant. Maintenant, il faut le surveiller en permanence. » précisait Lionel Lemonchois (Banque Populaire).
Josse en tête
C’est devant plus de 150 000 spectateurs massés sur les quais et sur quelques 1 500 bateaux que les sept concurrents se sont élancés, sous spi, pour un petit parcours en baie avant de partir vers le large. Pirates des Caraïbes et Movistar s’offraient un léger avantage tactique sur la ligne, mais étaient vite rejoints par Ericsson, suivi des deux ABN AMRO. Pendant tout ce parcours en baie, les hautes collines qui encerclent la baie de Vigo ont brouillé les effets de la faible brise de 8 à 9 nœuds qui soufflait au moment du départ, rendant un peu aléatoires les décisions des tacticiens. Le gros avantage de ce cas de figure météo, c’est d’avoir montré aux deux skippers du Team ABN AMRO que leurs puissants bateaux taillés pour le gros temps tiraient parfaitement leur épingle du jeu dans des conditions moyennement ventées.Moins d’une heure après le départ, alors que les équipages amorçaient leur descente sur la bouée de dégagement assaillie par des dizaines de bateaux spectateurs, des gros nuages noirs s’accumulaient au-dessus du Ria de Vigo. Avec l’arrivée de la pluie, le vent est soudain monté en puissance et les vitesses ont commencé à enfin se débrider. Après 1h 30 de course, Ericsson semblait solidement installé en tête de flotte, talonné par le concurrent espagnol Movistar, prêt à tout pour sauver l’honneur devant son public … et son roi. Vers 16h 30, alors que les sept concurrents laissaient derrière eux le Ria de Vigo, pour entrer en Atlantique, les conditions météo changeaient de braquet. Une forte brise de 25 nœuds venant du Nord et une mer agitée de creux de quatre mètres leur annonçaient la couleur sans ménagement. Devant leurs étraves, 6 400 milles (18 à 22 jours) de course poursuite entre Vigo et Cape Town, avec un point de passage au large du Brésil, l’île Fernando de Noronha. A noter que le Team australien qui portait jeudi soir encore le nom de Premier Challenge a annoncé le nom de son sponsor titre : Brunel Sunergy. Un grand soulagement pour les Australiens qui ont dû travailler dur pour mettre leur VO-70 aux couleurs de leur nouveau partenaire. Brunel Sunergy n’est pas un nom inconnu sur cette course puisqu’un VOR-60, première génération portait ses couleurs en 1997-1998.Sébastien Josse (ABN-AMRO Two) était ce dimanche matin en tête de la flotte qui avance à plus de vingt nœuds de moyenne dans une bonne brise de secteur Nord à Nord Est 25-30 nœuds. Et ces conditions devraient perdurer au moins jusqu’à lundi soir pour les sept bateaux. Classement du dimanche 13 novembre à 04h00 TU : 1 – ABN AMRO Two à 6127 milles de l’arrivée2 – Movistar à 1 mille3 – Pirates of the Caribbean à 8 milles4 – ABN AMRO One à 13 milles5 – Brasil-1 à 20 milles6 – Ericsson Racing Team à 28 milles7 – Brunel Sunergy à 98 millesDBo. (Source ABN-AMRO & Volvo Ocean Race)
Un Pot cible
Le Pot au Noir n’est pas une Arlésienne : il existe bel et bien mais il a ses humeurs. Un jour il s’étend jusqu’aux limites de l’arc caraïbe, un autre il se compresse sur les côtes guinéennes, une fois il monte jusqu’à la Gambie, une autre il prend ses aises sur plus de 600 milles de large et 1000 milles de long. En cône, en rond, en long, en large et en travers : le Pot au Noir est un phénomène fluctuant qui rend les prévisions météorologiques délicates, surtout qu’il y a peu de stations météo à l’alentour, que le trafic maritime est réduit et que la situation est très variable au fil des heures. Un casse-tête pour les routeurs… et pour les équipages qui le traverse. Aux temps anciens, quand les marins l’affrontaient pour aller transporter le « bois d’ébène », les esclaves du Ghana au Brésil, ils devenaient parfois fous : à cause de la chaleur, de ces calmes insoutenables et sans fin, de ces grains qui font le tour des points cardinaux, de ces bourrasques qui déchirent les voiles, de ces éclairs qui explosent les espars, du scorbut et de la déshydratation… Désormais, les voiliers ont suffisamment