Après avoir empanné hier soir pour remonter vers la porte Australie Est, François Gabart et Armel Le Cléac’h apprécient ce lundi des conditions de navigation plus calmes. De quoi dormir mieux et plus longtemps, boire chaud sans risquer de s’ébouillanter à chaque arrêt buffet dans une vague et aussi inspecter le bateau avant de faire, mardi soir, leurs premières glissades dans le Pacifique, le troisième océan de ce Vendée Globe.
Pour expliquer le retour de Banque Populaire dans son tableau arrière, le skipper de MACIF raconte avoir traversé ces derniers temps des zones de vents faibles et instables. Pour une fois, François n’était pas le plus rapide et au pointage de 16 heures, son avance n’était plus que de 15,8 milles, contre 46 milles hier à la même heure. Ce long pas de deux dans l’océan Indien a en tout cas créé une complicité entre les duellistes.
Derrière Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), un peu esseulé en 3e position, un couple franco-anglais ne se quitte plus : Alex Thomson (Hugo Boss) et Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat). Sous les côtes australiennes, 500 milles au nord des leaders, ils profitent eux aussi d’une accalmie passagère pour souffler et bricoler. Bernard est en train de réparer sa colonne de winch, défaillante depuis plusieurs jours. Une délicate partie de puzzle pour le remontage de toutes les pièces, dont certaines, rouillées, ont laissé de vilaines traces dans le cockpit.
Le duo franco-britannique est formé par Jean Le Cam (SynerCiel) et Mike Golding (Gamesa) qui plongent l’un derrière l’autre en direction de la porte Australie Ouest. Dans cette zone de navigation affectée par une belle dépression, le vent est fort (35-40 nœuds) et la mer creuse. « Là, j’ai une belle déferlante dans le tableau arrière » racontait Jean Le Cam ce midi.
« J’ai l’impression que le bateau va se briser en deux »
De fait, avec la série de systèmes perturbés qui balaye l’océan Indien depuis une semaine, l’état du terrain de jeu est en train de franchement se détériorer. Dans son briefing du matin, le météorologue de la course, Richard Silvani prévoyait des mers grosses avec des vagues croisées de 8 mètres. « Il y a des vagues de tous les côtés, confirmait Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) dans un message, elles viennent s’écraser contre l’étrave et m’envoient valser. Le bateau tape tellement que j’ai parfois l’impression qu’il va se briser en deux. Et moi, j’en perds presque mes dents ». Acciona 100% EcoPowered est lancé aux trousses de Mirabaud. Le marin espagnol s’est décalé dans le sud de son rival suisse, mais ses conditions de navigation ne lui permettent pas de faire de la vitesse.
C’est un peu la même problématique pour le reste de la flotte. Arnaud Boissières (AKENA Vérandas), Bertrand de Broc (Votre Nom autour du Monde avec EDM Projets), Tanguy de Lamotte (Initiatives- cœur) sont tous poussés par de solides flux de secteur ouest. Sur mer plate, ces 25 à 35 nœuds de vent portant permettraient d’atteindre de jolies moyennes. Mais les vagues constituent à la fois un danger et un frein lorsqu’elles prennent le bateau sur le côté où l’arrêtent net à l’issue d’un surf endiablé…
C.El
Ils ont dit
François Gabart (MACIF) : « On a des conditions plus faciles que lors des derniers jours. On va un peu moins vite mais ça fait du bien. C’était assez instable aujourd’hui. Je ne m’attendais pas trop à ça, à cet endroit-là. Avec les voiles d’avant, j’essaye de changer le moins possible. Je n’ai pas renvoyé le spi quand il y avait 12 nœuds parce qu’une demi heure plus tard il y avait 25 nœuds. J’essaye de trouver un gennaker qui va bien partout.Les cinq derniers jours ne sont pas les jours où j’ai le plus dormi sur le Vendée Globe. »
Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) : « C’est calme au portant. Il y a 10-11 nœuds de vent. C’est tranquille. Ça laisse l’occasion de bricoler. J’ai mis un peu la course entre parenthèses pour profiter de la molle et faire le maximum de choses. Pour l’instant, j’ai récupéré la colonne de winch. Les chaînes ont à moitié rouillé. Il faut vite qu’il y ait du vent de nouveau et que la flotte vienne rincer tout ça. La grande brune (ndlr : Claudia, cyclone tropical qui est devenu une dépression polaire) a été très en dessous des espérances. Il y a eu du vent mais sans plus et il n’y a pas eu d’orages. Elle arrive à bout de souffle la mémère… »
Jean Le Cam (SynerCiel) : « On a des vents assez soutenus. On passe de pas de vent à beaucoup de vent. Là on a un ciel de traîne avec une mer formée. Il y a de grosses vagues, on est un peu sous-toilé parce qu’on a des vents soutenus – 33-38 nœuds. Devant, ils nous mettent un caramel. Derrière, on leur met un caramel… Au final tout le monde met un caramel à tout le monde. Les écarts qu’il peut y avoir sont assez étonnants. Il ne faut jamais perdre espoir, surtout sur un Vendée Globe On ne sait jamais ce qui peut se passer. Je suis bien placé pour le savoir. Bien malin celui qui dira qui peut gagner le Vendée Globe aujourd’hui. Celui qui se risque à ce genre de jugements est proche d’un imbécile. »
Classement de 16h
1 François Gabart Macif à 12 685.2 nm
2 Armel Le Cléac’h Banque Populaire à 15.8 nm
3 Jean-Pierre Dick Virbac Paprec 3 à 396.4 nm
4 Alex Thomson Hugo Boss à 834.7 nm
5 Bernard Stamm Cheminées Poujoulat à 879.4 nm
6 Jean Le Cam SynerCiel à 1494.6 nm
7 Mike Golding Gamesa à 1651.1 nm
8 Dominique Wavre Mirabaud à 1812.6 nm
9 Javier Sanso Acciona à 1991.2 nm
10 Arnaud Boissières Akena Verandas à 2524.7 nm




















