Armel, raconte-nous les circonstances du chavirage ?
« On a abordé cette deuxième nuit de course en sachant qu’on allait rencontrer des conditions de mer et de vent très difficiles compte tenu du passage d’un front très actif. On s’est préparé en conséquence, on n’a surtout pas cherché à attaquer en adoptant la bonne toile du temps. Toute la nuit, on a navigué sous grand-voile trois ris et ORC (plus petite voile d´avant). Puis, quand le vent est rentré très fort, 4-5 heures avant le chavirage, on a roulé l’ORC. On progressait alors sous grand voile arisée seule. Dans 45 nœuds établis, Foncia avançait à 10-12 nœuds. Il était complètement maniable, ça passait bien même si évidemment c’était très humide. Vers 5 heures, sur le standard C, j’ai vu le May-Day d’Orange Project qui demandait des secours suite à son chavirage. J’ai appelé Alain Gautier (le project manager du bateau, ndlr) pour lui demander s’il fallait qu’on se déroute. Alain m’a précisé que les secours se mettaient en place. On a donc continué notre route. Le vent a commencé à bien mollir. Il y avait 20-25 nœuds dans une mer toujours très chaotique. Le bateau était alors sous toilé et il progressait plus difficilement, mais on savait qu’on n´allait pas tarder à virer de bord. Au moment de préparer le virement, j’ai pris la barre et Damian est descendu dans le cockpit. Et puis, il y a eu une grosse rafale. C’était juste derrière la pluie, je pense. En une demi seconde, j’ai pu voir que le vent est monté à 42 nœuds. Foncia était abattu et je n’ai pas réussi à le faire lofer, on n’a pas eu le temps non plus d’aller aux écoutes. Tout s’est déroulé très vite… au mauvais moment. »
Que s’est-il passé après le chavirage ?
« Je me suis retrouvé éjecté de tout là haut. Je suis tombé dans la grand voile. Je me suis retrouvé ensuite dans l’eau quelques secondes. Le temps de ressortir la tête, j’ai appelé Damian. Il ne répondait pas. Et puis, je l´ai vu. Il avait mal quelque part. Je l’ai fait rentrer dans la coque centrale. Je l’ai installé derrière, j’ai déclenché la balise et appelé Alain. J’ai aussi contacté le docteur Jean-Yves Chauve pour voir avec lui ce qu’il fallait faire pour Damian. Ensuite, je suis resté en contact avec l’équipe du bateau. J’appelais toutes les heures pour informer sur l’évolution de la situation. Nous avons été survolés par un avion militaire, qui positionnait le bateau. Vers 14 heures, nous avons été hélitreuillés. Les opérations se sont déroulées très rapidement. Un plongeur est descendu pour tout nous expliquer. Damian a été remonté dans une cage en position allongée. Je suis monté dans le deuxième voyage. Entre temps, j’avais rangé un peu le bateau. Ensuite, nous avons rejoint la zone de chavirage d’Orange Project. Avec les frères Ravussin, nous nous sommes retrouvés tous les quatre à bord du Super Frelon médicalisé de la Marine nationale. A Brest, Damian a été transporté à l’hôpital. »
Quels sont tes sentiments après ce chavirage et cette journée ?
« Je suis bien abattu. J’ai vécu une bonne frayeur au moment du chavirage. Ca va très vite, vraiment. Ensuite, il y a eu ces quelques secondes dans l´eau qui ont duré une éternité. Je ne savais pas où était Damian, je ne le voyais pas. C’était un peu dur. Mais maintenant, je sais que Damian est entre de bonnes mains. »
Et Foncia ?
« A priori, l’équipe doit partir demain avec un bateau de pêche pour rejoindre la zone. La balise Sarsat émet toujours, elle a une durée de vie de trois jours. Le mât, bien sûr, a été cassé. Mais quand j’ai quitté le bateau, il était intact au niveau des carénages, au niveau des bras de liaison, de la coque centrale, des flotteurs… »
L´équipe technique du team Foncia composé de Thierry Briend, David Boileau, Philippe Echassoux et d´un plongeur professionnel part mercredi matin de Loctudy sur un chalutier de 22 mètres “le Damoclès”” pour récupérer le trimaran. « Ils vont mettre environ 36 heures pour arriver sur zone. La balise de détresse, qui émet toujours, permettra de le localiser. Sur place, ils vont essayer de le retourner en noyant un flotteur et en tirant de l´autre côté. Cela permettra de moins faire souffrir le bateau pendant le remorquage. Ils devraient être de retour à Lorient en fin de week end prochain. » explique Alain Gautier qui coordonne les opérations de Lorient.
Source Laurent Simon”
