de toile pour avancer à plus de dix nœuds quand la brise ne dépasse pas huit nœuds et ce passage est, sinon toujours aussi éprouvant à franchir (chaleur = 45°C, humidité = 100%, variabilité du vent = 0 à 40 nœuds, incertitude de la sortie = entre 5° et 1° Nord…), nettement moins long à effectuer. Cette fois, du moins pour les leaders en monocoque Imoca et en trimaran Orma (car dans trois jours, la situation peut totalement changer), le Pot est cerné. Pot tout rond pour les tris, Pot chiche pour les monos. Le Pot de terre est fragile, inconstant, étendu… Le Pot au large est ridicule, presque inexistant ! Un Pot de chagrin… Pour les quatre trimarans, le Pot est une vaste masse de vents faibles et variables avec rafales sous des grains qui se développent en milieu de journée, au plus fort de la chaleur équatoriale pour être très actifs en début de nuit. Une zone informe, qui envoie ses métastases pour mieux phagocyter les équipages dans ses tentacules. Ventousés, scotchés, collés, freinés, Banque Populaire, puis Géant, puis Gitana 11 sont bien rentrés dedans et ne progressent plus qu’à moins de dix nœuds quand TIM-Progetto Italia est encore à plus de 15 nœuds… Mais cela ne saurait durer : si les écarts sont passés à trente milles entre les trois premiers, le trimaran italien devrait aussi se caler à cette distance dans les heures qui viennent. La surprise vient du fait que l’entrée dans le Pot a été très brusque et plus tôt que prévu, sur le 11° Nord ! Est-ce à dire que les bateaux vont en sortir aussi plus tôt ? Rien ne le laisse entendre… Sur la carte, Banque Populaire reste sur le 22° Ouest avec Géant à 25 milles dans son Ouest et TIM-Progetto Italia à 30 milles dans son Est : la stratégie est de contrôler ses concurrents en se plaçant devant, sachant que le premier à sortir du Pot au Noir, va refaire son avance acquise au Cap Vert. Gitana 11 tente quant à lui un coup plus délicat en étant décalé de près de cent milles dans l’Est, plus près des côtes africaines. S’il traverse le Pot à la même vitesse que les trois autres trimarans, il va sortir avec un meilleur angle pour le long bord de près vers Ascension. Mais il faudra attendre lundi soir pour se faire une idée plus précise de la validité des stratégies adoptées.Pour les monocoques Imoca, il n’y a pas de Pot… ou presque. Calés sur le 27° Ouest, les deux leaders ont incurvé leur route vers le Sud après leur long bord au 200° pour passer à l’extérieur de l’archipel du Cap Vert. Ils n’ont pas subi les effets perturbateurs des îles ou très peu, et naviguent avec une mer assagie dans un alizé encore soutenu de plus de 18 nœuds. Le vent commence à refuser, à passer du Nord Est à l’Est et de l’autre côté de la ligne de changement d’hémisphère, les alizés sont aussi musclés de secteur Sud Est à Est. Cela signifie que le gain dans l’Est n’est pas très intéressant car les monocoques vont peu ralentir et rapidement ré-accélérer au vent de travers avec 20 nœuds minimum de brise jusqu’au Brésil. Une seule voie donc pour les monocoques, en file indienne… comme des peaux rouges ! Le duel est donc relancé entre Virbac-Paprec et Sill & Veolia très proches l’un de l’autre, tandis que les poursuivants s’alignent sans espérer revenir au contact, du moins pas avant quelques jours. Chez les multicoques 50 pieds, Crêpes Whaou ! semble décider à traverser l’archipel capverdien et devrait l’atteindre quand son poursuivant immédiat sera… aux Canaries ! Un écart abyssal. Et chez les monocoques de 50 pieds, Gryphon Solo a gagné cinquante milles en 24 heures car Vedettes de Bréhat s’est enferré la nuit dernière entre La Palma et Hierro (Canaries). Le duo semble lui aussi viser dans deux jours, l’archipel du Cap Vert. Ainsi la Transat Jacques Vabre tourne désormais au duel de duos chez les monocoques (Dick-Peyron face à Jourdain-MacArthur) mais les cartes sont très brouillées pour les trimarans (Bidégorry-Lemonchois, Desjoyeaux-Destremau, Le Peutrec-Guichard, Soldini-Malingri). Un dimanche de récupération pour les monos, un dimanche d’incertitude et de manœuvres pour les multis…D. Bourgeois
