En tête de flotte, François Gabart (MACIF) joue une partition sans fausse note, même s’il concède quelques appogiatures pour une meilleure harmonie. En se décalant dans l’est, il a choisi la route qui présentait le moins d’aléas. Par la suite, son avantage sur Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) s’étant confirmé, François a veillé à rester au contrôle de son adversaire, en privilégiant une position légèrement décalée, en avant et sous le vent. Enfin, une fois le contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène entamé, il a déclenché le virement de bord en premier, estimant avoir la marge suffisante pour remonter directement vers la pointe du Brésil. Ce mélange d’intuition stratégique et de rigueur tactique fait qu’aujourd’hui François Gabart dispose d’un matelas relativement confortable, sans compter l’avantage psychologique de marquer un adversaire à un moment clé.
Alex Thomson (Hugo Boss) a pris plus de risques, mais c’est, somme toute, logique. Il avait un débours de 300 milles à la sortie du cap Horn sur le trio de tête. En choisissant de naviguer sur une route très proche de la route directe, le long des côtes sud-américaines, il prenait le risque de se voir engluer dans des airs instables au large du sud du Brésil. Même si les dernières heures ont été plus compliquées, il a d’ores et déjà repris 400 milles à Jean-Pierre Dick. Le skipper de Virbac-Paprec 3 prévoit d’ailleurs un écart infime quand les routes des deux skippers convergeront.
Le scénario de la bataille en tête de flotte, pourrait se reproduire pour la remontée du peloton. En éclaireurs, Jean Le Cam (SynerCiel) et Mike Golding (Gamesa) ne peuvent faire autrement que de gagner dans l’est en venant chercher la bordure de l’anticyclone. Derrière eux, le groupe Dominique Wavre (Mirabaud), Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) et Arnaud Boissières (Akena Vérandas) pourrait voir s’ouvrir une porte pour une navigation en route directe, le long des côtes argentines. Actuellement, tous semblent vouloir suivre le même chemin, en route vers le nord-est, mais qu’un seul joue les francs-tireurs et le bel ordonnancement du peloton pourrait voler en éclats.
D’autres n’ont pas encore ces états d’âme. A quelque 800 milles du cap Horn, Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets) mène la danse des derniers guerriers du Pacifique. Pour l’heure, l’océan prend des airs de congés payés : vent d’ouest de 15 à 20 nœuds, soleil et mer d’un bleu profond. S’il n’y avait à négocier nombre d’empannages pour descendre jusqu’au cap dur, les navigateurs pourraient se croire en vacances. Mais, pour Tanguy de Lamotte (Initiatives-cœur), l’heure est la fin des réparations sur sa grand-voile quand Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) doit consolider le travail effectué sur ses safrans.
Ils ont dit
Dominique Wavre (Mirabaud) : « Mon gennaker est bien rangé pour d’autres conditions. Le problème était compliqué à résoudre car cette voile de 330m2 était en chiffon dans la soute. Il m’a fallu une heure à une heure et demie pour le sortir en élaborant une sorte de grue. Une fois sur le pont, il m’a fallu remettre l’avant à l’avant et l’arrière à l’arrière. Mais c’était presque la partie facile. Il a ensuite fallu le désemmêler, ce qui n’a pas été simple car il était complètement serré et étouffé sur lui-même. Une fois entièrement déployé, j’ai pu l’enrouler de nouveau correctement. »
Jean Le Cam (SynerCiel) : « J’ai eu une nuit paradisiaque : le bateau marchait bien, j’ai pu dormir, je n’ai eu aucune avarie pour me réveiller, il n’y avait pas d’algues… C’était une nuit remplie de plénitude, de bonheur. Mais je ne l’ai pas volée ! Hier, j’ai récupéré une algue dans le safran, c’était quelque chose ! Ce ne sont pas de petites algues qui glissent, elles ont des sortes de tentacules qui viennent se coincer dans les safrans ou la quille. C’est comme ça qu’elles peuvent arrêter les bateaux de course, ces coquines. »
Bertrand de Broc (VNAM) : « Les conditions – pour le coin – sont assez exceptionnelles : il fait beau, la mer est belle, le vent est correct, il n’y a pas de grains… ça devrait durer encore 72 heures. Le cap Horn est encore loin, vu le vent qui n’est pas très fort (15-20 nœuds) et malheureusement, je suis en plein vent arrière. Il faut donc que je tire des bords et la route est encore longue ! »
Tanguy de Lamotte (Initiatives-coeur): « J’ai passé une bonne journée puisque j’ai réussi à réparer ma grand voile. Il y avait un trou, sur lequel j’ai appliqué un grand patch que j’avais fabriqué. Et demain, j’en remettrai un autre sur l’autre côté de la voile. Ensuite, en route vers le cap Horn. L’un de mes buts dans cette course était d’atteindre le cap Horn en bon état, moi comme le bateau. Donc là, je commence à avoir sacrément hâte. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 4552.1 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 162.7 nm
3 Alex Thomson Hugo Boss à 392.3 nm
4 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 480.3 nm
5 Jean Le Cam SynerCiel à 1588.1 nm
6 Mike Golding Gamesa à 1726.5 nm
7 Dominique Wavre Mirabaud à 2014.1 nm
8 Javier Sanso Acciona à 2059.1 nm
9 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2066.4 nm
10 Bertrand de Broc Votre Nom autour du Monde à 3380.6 nm