Anne Caseneuve, un abandon douloureux

Anne Caseneuve / Trimaran Acanthe Ingénierie
DR

Après 4 jours de course, tu étais en tête, tu semblais alors très confiante. J’étais en tête, quand c’est arrivé. J’avais du vent, le bateau était très, très performant, j’attendais le classement parce que j’étais persuadée d’avoir mis encore un peu plus de distance entre moi et le reste de la flotte, je prenais une belle avance. La météo était bien, le bateau était bien. Mercredi, lorsque c’est arrivé, j’étais dans une dépression avec un vent de 30 nœuds, je devais avoir une autre dépression d’ouest, pas géniale pour le trimaran, mais que j’aurai pu négocier. Par la suite, la météo s’annonçait parfaite pour le reste du parcours, ce qui est assez rare. Quelles étaient les conditions au moment de l’accident ?Au moment où c’est arrivé, j’étais dans 40 nœuds de vent, 2 ris tourmentin, la mer était forte. Mon erreur vient peut-être du fait que j’étais trop sure de moi sur le bateau, je n’ai pas fait suffisamment attention, je marchais sur le pont comme s’il n’y avait que 10 nœuds de vent. Je sens tellement bien le bateau dans le gros temps… J’aurais du être plus prudente. Mais bien sûr, c’est après coup que l’on se dit ce genre de choses. Comment est-ce arrivé ?J’étais à l’avant sur le pont, je venais de manœuvrer, j’avais fini ce que je devais faire, et je rentrais dans le cockpit. Au moment où j’allais descendre, un vague a frappé la coque centrale, ça m’a percutée en avant, je me suis alors protégé la tête en tombant parce que je voyais que j’allais atterrir sur la casquette. Je n’ai plus rien compris et je me suis retrouvée dans le cockpit avec ma jambe à l’équerre sur la droite. J’ai vraiment eu mal, mais le problème, ça a été quand je me suis relevée, la jambe se dérobait. Je me suis reposée sur ma couchette espérant que ça passe. Le genou s’est mis à gonfler, avec les vagues qui tapaient la douleur était atroce. Lorsque le vent est tombé, j’ai voulu aller mettre de la toile, mais je ne pouvais plus rien faire, je manœuvrais assise à l’avant du bateau, je tirais ma jambe, je ne pouvais plus rien faire. A ce moment-là, la course te paraît perdue ?Il est évident que je pouvais continuer, la preuve, j’ai réussi à ramener le bateau en convoyage. Mais il n’était pas question pour moi d’arriver dernière de cette course, et amener mon bateau à Newport en convoyage était hors de question. Je ne pouvais plus rien faire, je ne pouvais plus aller à l’avant, ni marcher sur le trampoline. Arriver à Newport avec la trinquette et 2 ris, ça ne m’intéressait pas. L’Ostar, je voulais la gagner, mais rien n’était gagné d’avance, Branec menait bien son bateau, les 40 pieds allaient bien. Pourtant, je rentrais dans des conditions qui étaient idéales pour moi, j’avais quand même 37 milles d’avance sur mon poursuivant, et je ne faisais qu’augmenter l’écart. Je ne voulais pas traverser l’Atlantique pour traverser l’Atlantique. J’avais tout pour la gagner cette course. Tu décides donc d’abandonner ?Je n’avais pas plusieurs possibilités, je devais reposer mon genou au minimum 24 heures, et perdre 150 milles sur les premiers. Mais il fallait que je m’arrête un moment, je n’en pouvais plus, j’avais eu trop mal pendant 48 heures. Et puis j’ai finalement décidé d’arrêter, j’ai pris la décision mercredi soir. Comment s’est passé le convoyage vers la Bretagne ?Le convoyage a été difficile, sur l’eau, quand tu as mal, c’est vraiment éprouvant. Moi qui n’avais jamais pris d’aspirine de ma vie ! Là, je me suis rendu compte de ce que c’était d’être handicapé sur un bateau seul en mer, ce n’est vraiment pas évident. Je suis rentrée au portant, j’ai laissé le bateau comme il était. Je suis arrivée dimanche à Port-Navalo avec 10 nœuds de vent. C’est à l’entrée du golfe qu’on est venu me chercher. C’est vraiment dommage, je suis vraiment triste, mais j’espère que ma jambe va se remettre très vite.

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