Les nerfs des 24 skippers du Trophée BPE-Banque Privée Européenne sont à vifs ! Après 20 jours seuls en mer, les marins sont « tendus-vrillés », sensibles à la moindre contrariété. Un peu moins de vent, une petite bascule non prévue, et c’est leur monde qui s’écroule. Dur ! D’autant que l’arrivée s’annonce compliquée. Thomas Rouxel ("Défi Mousquetaires"), second ce matin, réalise sa première traversée de l’Atlantique en solitaire. Dans ces conditions difficiles, le moral du jeune skipper d’Erquy, joue au yo-yo. « J’ai eu hier toute une après-midi difficile dans 5 à 8 noeuds de vent, avoue Thomas. Ensuite, j’ai profité d’une grosse bascule de droite pour descendre me recaler un peu dans le Sud. Cela m’a un petit peu éloigné de ma route, ce qui explique que Nico (Troussel "Financo") ait repris autant de milles au classement de ce matin. Cela fait maintenant 3-4 heures que j’ai de nouveau de la pression, c’est beaucoup plus agréable. Demain, une grosse molle nous attend, ça va encore être difficile pendant quelques heures. Le moral varie pas mal selon les pointages et la météo. Hier soir, c’était particulièrement dur. Depuis cela va mieux. Cette nuit, j’ai reçu quelques mails d’encouragements, ça remonte le moral. J’ai aussi entendu Charles à la VHF, ça rassure. Depuis ce matin, la mer est plus plate, on avance mieux, ça fait du bien. Je commence à en avoir quand même marre, il faut qu’on arrive là ! Sur la fin, dans peu de vent, on se dit que plus jamais on repartira. Et puis, quand on arrive, dans l’euphorie de la course, on retrouve le plaisir ! Côté ETA, on est passé du 15 au 16. Moi je penche plutôt pour le 16 en fin de journée mais tout dépendra de la molle qu’on aura. Nico va sûrement subir cette zone de molle mais il est toujours en position favorable sous le vent, donc il pourra facilement remonter et gagner de la vitesse. L’idée, c’est d’être un peu en dessous de la route pour essayer de choper la molle plus tard et en ressortir plus tôt. »
Marc Emig ("A.ST Groupe") est un garçon habituellement plutôt enjoué. Adepte des bons mots et de la bonne humeur. Mais, là, son moral soumis à rude épreuve, a pris de sérieux coups. Marc, largement en tête du groupe des Nordistes, est condamné à subir la météo. Le skipper marseillais se sent pieds et poings liés, rumine des idées sombres, mais s’est déjà fait une raison. « L’évolution de la météo et le classement de ce matin confirment ce que je pensais. On fait ce qu’on peut avec ce que l’on a. Allah ne m’a pas écouté », s’exclame Marc. « Je ne suis pas assez croyant ! Le vent a pris du Nord et va bientôt prendre du Sud. Pour l’instant j’ai du 100°(Est-Sud-Est). Le problème est qu’on n’a aucune pression. » Autre inquiétude pour Emig, son incapacité à contrôler ses adversaires du Sud. « L’écart (avec les Sudistes) est trop important. Soit j’arrive avec 50 milles de retard, soit c’est moi qui gagne. Je suis toujours à faire du VMG sur la route. Les fichiers météos annoncent du Sud-Est, pour nous c’est l’idéal, pour eux, ça devrait les ralentir. Avec ce schéma, soit ils devront lofer, et ils se rapprochent de nous, soit ils devront empanner et ça les éloignera de la route. J’espère 10° de bascule de vent pour prendre un noeud. Pour l’instant, on ne peut que subir le vent. Il n’y a rien à faire, c’est Éole qui gère, on attend la bascule. Je ne peux pas choisir d’aller dans le Sud parce que je serai à 90° de la route pour en plus aller chercher je ne sais pas quoi. Il y a trop d’écart latéral, 200 milles ! Je me suis fait une raison ! Je n’ai pas le choix. »
Nicolas Troussel ("Financo") s’affaire à creuser son avance. A 48 heures de l’arrivée, le Finistérien est lui aussi un peu fébrile… « Je suis un peu pressé, il y a un peu de vent qui vient de se lever, du coup il faut que j’aille aux réglages. Je suis un peu surpris d’avoir gagné autant de milles dans la nuit. Thomas Rouxel ("Défi Mousquetaires") et Charles Caudrelier ("Bostik") ont dû ralentir un peu. Ils ont du faire route au Sud pour éviter la molle qui s’annonce. Le scénario depuis deux-trois jours, avec les bascules de vents des alizés est un peu compliqué. J’ai eu plus de mal à gérer. Mais dans l’ensemble, ça s’est bien passé, on va continuer comme ça. »
Nicolas, qui jusqu’à présent a fait confiance à sa stratégie sans se préoccuper de ses adversaires directs, retrouve ses réflexes de régatiers en revenant au contact de Thomas Rouxel et de Charles Caudrelier. « Je commence à regarder un peu plus les adversaires quand même. Je vais continuer à rester attentif à la météo mais surtout faire mes empannages en fonction des changements de directions du vent. Il va peut-être falloir faire autrement en fonction des prochains pointages, plus observer mes adversaires pour savoir s’ils vont revenir ou pas. Je vais essayer de faire au mieux pour bien finir cette course. Maintenant, il faut que j’aille régler ! » La tension monte et n’est pas prête de retomber. Craquera, craquera pas ? Réponse sous 48 heures…
La guerre des nerfs …
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