Recherche numéro 86
Selon le Protocole de la 32e America’s Cup, les équipes doivent disputer la saison 2007 avec un bateau construit dans le pays représenté par leur Yacht Club. Cela signifie que d’ici là, les nouveaux syndicats comme United Internet Team Germany, China Team, K-Challenge, Shosholoza, Desafío Español et +39 Challenge sont obligés de construire de nouveaux bateaux ou bien, dans le cas des Français et des Italiens, de faire l’acquisition d’un ancien Class America construit sur leur territoire.Les syndicats ayant déjà disputé la précédente édition de la Coupe comme Luna Rossa, Victory Challenge, BMW ORACLE Racing, Mascalzone Latino-Capitalia Team, Emirates Team New Zealand, et le Defender Alinghi, peuvent utiliser s’ils le souhaitent leur ancien bateau. Mais ces équipes ont bien l’intention de construire au moins un Class America, voire deux (le maximum autorisé par le règlement) pour la plupart.La mise à l’eau d’un nouveau bateau est une étape majeure dans une campagne, et attire forcément l’intérêt des fans comme des équipes concurrentes. Dans la mesure où les Class America ne sont pas des monotypes, les performances du bateau acquises grâce à son design original sont en effet déterminantes dans la réussite du programme sportif. Du coup, des dizaines de millions d’euros sont dépensés dans les études architecturales et les tests. L’énergie et les ressources injectées dans tout le processus de design sont d’ailleurs proportionnelles au soin fanatique accordé au moindre détail dans la construction du Class America elle-même. Le résultat est une machine certainement la plus sophistiquée en matière d’ingénierie nautique et dont la durée de vie en compétition est limitée à celle d’une Coupe, soit 50 à 60 jours de course, mais dans la plupart des cas, 25 ou 30 jours seulement.
Changement de leaders …
Pour la première fois depuis le départ voilà une semaine, Gitana 11 a pris la tête de la Transat Jacques Vabre ce dimanche 13 novembre, à mi-course pour les multis 60’. Plus proche des côtes guinéennes, le trimaran de Fred Le Peutrec et Yann Guichard joue un joli tour à ses camarades équilibristes, encalminés dans l’entame du pot au noir, la fameuse zone de convergence intertropicale entre les alizés de nord-est de l’hémisphère nord et ceux de sud-est de l’hémisphère sud. La hantise des navigateurs où, à quelques milles près, le vent peu souffler de 0 à 40 nœuds et faire le tour de la girouette en quelques secondes. Un royaume de l’aléatoire où, comme disait Michel Desjoyeaux hier, « il vaut mieux être chasseur que chassé ». Bingo. Le chassé Banque Populaire s’est arrêté net. A la vacation, Pascal Bidégorry résumait sur fond sonore de voiles qui claquent : « c’est le pot au noir. Pas de vent. On y entre en premier, donc les autres reviennent de tous côtés. Ciel gris, chape de plomb, mer d’huile. Il n’y a rien, aucune activité, pas de cumulus, on est content quand on a trois nœuds… ». Michel Desjoyeaux sur Géant (à 26 milles de la tête contre 85 hier) confirmait la pétole : « ils ont coupé les ventilateurs.»Cent milles plus près des côtes, ambiance radicalement différente sur Gitana 11. Derrière la voix de Fred Le Peutrec, on entendait toujours les sons caractéristiques de la vitesse, certes moins élevée qu’hier mais encore honorable, en tous cas supérieure à 11 nœuds alors que Banque Populaire n’atteignait pas 3 nœuds et que Géant était en dessous des 5. « On navigue bien, ça va », souriait un Fred Le Peutrec peu enclin à éterniser la discussion en direct qu’on lui proposait alors avec Michel Desjoyeaux : « il va le voir qu’on navigue bien, Michel. Il le voit déjà… (rires des deux principaux intéressés)». Au pointage de 16 h, Gitana 11 possédait 4,4 milles d’avance sur Banque Populaire, 26,4 milles sur Géant et 54,6 milles sur les Italiens de TIM Progetto Italia qui partent maintenant dans l’ouest… Tout le monde est revenu dans le match. Les quatre bateaux de tête peuvent espérer gagner, dans une semaine, à Bahia !


















