Quand le vent s’évanouit, plus question de changer son safran d’épaule… C’est l’heure d’assumer ses choix, de tracer sa route sans barguigner… Même si forcément le doute s’insinue parfois. Il suffit que le vent vienne à mollir, qu’il change d’orientation, pour que les navigateurs se prennent à gamberger, à remettre en cause leurs choix. La faute à l’anticyclone des Açores qui n’arrive pas à alimenter une circulation d’air suffisamment stable pour générer un alizé régulier. On comprend, dans ces conditions, les hésitations des uns comme des autres à considérer que leur choix est définitivement le bon. Même le leader sur une route médiane, Nicolas Troussel (Financo), reste d’une prudence de chat quand il s’agit d’évoquer l’avenir. La règle semble être plutôt : ce qui est pris n’est plus à prendre et qui vivra verra…
Au sud, Erwan Tabarly peut toutefois s’enorgueillir d’un joli petit décalage stratégique qui lui permet de revenir se positionner dans l’axe d’un François Gabart (Espoir Région Bretagne) toujours aussi combatif. Gildas Morvan (Cercle Vert) ayant préféré de se repositionner légèrement plus dans l’ouest, de manière à garder encore sa liberté de choix. Mais, nul doute que le skipper d’Athema a sûrement marqué un petit point psychologique en imposant sa route à ses adversaires directs. Au centre du plan d’eau, Nicolas Troussel, malgré ses soucis de girouette, continue d’imposer son rythme et conforte son avance. A ses basques, Thierry Chabagny (Suzuki Automobiles) qui a opéré un recentrage jugé nécessaire, plutôt que de risquer d’obérer la deuxième moitié de course et Gérald Veniard (Macif) qui avouait prendre avec une certaine philosophie la perte de sa première place. Il faut dire que le navigateur charento-savoyard peut entretenir de longues conversations avec un volatile surnommé « Jean Mermoz », qui a élu domicile à bord du Figaro Bénéteau. La vie du solitaire fait qu’on se contente parfois de compagnies futiles.
Digérer les pépins
Pour d’autres, la route vers Marie-Galante s’avère plus ardue que prévue. Et les soucis techniques risquent fort de perturber la marche de ces solitaires en butte à des contrariétés diverses. Isabelle Joschke, toujours aux prises avec des problèmes de charge électrique récurrents, s’apprête à vivre cette deuxième partie de Transat BPE sur un mode économe. De longues heures à la barre pour suppléer le pilote, une réduction des sources d’informations au strict nécessaire, des communications téléphoniques réduites à la portion congrue. La jeune femme pourra se consoler en se disant qu’elle a déjà connu de telles situations quand elle écumait le circuit des Mini-Transat… avec un succès certain. Victor Jean-Noël (Pays de Marie-Galante) déplorait, quant à lui, une déchirure importante dans son spi maxi après une rencontre fortuite de sa toile avec une barre de flèche. Yannig Livory (CINT 56), lui aussi aux prises avec des problèmes électriques, ne peut visiblement plus communiquer avec la terre, ce qui ne l’a pas empêché de réaliser la meilleure moyenne sur vingt-quatre heures. Enfin Louis-Maurice Tannyères (Nanni Diesel) risquait de se trouver provisoirement coupé du monde suite à l’explosion de son forfait de communication iridium. La simple recharge de son compte devrait y remédier. Comme quoi, plaie d’argent n’est pas mortelle…
Le mot du jour : spinnaker
Les solitaires disposent pour cette Transat BPE de trois spinnakers, cette voile ballon qui permet de propulser le bateau aux allures portantes. En règle générale, ils embarquent deux spis maxi qui leur permettront de déhaler dans des vents faibles à médium et un spi de brise. Le spi de brise, n’est guère plus petit que les deux autres, mais sa forme, moins ventrue et son grammage (épaisseur du tissu), permettent aux navigateurs de le porter jusqu’à plus de 35 nœuds de vent établi.
Ils ont dit :
Nicolas Troussel – Financo – 1er au classement de 15h
« Je n’ai pas suivi le classement ce matin, mais si tu me dis que je suis premier, je te crois ! La nuit a été un peu mouvementée, il fallait être dessus car le vent est très changeant. C’était toujours le cas ce matin ; je fais ma route et si ça se passe bien, tant mieux. J’ai essayé de monter dans le mât pour ma girouette mais je n’ai pas réussi, je me suis fait ballotter à droite et à gauche donc je n’ai pas insisté. Le seul problème de ne pas avoir ma girouette, c’est que le pilote ne fonctionne pas correctement en mode vent, donc je passe beaucoup de temps à la barre. Les conditions sont bonnes : tout à l’heure, on a eu une petite molle mais, là, c’est revenu avec un grain. Je n’ai pas vraiment de rythme pour me reposer, je dors quand le bateau va à peu près tout droit. Du coup, hier, j’ai failli me mettre dans le rouge, car je pensais dormir après manger, mais ça s’est mis à bouger dans tous les sens ; donc j’ai dû y retourner. »
Isabelle Joschke – Synergie – 9ème au classement de 15h
« Je suis en restriction de consommation de batterie, donc il faut que j’éteigne mon iridium rapidement et surtout que je reprenne la barre. Dans l’ensemble tout va bien, les conditions sont agréables. Là, il y a 15 nœuds de vent. Il y a juste mes soucis de charge de batterie qui se sont confirmés, je vais repasser en mode économie d’énergie au maximum. Ça va me rappeler la Mini-Transat ! »
Victor Jean-Noël – Pays de Marie-Galante – 11ème au classement de 15h
« Pour l’instant, je suis dans le calme, je me situe à la limite de l’anticyclone. Mon grand spi est déchiré sur toute la longueur car, comme il n’y avait pas de vent, il s’est pris dans la barre de flèche. Je ne comprends pas bien ce que veut faire l’anticyclone. S’il va bouger ou rester là. Dans l’ensemble, ça se passe bien, mais on est vraiment dans la pétole anticyclonique, c’est un peu la guerre des nerfs. L’angle du vent change en permanence, il faut vraiment surveiller le baromètre. Moi je n’ai pas de panneau solaire ; donc je ne peux pas trop utiliser le pilote.»