Avant de larguer les amarres de son Generali dimanche dernier à Calais, Yann Eliès savait qu’il ne faudrait pas manquer le bon « wagon ». Alors, quand il a lu le classement après une nuit passée dans le brouillard le plus total, le coup a été forcément rude. « Cela a été la soupe à la grimace, mais, en bon Figariste, nous n’allons pas lâcher le morceau comme cela ». D’évidence, cette mise en jambe n’était pas l’idéal pour découvrir son nouveau bateau. « Nous n’avons pas encore les boutons. Entre spi, gennaker, code 0, génois, on patauge, mais quand nous avons eu un moment un bon vent de travers, nous avons tout de suite vu qu’on avait la balle… » S’ils ne savaient pas se remonter le moral, les skippers devraient changer de métier ! Cet art de rebondir, Pascal Bidégorry le manie aussi parfaitement. Delta Dore, un des favoris de la course, est à inscrire au compte des victimes de cette première journée. « Nous sommes tombés dans deux bulles. Une je veux bien, mais deux non. On est resté planté une bonne heure et demie. La route est encore longue… »
A quelques milles près
Une fois de plus, tout cela se joue à pas grand-chose. A quelques milles près, les conditions peuvent être radicalement différentes. « C’est super, nous sommes enfin sous le soleil », lâche Dee Cafari, contente de son début de course sur Aviva, un des « vieux » coursier de la flotte. Quelques minutes auparavant, non loin de là, Arnaud Boissières décrivait son Akena Vérandas avançant cahin-caha sous spi, avec 8 à 10 nœuds de vent de secteur Est. « On a trois cent mètres de visibilité, parfois on ne voit même pas la tête de mât ». Même cas de figure pour Roxy, avec une Samantha Davies encore échaudée par un croisement limite avec ce même Akena Vérandas. « Nous ne l’avions pas vu sur le radar, c’est le signal sonore de l’AIS (système automatique de détection NDLR) qui nous a averti ». Résultat des courses, un empannage en catastrophe et une chauve-souris, bizarrement réfugiée en tête de mât, qui tombe à l’eau. Entre ce fait divers et les nombreux croisements avec toutes sortes de navire que l’on entend mais que l’on ne voit pas, la nuit et la mâtinée ont été riches en émotion.
Beaucoup plus loin devant, Vincent Riou (PRB) avait vu le brouillard disparaître bien avant le lever du jour, avec un vent de Nord à Nord-Ouest d’une quinzaine de nœuds qui le propulse bien gentiment depuis cinq heures du matin. « Cela ne va pas s’arranger pour ceux de derrière dans les heures qui viennent » , explique sans fanfaronner le skipper qui sait bien qu’il est passé de justesse entre les piéges d’un invisible filet. « Les zones de molles ne sont pas là où elles sont indiquées. Nous avons une route tranquille jusqu’à l’Irlande. Sur le pont, il ne va pas y avoir beaucoup de boulot, nous sommes quatre à nous relayer à la barre. C’est une course de vitesse pure jusqu’au Fastnet ». Dans cette course commencée pour eux au lever du jour, force est de constater que Dominique Wavre et Bernard Stamm ont du mal à suivre le rythme. Incontestablement, cela part « par devant », avec certainement un peu plus de pression pour PRB et VM Matériaux. Avec un Jean Le Cam ravit d’être aux commandes de cette Calais Round Britain Race. « On a PRB par le travers, c’est un bon lièvre ». Jean sait de quoi il parle, souvenir de la dernière édition du Vendée Globe oblige.