Le calme avant la baston

Bassin au Havre
DR

Depuis plusieurs jours déjà, les marins ne pensent qu’à ça : au départ de leur transatlantique en double et surtout à cette méchante dépression venue de Terre-Neuve qui va totalement conditionner leur première semaine de course. Impossible d’y échapper car elle barre la moitié de l’océan Atlantique. Il faudra donc se la coltiner par le nord, quelque part au large de l’Irlande et affronter d’abord de forts vents de sud-ouest puis de nord-ouest. Le gros du mauvais temps est attendu pour les journées de mardi et mercredi, soit plus de 40 nœuds et surtout une mer croisée avec des creux de 8 mètres. Monocoques et multicoques risquent de naviguer en grande partie vent de travers, une allure rapide mais rendue périlleuse par l’état de la mer. Or, toute la difficulté consistera à ne pas faire souffrir les bateaux et à sortir intact de cet épisode virulent.

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Cette situation n’est pas inhabituelle en automne, les marins le savent et en cette veille de départ, ils s’y préparent psychologiquement. Les Class40 ont un temps envisagé la possibilité de retarder leur départ ou de trouver une solution alternative pour éviter le coup de tabac. Ces dernières 48 heures, les skippers de la plus petite classe présente dans la Transat Jacques Vabre (monocoques de 12,18 m) se sont réunis régulièrement pour évoquer la situation météorologique. Finalement, lors d’une réunion qui s’est tenue samedi à 17 heures, ils ont décidé de s’en tenir au programme initial : ils prendront le départ dimanche.

En fonction des conditions météo, la Direction de Course a le choix d’envoyer les marins sur deux types de parcours : un côtier « spectacle » de 13 milles ou une simple marque à virer à 4 milles de la ligne de départ. Après ça, il restera l’Atlantique…4730 milles pour les monocoques et 5323 pour les Multi50.

Ils ont dit :
Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) : « Quand tu es devant les fichiers, que tu regardes la dépression et qu’elle fait la moitié de l’Atlantique, tu te dis que tu es bien, au chaud dans ta chambre d’hôtel… mais c’est quand même normal ce genre de situation. C’est classique en cette saison. Cette dépression barre vraiment la route. Ce sont de vraies conditions musclées avec de la grosse mer. Je n’ai pas encore testé mon bateau dans ce type de conditions mais je ne suis pas inquiet. Ce sera une bonne première grande confrontation. »

Jérémie Beyou (Virbac-Paprec 3) : « C’est toujours pareil. Tu es peinard à l’hôtel pendant 10 jours et quand tu sors le bout du nez en Manche, tu te fais secouer. Ca va être costaud et ça commence à bien remplir mes pensées. Il y aura des passages vent de travers : quel angle faudra t-il mettre, comment va t-on toiler le bateau ? Quelle moyenne on réussira à tenir ? Toutes ces questions se bousculent dans ma tête… Je regardais les moyennes du routage ce matin, on était à 20 nœuds dans 35 nœuds de vent, vent de travers, donc ce n’est pas très réaliste. Si on fait ces moyennes là, on va tout péter. »

Vincent Riou (PRB) : « Ce qui occupe notre pensée, ce sont les grands schémas stratégiques et les derniers petits détails de préparation. On se fait notre scénario, on imagine ce que vont être les premiers jours de course. Au final, la météo est assez simple, c’est assez stable et tous les modèles européens comme américains convergent. Le scénario qu’on a imaginé, il y a trois ou quatre jours, reste sensiblement le même avec un vent un peu moins fort, ce qui n’est pas pour nous déplaire. »

Mathieu Souben (Prince de Bretagne) : « C’est certain que nous allons nous faire cueillir par une grosse dépression mais le bateau est très bien préparé et je suis bien accompagné pour ma première Transat. Nous pensons, bien entendu, à la victoire mais le plus dangereux de nos adversaires reste le vainqueur en titre, Franck Yves Escoffier sur Crêpes Whaou ! D’après les experts, quatre Multi50 peuvent prétendre à la victoire. Celui qui sortira de la tempête avec tout son potentiel aura une belle option pour la suite. »

Sébastien Col (MACIF) : « Il va falloir être dans le coup assez rapidement étant donné ce qui va se passer. Le scénario est assez clair dans notre tête maintenant. Il y a peut-être un petit front à exploiter stratégiquement dès la sortie de la Manche, mais nous n’avons pas assez de certitude à 5 ou 6 jours pour savoir comment l’aborder. Tout va se mettre en place lors de la première journée. »

Kito de Pavant(Groupe Bel) : « Ma préoccupation principale ? Le petit parcours après le départ… il y a toujours des risques de collision et cela me préoccupe. Il y a aussi la météo du milieu de la semaine prochaine. Cela s’annonce assez sérieux et on ne va pas la prendre à la légère. On ne va pouvoir passer au nord de cette grosse dépression. C’est quasiment le même scénario qu’il y a deux ans… on s’attend à du très mauvais temps et ça va durer longtemps. Il faudra en sortir en bon état.»